C'est la grande déception du côté de la société civile féminine. Moins de 5% des têtes de listes sont des femmes. Il n'y aura pas de parité au sein de l'Assemblée nationale constituante. La déception est d'autant plus grande que certaines associations féminines estiment avoir beaucoup travaillé, au cours de la période écoulée, pour garantir la présence de la femme non seulement à toutes les étapes du processus électoral, mais aussi et surtout à la tête des listes électorales. Force est de constater que, si l'adoption du principe de parité a été respectée dans l'élaboration des listes, comme le stipule la loi électorale relative à la Constituante, — aucune liste n'a été rejetée par l'Isie pour non respect de la parité, selon le président de l'instance —, il en a été autrement pour le choix des têtes des listes. Les explications sont à ce sujet nombreuses et diverses, parfois même hâtives, il faut l'avouer, comme celle qui rejette la responsabilité sur les médias, accusés de ne pas avoir " défendu et soutenu la parité ", après son adoption par la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. A propos d'explications hâtives, nous n'en ferons pas à propos de l'absence de la majorité des associations féminines, qui, toutes, ont été invitées hier par l'Isie à participer à une séance de travail en vue de définir les moyens et les mécanismes susceptibles de renforcer la présence de la femme au niveau de la campagne électorale et le jour du scrutin. Car, faut-il le reconnaître, le doute plane désormais sur cette question et, à travers le recours aux associations féminines, l'Isie veut agir "en prenant des mesures spécifiques, dans le but de garantir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le processus électoral", explique Mme Monia El Abed, chargée des affaires juridiques et des relations publiques, qui considère que c'est là le rôle de l'instance. Création d'une commission mixte Isie-Associations féminines Sur le terrain, et dans le langage des chiffres, 45 % des électeurs qui se sont inscrits sont des femmes, dont la plus grande proportion a entre 20 et 30 ans. "Au delà, les taux suivent une baisse continue", fait observer le président de l'Isie. Pour M. Kamel Jendoubi, ce n'est pas un bon signe pour le 23 octobre. Il considère qu'il est indispensable de réfléchir et de mettre en place une stratégie afin de sensibiliser les franges féminines, qui ne se sont pas (ou se sont peu) inscrites, à l'importance de leur vote, en considérant que le taux d'inscription enregistré traduit de réelles intentions de vote. Et c'est avec les associations féminines, dans le cadre d'une commission qui sera créée à cet effet, que l'instance entend élaborer cette stratégie. Les associations ont été, pour cela, appelées à faire des recommandations pratiques et à proposer des idées concrètes en vue de toucher le maximum de femmes, et surtout les convaincre à prendre part effectivement et concrètement à cette étape historique du devenir du pays. Mission pas du tout aisée, comme le soulignera Mme Souad Triki, vice-présidente de l'Isie, en raison de l'analphabétisme qui touche en moyenne 30% des femmes— et le taux grimpe à 50% dans les régions intérieures — et de l'influence exercée par les proches sur cette catégorie de femmes particulièrement. Du côté des associations présentes, trois seulement ont participé au débat et fait des recommandations : il s'agit de la Ligue des femmes électrices, l'Association des femmes démocrates et l'Association égalité et parité. La principale recommandation a été l'organisation de campagnes de sensibilisation avec affichages urbains et spots télévisés et radiophoniques à l'appui. "Il s'agit d'oeuvrer à ce que les têtes de listes femmes accèdent à la Constituante", avance Faïza Skandrani. Pour Mariem Zeghidi, des craintes réelles pèsent sur la femme pendant la période électorale et le jour du vote, des craintes d'agressions verbales et physiques qu'il faut dès à présent essayer de dissiper. Comment ? La commission citée ci-dessus devra trouver au moins un début de réponse car, pour M. Jendoubi et Mme Triki, la responsabilité sécuritaire n'est pas l'affaire de l'Isie, qui a tout de même prévu un code de conduite engageant les partis à adopter un comportement démocratique. Pour le reste, la meilleure parade est, selon le président de l'instance, une vigilance de tout instant et à toute épreuve de la part du citoyen lui-même. Dans tous les cas de figure, la tâche ne sera pas aisée, la politique est ainsi faite, et il reviendra à la femme de convaincre...