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Un jardin d'alphabets, né du désert
Bâtisseurs de l'imaginaire : Un aquarelliste nomade libyen nommé Ali Ezouik
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 07 - 2011

Je connaissais Ali Ezouik de nom et, surtout, à travers les propos de Ali Abani, autre plasticien libyen de talent (paysagiste de l'école italienne) qui m'avait dit beaucoup de bien de lui et de ses images fulguranes et modernes. Rencontré la semaine dernière sur la terrasse du Café de l'Univers, observatoire sympathique des manifestations de la révolution tunisienne, j'ai pu mesurer l'importance de cet aquarelliste nomade libyen à travers sa personnalité et une monographie qui lui a été consacrée en 2009.(*)
Dans cet ouvrage remarquable qui ne lésine pas sur la qualité des reproductions de ses œuvres et de la mise en page, il y a un croisement de lectures en quatre langues(*) qui démontre comment et combien l'œuvre de cet artiste a été bien reçue en Suisse, à Genève et à Bâle.
Anton Meier notamment, dont l'importante galerie genevoise porte son nom, ne tarit pas d'éloges‑: «Ma première rencontre avec tes aquarelles a été d'abord une grande surprise, un trait de lumière violent, un éblouissement. (…) J'ai appris par Gaspare O. Melcher, qui t'avait rencontré au Caire, que tu venais de la Libye (…) mon étonnement grandissait, car cela contredisait tout, ce que je m'imaginais de l'art contemporain venant de ces pays, complètement inconnus par moi».
Et encore ceci‑: «Je trouvais paradoxal qu'un fils du désert travaille avec l'eau (l'aquarelle). J'ai dû me débarrasser de toutes les idées reçues sur les peintres de l'Afrique du Nord».
En 2007, les œuvres de Ali Ezouik firent partie de la grande exposition Watercolors et suscitèrent l'admiration du public genevois.L'artiste y présentait, dans la technique du grand lavis, des œuvres où les formes et les figures, reconnaissables à vue d'œil, s'enchevêtrent à la façon dont les Egyptiens élaboraient leurs hiéroglyphes ou sortes de pictogrammes d'alphabets inconnus et mystérieux et dont il est difficile de trouver le code. Le sieur Meier dira à ce sujet‑: «Un melon, un bouc, une naissance, un scarabée, une déclaration d'amour dont le code me manque, un singe devant une montagne, le plaisir devant une coupe de fruits exotiques… des animaux étranges. J'étais fasciné». Tous ces titres d'œuvres et bien d'autres qui forment une sorte de catalogue raisonné, ont donc été l'objet d'une curiosité intense de la part des intervenants à cette monographie et dont le Pr Thomas Knubben des Universités de Tübingen et de Bordeaux.
Le code de Ali Ezouik
Ce monde coloré de l'aquarelle, comme déversé spontanément sur le papier arche ou canson, est systématiquement codifié pour obtenir telle ou telle figure, selon la «bulle» aqueuse, pour se mettre au service de tel ou tel alphabet du signe. Le thème naît donc spontanément comme les dessins et aquarelles d'Henri Michaux et même dans le parcours tunisien de Paul Klee en 1914 de Sidi Bou Saïd à Kairouan en passant par Radès et Hammamet. C'est d'ailleurs ce qui a tout à la fois intrigué et fasciné nos amis suisses de voir qu'un tel jardin d'alphabets luxuriants de couleurs et de lumières était non seulement moderne, mais, qui plus est, était l'œuvre d'un autochtone de l'Afrique du Nord.
La singularité de ces aquarelles à la fois spontanées, mais revisitées avant que le flux d'eau coloriée ne s'estompe ou se disperse (la bulle au milieu de la page blanche laissée pour compte), cette singularité, disais-je, vient de ce que les codes qui y sont inscrits sont à la fois ceux du passé, du présent et de l'avenir. En fait, tout se passe comme si Ali Ezouik voulait avant tout faire passer quelque chose sans se laisser coder. L'artiste, nous le savions depuis longtemps, est un «passeur». Un passeur de code et, sans aller jusqu'à Vinci, on pourrait dire que les artistes contemporains et/ou modernes se sont mis à l'idée (face aux technologies actuelles et au règne du monde virtuel) de faire passer ce «quelque chose» sur un nouveau corps, inventer un corps de quelque forme qu'il soit, ou de quelque origine : humaine, terrestre , céleste... Ali Ezouik se sert des codes pour faire passer un message, par exemple. Mais, en même temps, il brouille les codes, en mettant en valeur l'idée ou le sentiment qu'il éprouve, sans que, pour autant, nous en soyons sûrs. Les formes abouties sont elles-mêmes parcellaires et elles se présentent plutôt comme des conscientisations de formes ou de sujets. L'iconographie de l'artiste renvoie même à un univers surréaliste, à l'étude des rêves freudiens, aux aphorismes de Nietzsche, aux limbes d'Artaud, lorsqu'il déclare : «J'arrache des oiseaux à la lèpre d'un mur», à Rimbaud à travers ses «voyances».
Ali Ezouik bouleverse notre regard qui cherche désespérément à se tenir à un petit bout de sens, comme l'alpiniste à la petite faille d'un rocher face au grand vide pascalien.
Ce qui fait le style de cet artiste, c'est que son rapport à la perception du réel se fait toujours dans l'immédiateté, sous-entendant en cela que les éléments de l'intériorité y sont déjà inscrits, comme une sorte de legs et de traditions mûrement acquis et de longue date.
Oui, Ali Ezouik est un véritable «passeur» de choses de l'imaginaire et le bâtisseur d'un art sincère singulier et même de l'extase. Du grec extasis, action d'être en dehors de soi-même.
Réfugié temporairement dans notre pays en attendant le départ de l'infernal dictateur, espérons qu'il soit accueilli et fêté ici chez lui dans cette Tunisie qui est le continuum de la Libye, demain libre et démocratique à son tour.
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(*) Ali Ezouik «The flooding of narration - The Art of Cell». Aquarelle. Alresalah Co book and publishing‑: Tripolie. Libya
(*) Allemand, anglais, français, arabe


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