Par Dr Moncef GUEN Les mois passent depuis le 14 janvier et le chômage augmente. Non seulement les 750.000 chômeurs tournent en vide mais leur nombre ne cesse de s'accroître par l'arrivée de nouveaux venus sur le marché de l'emploi et aussi par les nouveaux sans-emploi qui sont mis sur le carreau par cette abominable conjoncture. Les partenaires techniques et financiers de la Tunisie, dans un élan de solidarité qui mérite d'être souligné, ont octroyé à notre pays des concours de plus de 2 milliards de dollars US pour financer notamment des travaux d'infrastructures dans les régions déshéritées de l'intérieur tels que des pistes rurales. Ces travaux utilisent beaucoup de main-d'œuvre et peuvent ainsi alléger les pressions sur le marché de l'emploi pendant cette période difficile. Pourquoi ces montants ne sont-ils pas encore injectés pour créer une nouvelle dynamique génératrice de revenus, avec effet de levier sur les autres secteurs de l'économie comme la construction et les travaux publics, l'agriculture, les transports et les autres services ? Personne ou presque dans les partis politiques ne tire la sonnette d'alarme sur cette situation, ni dans les médias ni dans les instances comme celle de Yadh Ben Achour. Personne du côté du pouvoir ne nous explique pourquoi ces fonds ne sont pas encore utilisés pour créer des emplois pour les jeunes, surtout dans les régions déshéritées. Personne parmi les journalistes, dont un certain nombre n'est intéressé que par la politique politicienne, ne pose cette question aux responsables politiques au cours de leurs conférences de presse. Le peuple tunisien est en plein bouillonnement parce qu'il ne voit pas de solution à ses problèmes. Il ne fait qu'entendre les discours de ceux qui sont au pouvoir ou de ceux qui attendent impatiemment de prendre le pouvoir. Ses problèmes concrets de tous les jours, le chômage des jeunes, la pauvreté qui frappe 25% de la population, l'absence des premières nécessités pour la plupart des couches sociales, l'exode rural, ne trouvent pas de solutions concrètes. Nonobstant l'opinion de certains anciens responsables, je comprends parfaitement les sit-in non violents par des personnes qui réclament à juste titre leurs droits à une vie meilleure. Quand des citoyens attirent l'attention sur le manque d'eau potable dans leur région, qui peut les blâmer ? Ils réclament leur droit à la vie car l'eau est la vie. Quand des citoyens attirent l'attention sur la pollution du golfe de Gabès qui a tué la pêche dans cette région, naguère fertile en poissons, qui peut les blâmer ? Ils réclament leur droit de vivre dans un environnement sain. Quand des jeunes vous disent que ce n'est pas de leur faute qu'ils sont sans emploi, qui peut les blâmer ? Ils réclament que les responsables actuels et futurs se penchent sur leur emploi en injectant les investissements nécessaires pour redynamiser l'économie. Des terres entières, de vastes terres sont en friche et des cerveaux et des bras sont oisifs. Pourquoi ne les combine -t-on pas pour créer de nouvelles richesses? Les terres arables ne représentent que 17,6% de l'ensemble des terres en Tunisie. Le Grand-Tunis compte plus de 2 millions d'habitants et son extension consomme tous les ans 500 ha de terres agricoles. Que fait, dans ces conditions, le ministère de l'Agriculture ? On aimerait bien savoir. Dans un pays comme l'Inde, pour juguler l'exode rural, le gouvernement garantit 100 jours de travail par an à tout demandeur d'emploi dans les zones rurales. Si l'Inde le fait pourquoi pas nous ? La réponse que l'on entend souvent est que le gouvernement est provisoire et ne fait que vaquer au quotidien. Mais c'est une révolution que nous sommes en train de vivre. Il faut que cette révolution rompe avec le passé qui nous a laissé un lourd héritage et esquisse les solutions d'avenir. On aurait pu, depuis les mois de mars et avril, lancer de nouveaux travaux dans les régions déshéritées et donner l'amorce d'une politique de plein-emploi. Les jeunes, au lieu de s'exiler à Lampedusa, auraient eu une lueur d'espoir.