Depuis des mois nous voyons sur nos écrans et nous lisons dans la presse la détresse des jeunes Tunisiens qui se sont volontairement exilés à Lampedusa et de là, à Vintimille, Nice, Marseille et Paris. Le spectacle est désolant. Voir ces jeunes fuir leur pays dans les pires conditions en affrontant la mort en Méditerranée est attristant. Cela rappelle les «boat people» du Vietnam. Voir ces jeunes, transformés en balles de ping-pong entre l'Italie et la France sur leur frontière commune, est affligeant. Voir ces jeunes sur le bord de la Seine abandonnés par tous, sauf quelques généreux Tunisiens, sans abri, sans nourriture, sans soins, est révoltant. Que font notre ambassadeur et notre consul à Paris ? Apparemment pas grand-chose. Même notre concitoyen, le socialiste Bernard Delanoë, maire de Paris, ne leur vient pas en aide. Pourvu que les jeunes ne se transforment pas en pirates à la Barberousse sur les côtes tuniso-italiennes. Ce serait le comble ! Certes la fuite des jeunes vers l'Italie existait déjà du temps de l'ancien régime. Mais elle était épisodique, saisonnière et étouffée par la dictature dans son accord avec l'Italie et la France sur le contrôle des frontières. Le chômage de la Tunisie de la Révolution est hérité de l'ancien régime dont le modèle économique n'était pas, en réalité, centré sur l'emploi et qui n'engendrait qu'une croissance limitée. Dominique Strauss Kahn, directeur général du Fonds monétaire international, cite, maintenant que la vérité n'est plus cachée, l'économie tunisienne comme l'exemple d'une économie dont les fondamentaux macroéconomiques sont passables mais qui ne crée pas d'emplois. Vers une solution Le ministre des Affaires sociales, Mohamed Ennaceur, a déjà indiqué que la Tunisie compte 500.000 demandeurs d'emplois. Peut-on les employer tous ? Certes, non dans l'immédiat. Mais nous pouvons en employer un grand nombre tout au moins pendant une partie de l'année si l'on met en œuvre rapidement un plan cohérent d'urgence en faveur de l'emploi. Le secteur privé peut y contribuer, mais il ne faut pas compter sur lui dans la conjoncture actuelle et avec les problèmes que ce secteur (celui orienté sur le marché intérieur) a dû subir sous l'ancien régime. La solution est dans le recours à un programme de stimulus économique d'envergure comme l'ont fait les pays du G20, suite à la crise financière et économique de 2008. Mais où est le nouveau budget qui allouerait les crédits nécessaires pour sa mise en œuvre ? Agriculture, y compris la mise en valeur des terres incultes, agroalimentaire, industrie, infrastructure, transports, informatique et technologies de l'information ont un potentiel important qu'il faut utiliser pour l'emploi des jeunes. Ce plan d'urgence doit être relayé plus tard par un plan à moyen terme de modernisation et de développement de l'économie tunisienne avec financement conjoint national et international. Le Vietnam a, ces temps-ci, un taux de croissance dépassant les 7% par an. La Tunisie de demain, j'en suis sûr, fera mieux. * (Ancien secrétaire général du Conseil économique et social)