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La gangue réinversée
Note de lecture : Libertés fondamentales et modes de corruption des systèmes de Ridha Ben Slama
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 08 - 2011

Cet essai, à la fois analyse critique des déviances de la démocratie et de la corruption des systèmes de pouvoir et plaidoyer pour les libertés fondamentales, date d'avant les révolutions arabes. Sans aucun doute aussi d'avant l'élection de Barak Obama et l'avènement de la crise financière mondiale. Ridha Ben Slama, intellectuel tunisien résidant au Koweït, l'a manifestement écrit dans la «foulée» des années Bush. En ce sombre début du XXIe siècle marqué par l'attentat du 11 septembre 2001, l'invasion de l'Iraq et de l'Afghanistan, l'étiolement du rôle de l'organisation des Nations unies, l'exacerbation du système international unipolaire, les montées concomitantes de l'islamisme et de l'économisme ultra-libéral et, dans «la logique» de ce «chaos» généralisé, par les dérapages inouïs des dictatures de l'hémisphère sud. La période justifiait amplement la parution d'un tel ouvrage. C'était une période de basculement politique et éthique. Le monde replongeait dans ses vieux démons de la guerre de 40. «Eternel recommencement des erreurs du passé» : primauté de la force, convoitises, prédations, oppressions, manipulations. En termes simples : archaïsme, barbarie. Dans les cercles de la pensée, au nord comme au sud, davantage dans le sud dominé que dans le nord dominant, le besoin se faisait pressant de tirer la sonnette d'alarme, de dresser le constat du désastre, de prévenir contre la gravité du danger.
Est-ce encore le cas aujourd'hui? Et cette réflexion proposée par Ridha Ben Slama garde-t-elle encore son intérêt et son utilité?
Arguments de validité
On répondra par l'affirmative. Pour au moins deux raisons :
- Rien n'indique d'abord que la «tendance régressive» a été stoppée. Obama, le démocrate, a bien remplacé Bush, l'irascible républicain conservateur, à la présidence de la première puissance de la planète, mais dans ses grandes options, la politique internationale des Etats-Unis d'Amérique demeure foncièrement unipolaire, prédominante et partisane. L'inquité dont Barack Obama fait preuve dans le traitement de la question israélo-palestinienne suffit à tout. L'impunité de l'Etat sioniste est toujours le principe. Le droit des peuples à la justice et à la liberté l'exception. Même les récentes prises de position en faveur des révolutions arabes sont à considérer avec précaution. L'attitude de l'establishment américain et, dans le droit sillage celle des grandes puissances européennes, varie selon les intérêts et les stratégies. Les révolutions tunisienne et égyptienne sont approuvées, soutenues, applaudies, à bien y voir c'est parce qu'elles ne changent pas grand-chose à la donne. Ni pétrole à convoiter, ni de grosses craintes à nourrir pour les équilibres de la région.
Les optiques sont clairement différentes s'agissant de la Libye, encore plus du Yémen et de la Syrie. Là les calculs sont autres. Il y a des richesses matérielles en jeu, il y a «la menace intégriste», la présence de l'Iran, l'existence et la stabilité d'Israël à prendre en compte. Les valeurs et les principes remontent peut-être, sans doute, depuis le départ de Bush, au final, néanmoins, les actes et les décisions restent tributaires du même rapport des forces, des mêmes intérêts, des mêmes stratégies. Le basculement politique et éthique est encore à l'ordre du jour. Le danger persiste. La critique reste valide.
Qu'en est-il ensuite des révolutions arabes elles-mêmes? Ont-elles vraiment modifié l'ordre des choses dans leurs pays respectifs? Ont-elles réellement infléchi les orientations du monde? Surtout, sont-elles immunisées contre les risques de toujours et «l'éternel recommencement des erreurs du passé»?
Pour l'heure, minimum de lucidité oblige, ces révolutions n'en sont qu'à la phase de transition démocratique. Elles n'ont pas encore atteint le stade escompté de la démocratie. Le chemin est encore parsemé d'embûches. Et les démons liberticides habitent encore les esprits. Mal endémique, historique, récurrent par dessus tout, motif supplémentaire pour considérer les analyses de Ridha Ben Slama comme toujours actuelles, essentielles.
Démontage et solution
L'essai est un essai à deux «termes» :
- Le premier, couvrant la quasi totalité de l'ouvrage, entreprend de démonter les mécanismes qui sont à la base des déviances démocratiques et des atteintes généralisées aux libertés citoyennes. Le phénomène est étudié dans ses implications mondiales autant, sinon plus particulièrement, à travers les modes multiples, et aggravants, qu'il revêt dans les systèmes autocratiques du Sud.
- Le second est un «appel militant» et une «amorce» de solution. «L'ambition, écrit Ridha Ben Slama, est d'ancrer dans les esprits que rien ne peut et ne doit priver les hommes, où qu'ils soient et sans aucune échappatoire, du droit aux libertés fondamentales, de soutenir que le combat pour ces droits sacrés et intangibles exige une mobilisation constante de tous ceux qui croient à la vitale sauvegarde de la dignité humaine». Profession de foi idéaliste? Pas simplement. Il se dégage de la démonstration de l'auteur «une ligne active», sorte de mode d'emploi nouveau pour prévenir les rechutes et indiquer les voies les plus justes et les plus concrètes pour réaliser ces objectifs de liberté et de dignité. Une idée force prévaut, celle qui reinverse «la gangue» des préjugés : ce n'est qu'en garantissant d'abord l'accès aux libertés fondamentales que l'on parviendra à assurer le progrès et le développement des peuples. Les théories et les dogmes les plus répandus soutenaient, en effet, le contraire. elles n'ont conduit ni au développement ni à la démocratie. Pis, elles ont draîné avec elles pauvreté et corruption.
Impossible dans le réduit d'un article de passer en revue tous les «mécanismes régressifs» explicités dans l'essai de Ridha Ben Slama. Une lecture entière y pourvoira sûrement. Mais des points sont à souligner d'ores et déjà. Nous les avons tous perçus à travers nos informations et nos expériences. Mais ici, qualité principale de l'ouvrage, les processus sont décrits avec clarté et minutie. On en sort peut-être avec les mêmes idées, mais avec de bien meilleures convictions.
L'histoire répétée
Le chapitre un, intitulé «les sociétés bifurquées», nous rappelle à une cause historique vérifiée dans les pays du sud : la décolonisation, l'enthousiasme légitime des indépendances arrachées au prix de luttes patriotiques sincères, puis, les phases de construction d'Etats nationaux modernes avec le choix de leaders charismatiques, doyens de la libération, et des partis uniques, la dérive, enfin, vers le pouvoir solitaire, les régimes policiers. Dictatures successives, au final, népotiques, oligarchiques, accrochées aux commandes, corrompues, au terme du parcours, sans construction, sans développement, livrant leurs pays à la convoitise et à la prédation des ex-colonisateurs devenus «protecteurs», vouant des générations entières au dénuement et au désarroi.
Ce schéma, qui paraît dépassé aujourd'hui, reste tout à fait reproduisible. Aujourd'hui aussi, après les révolutions, on se réjouit d'avoir chassé les dictateurs (Les «néo-colons» de Franz Fanon), on aspire à la liberté, à la dignité, à l'Etat de droit. Mais le spectre de la dérive est toujours présent. On peut se doter de constitutions, d'institutions, la nature humaine, elle, ne bouge pas. Vanité, cupidité, tentations. La nature des régimes dépend de ceux qui détiennent les pouvoirs, affirmait Aristote. Des hommes, de l'humain, du trop humain. Et «la régularité constitutionnelle de l'exercice du pouvoir est affaire de degré», observait Raymond Aron.
Rien n'est tout à fait acquis encore. Il faut savoir tirer les leçons.
D'un pouvoir occulte
Autre cause, autre perversion : ce que Ridha Ben Slama dénomme «Le parapouvoir absolu». Le concept est nouveau, sa réalité est longuement éprouvée. Ridha Ben Slama parle d'un épiphénomène spécifique qui «pèse sur l'évolution des Etats du Sud» Ce sont les personnages (proches, familles, amis) qui influent sur le pouvoir, qui l'exercent parfois, sans le détenir légalement. «Un effroyable corps parasite — écrivait Marx — qui recouvre comme une membrane le corps (de l'Etat) et en bouche tous les pores. La description de Ridha Ben Slama est toute à découvrir. Contentons-nous de l'exemple (qu'il ne cite pas, la menace de Ben Ali s'exerçait partout) de Leïla Trabelsi, de sa famille et de son clan. Institutionnellement, ils n'avaient aucun titre. Dans les faits, ils avaient main sur tout.
Et «le parapouvoir absolu» est loin d'être un simple accident de parcours dans la vie des Etats concernés. On a vu ce que cela a coûté à l'économie tunisienne. Ce fut un mode de corruption «structurel», qui a touché à l'indice de croissance du pays. C'est dire que son évocation était importante. C'est dire qu'il s'agit d'un piège réel, récurrent, à ranger parmi les pires dangers qui guettent les nations émergeantes.
Le piège des dogmes importés
Causes historiques, causes spécifiques, l'essai de Ridha Ben Slama s'attarde aussi sur les causes exogènes, celles qui découlent de nos liens, plus ou moins implicites, avec nos «tuteurs» de l'Occident.
Excellente analyse qui met en évidence les connections existant entre les Etats dominants et les penseurs et théoriciens occidentaux. On y apprend, en substance, que s'agissant des rapports avec les pays du sud, il y a une parfaite communauté de vue idéologique reliant les uns aux autres.
Deux exemples abordés :
La théorie du «retard historique» des pays du sud qui remonte jusqu'à Voltaire, Montesquieu, qui passe par Hegel et trouve encore maints adeptes convaincus parmi d'illustres auteurs experts contemporains. Retard historique renvoie ici à une présumée incompatibilité culturelle avec le système pluri-conditionnel, autrement dit avec la démocratie.
Ce dogme a contaminé nos esprits, et bloqué ô combien nos perspectives d'évolution politique.
Mais Ridha Ben Slama insiste beaucoup sur les erreurs, profondes et durables, que nous vaut le ralliement à la pensée économiste néo-libérale. Ralliement de longue date à vrai dire. Déjà, dès les indépendances, les théoriciens du nord avaient réussi à persuader les chefs d'Etat du sud que c'est le développement économique qui précède et engendre le progrès démocratique. «L'équation a été considérée comme indépassable depuis. De sorte qu'au nom du développement économique on a laissé en suspens, sinon entièrement de côté, les exigences populaires de liberté. Les dictatures du sud les plus répressives, les plus inhumaines, ont justifié leur durée et leurs crimes par ce dogme insufflé à longueur de décennies, par des penseurs occidentaux tout autre qu'innocents. On y a déjà fait allusion, l'auteur de cet essai se fait un devoir de battre en brèche ces pseudo - vérités scientifiques qui ont occasionné à nos jeunes pays pertes matérielles et malheurs de toutes sortes.
Et il invite, avec force conviction avec peut être moins d'arguments, à en prendre simplement le contrepied : donner les libertés à nos peuples d'abord, il en résultera, en droit fil, justice sociale et développement.


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