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Le contexte du départ (III)
Les bonnes feuilles Premier voyage en Tunisie (17-31 juillet 2006) Tunis, Monastir, Sousse, Kairouan
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 07 - 2011

Nous continuons la publication des bonnes feuilles du récent ouvrage d'un récit de voyage de Yvonne Bercher, auteure suisse, qui a pour intitulé « Récits et réflexions d'une touriste sous l'ère Ben Ali ».
En 2006, 2007 et 2008, l'auteure qui s'est rendue en Tunisie, a accumulé une expérience à la fois sensitive, affective et intellectuelle d'un voyage dans un pays où le feu était déjà sous la cendre.
Recherche le savoir du berceau jusqu'au linceul. C'est sous le signe de ce magnifique hadith que s'effectuera notre septième périple dans les pays arabes, un voyage qui nous mènera en Tunisie.
Le monde arabe subit une fois de plus les foudres d'Israël, qui dévastent le Liban, déversant des bombes qui tuent des milliers de civils. Au moment où nous partons, personne ne peut dire si d'autres Etats, ni lesquels, rejoindront le pays martyr dans sa résistance désespérée. Selon certains analystes, des raisons économiques présideraient à cette guerre. Ils affirment que ce serait essentiellement pour anéantir le Pays du Cèdre comme puissance économique qu'Israël se déchaînerait.
C'est après avoir essuyé de lourdes pertes et sans avoir rempli aucun des objectifs qu'elle s'était fixés que l'armée israélienne finira par se retirer.
Voilà pour le contexte politique. Un imprévu de dernière minute a failli engloutir mon projet, mais l'instinct migratoire fut le plus fort. Une fois de plus, c'était la voie royale, le chemin qu'il fallait emprunter.
Avec mes deux fils, âgés respectivement de quinze ans et un peu plus de onze ans, maintenant des appuis et partenaires d'un authentique dialogue, je me trouve subitement propulsée vers ce voyage que j'ai à peine vu arriver, absorbée par d'autres préoccupations et activités.
Le voyage
Alors que nous nous détachons de terre, une chose me frappe immédiatement : l'ambiance délibérément laïque que je retrouverai régulièrement dans le cadre des services de l'Etat tunisien. Contrairement à Air Jordanie, Tunisair ne procède à aucune invocation religieuse avant le décollage. Un chariot bien approvisionné en spiritueux, cigarettes, parfums et autres articles, appartenant au superflu dogmatiquement discutable, propose sa marchandise avec succès, dans l'étroit couloir de l'Airbus qui nous transporte.
Nous avons élu domicile à deux pas de la gare ferroviaire. On ne se douterait plus qu'en 1943, ce quartier, à haute densité de population, avait été bombardé par les Alliés : un véritable saccage. De nombreux civils l'avaient payé de leur vie.
Cette partie de la cité passe pour mal famée puisque s'y déverse tout ce qui vient de l'extérieur, et que l'exogène est traditionnellement perçu comme menaçant. «Méfiez-vous, il y a des Algériens». Cette mise en garde, prononcée par un chauffeur de taxi bien intentionné à notre égard, fera ma délectation, montrant que, par définition, le «méchant», c'est toujours l'Autre. De ce peuple voisin, propre à inspirer la terreur, nous ne verrons qu'un seul représentant, fort courtois, avisé, éveillé aux réalités politiques, un baroudeur vraisemblablement venu se livrer à quelques menus trafics, plus proches de l'infraction douanière que du grand banditisme.
Notre hôtel, modeste établissement d'une dizaine de chambres, donne sur une venelle suffisamment étroite pour que le taxi hésite à s'y faufiler. Dans une cour d'une cinquantaine de mètres carrés, un bougainvillier arborescent monte jusqu'à l'étage supérieur, où nous accueille une chambre d'un beau bleu roi, exiguë, dépourvue d'eau courante, mais propre. Dès la réception, quelques-uns des ingrédients fétiches de l'Orient nous souhaitent la bienvenue: des versets du Coran, l'incontournable photo du chef d'Etat local, un tissu chatoyant, déployé comme une queue de paon, ainsi qu'un gros registre d'un autre âge, à l'intention de la police. Payante, la douche est aussi bien gardée que les coffres des banques suisses; il faut solliciter une clé pour s'y rendre et il serait inimaginable de la trouver, par mégarde, ouverte. Une équipe industrieuse de mâles consciencieux, de plusieurs générations, veille à la bonne tenue des lieux.
La médina
«Dans la ville arabe, la partie la plus intéressante est le quartier des souks, longues rues voûtées ou torturées de planches, à travers lesquelles le soleil glisse des lames de feu, qui semblent couper au passage les promeneurs et les marchands».
De MAUPASSANT G., In Le goût de Tunis, Mercure de France, Paris 2007 p. 61.
La Tunisie a conservé ses atours occidentaux et ses habitants revendiquent volontiers cet aspect. Une belle architecture fin du XIXe, où on n'a lésiné ni sur le matériel, ni sur le travail, donne à la ville un aspect chic, très net, presque opulent par endroits. On y sent la main inimitable des artisans italiens. La partie de la ville située hors des murailles est dotée de rues à angles droits, contrairement à la médina, faite de ruelles sinueuses, entrelacées selon un schéma aussi difficile à déchiffrer pour un non initié que le marc de café resté au fond d'une tasse.
Les civilités de l'accueil et les formalités accomplies, nous entamons, à pied, notre découverte, nous dirigeant vers la médina, qu'en vingt minutes d'une marche nonchalante, nous gagnons aisément. En pente, elle est groupée autour de la Zitouna, érigée en 732 et rebâtie au IXe. Les colonnes de sa salle de prières proviennent des ruines de la Carthage romaine. Sa madrassa devint le plus important centre culturel du Maghreb. On y dispensait également des formations médicales.
Tunis, relativement épargnée par les dévastations des siècles antérieurs, constituait un centre culturel important, drainant nombre de manuscrits irremplaçables, venus d'Orient comme d'Occident.
Depuis le XVe, le plan de la vieille ville, étendue sur 270 hectares, n'a pas changé.
Pour accéder à la grande Mosquée, nous empruntons une ruelle aux grandes dalles rectangulaires noires, polies par les pas. Quelques siècles plus tôt, ces pavés avaient reçu, comme des pétales de roses effeuillées là, les pages disséminées d'ouvrages précieux, livrés à la furie conquérante des Espagnols. En 1535, le sac de Tunis par les troupes de Charles Quint, débarqué avec plusieurs centaines de vaisseaux et 30.000 hommes, fut l'occasion d'un autodafé, déchaînement sacrilège et ravageur d'obscurantisme qui a marqué les mémoires. «On évoque encore dans les familles le pénible souvenir des livres manuscrits détruits, jonchant les rues de Tunis depuis la Zitouna jusqu'au port».
Barbarie déchaînée contre la mémoire et la culture, la pratique de l'autodafé n'est pas nouvelle. On en trouve déjà trace dans l'histoire des Almoravides et des Almohades. Cette menace, intégrée par les lettrés, expliquerait en partie l'habitude d'apprendre par cœur des ouvrages entiers. «Tout se passe comme si un danger imminent pouvait à tout moment mettre le livre au bûcher et faire disparaître ainsi l'espérance de pouvoir posséder une parcelle quelconque de la vérité».
Dans la partie supérieure de la médina, un faux guide nous prend en charge. Contournant avec une subtilité de Phénicien de bonne souche tout problème de terminologie, de nature à lui valoir des ennuis avec une réglementation qu'il doit connaître mieux que moi, il s'autoproclame non pas guide, mais «spécialiste de la médina». A plusieurs reprises, je constaterai l'habileté des Tunisiens à recourir à des artifices linguistiques propres à les tirer d'affaire lorsqu'ils se trouvent dans des situations embarrassantes.
Une ascension nous mène à la terrasse. Des faïences mariant le bleu, le jaune et le vert tapissent les murs, fruit des trois influences andalouse, ottomane et italienne. La vitrification de la céramique est arrivée en Méditerranée, par l'intermédiaire des conquérants arabes. Cette technique s'est ensuite répandue. La fabrication des dalles se faisait à l'aide d'un moule en bois que l'on remplissait d'argile. Une fois séchée, la plaque était découpée en plusieurs carreaux des dimensions requises, que l'on laissait encore durcir, en les disposant de manière à laisser passer l'air. On ponçait ensuite la face destinée à l'émaillage. Ce n'est qu'après avoir déposé une couche de fond claire, que l'on décorait les carreaux. Les couleurs provenaient d'oxydes métalliques, le jaune de l'antimoine, le bleu du cobalt, le brun violacé du manganèse, le vert du cuivre. Des poils de crinière d'âne servaient à la fabrication des pinceaux.
Nos yeux s'envolent sur les toits de la ville, à l'étage des hirondelles. Les flèches des minarets m'apparaissent moins nombreuses et d'une architecture moins variée qu'au Caire, ou à Damas, mais le regard porte plus loin, dans un ciel propre. Posés là, à nos pieds, de grandes amphores en terre cuite et un tapis à moitié déroulé complètent le tableau. Une lumière vive et scintillante, sans être blanche, fait vibrer un panorama dont je ne suis pas la première à me délecter. En 1914, elle avait ensorcelé Paul Klee, qui fit à ce moment-là un voyage en Tunisie, décisif pour la suite de son œuvre.
Le paiement de notre accompagnateur de quelques instants donne lieu à une discussion à laquelle j'aurais été presque déçue d'échapper, mais son statut peu clair a pour effet d'abréger ses prétentions pharaoniques. Flânant, respirant les odeurs de ce microcosme fait de vie et de couleurs, nous retraversons la médina pour descendre en direction de la porte de la mer. Des marionnettes de Djerba, aux atours vifs et aux accessoires en laiton, ornent certaines devantures. A la faveur d'une halte chez un parfumeur, je découvre de l'essence de figues de barbarie, substance huileuse à la couleur olive, parfum capiteux utilisé par les hommes.
Les millions de vacanciers qui se déversent sur le pays ne restent généralement pas dans la capitale, pourtant si bien adaptée au goût et au fonctionnement européens. Ce déferlement de Nordiques avides de soleil s'opère traditionnellement sur les bords de mer.
(A suivre...)


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