Jusqu'à 200 000 dinars d'amendes : un nouveau projet de loi pour la protection des données personnelles    Reconnaissance de la Palestine: l'Italie pose ses conditions    Le Comité National Olympique accueille avec fierté Jaouadi    Gabès: Deux morts et sept blessés dans un accident de la route sur la RN1 à Mareth    Pélerinage: la Tunisie obtient la médaille de bronze « labbaykom » pour l'organisation    Hafedh Laamouri : le vrai enjeu du système de sécurité sociale, c'est l'emploi, pas le vieillissement !    La SFBT publie son 10ᵉ rapport ESG : performance, responsabilité et engagement durable    Ahmed Jaouadi rentre à Tunis sans accueil officiel    Issam Lahmar : la justice sociale passe par l'éradication progressive mais radicale de l'emploi précaire !    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    La fierté d'une mère, le plus beau des trophées pour Ahmed Jaouadi    Collecte de céréales : un niveau record qui dépasse la moyenne des cinq dernières années    Patrimoine arabe : la Mosquée Zitouna parmi les sites retenus par l'ALECSO    Météo en Tunisie : ciel clair, températures entre 29 et 34 degrés    Ridha Zahrouni critique la lenteur de la mise en place du Conseil national de l'éducation    Tunisie : plus de 25 000 signalements d'enfants en danger chaque année    Vous voulez obtenir un prêt en Tunisie ? Voici tout ce qu'il faut savoir    OPPO Reno14 F 5G , partenaire idéal des fêtes avec avec son apparence éblouissante et sa puissante imagerie flash IA    Comment le SMU Startup Fest propulse les jeunes startups de l'idée au marché    De Douza Douza à Jey Men Rif : Balti fait résonner Hammamet    Gouvernorat de Tunis : un plan d'action pour éradiquer les points noirs    Plastique : Démêler le vrai du faux à l'ouverture des négociations du traité mondial à Genève    Fort rebond pour Essoukna au premier semestre 2025    Education : des ambitions présidentielles face à une machine grippée    Des ministères plus réactifs que d'autres à la communication du président de la République    Visa USA : une caution financière de 15 000 dollars pour certains pays    Huawei Cloud : permettre à la région Northern Africa de faire un bond vers l'intelligence grâce à une IA inclusive    Un séisme de magnitude 5,7 secoue le sud de l'Iran    La police municipale dresse le bilan de ses dernières interventions    Place Garibaldi et rue Victor Hugo : Sousse repense son centre-ville avec le projet Femmedina    Jeux africains scolaires : la Tunisie brille avec 155 médailles, dont 34 en or    La révolution de correction de l'école au centre culturel : Saïed veut une pensée libre et créative dès l'enfance    Israël : Netanyahu envisage une occupation totale de Gaza, selon des fuites    Photo du jour - Ahmed Jaouadi, le repos du guerrier    Fin du sit-in devant l'ambassade américaine à Tunis    À quelques jours de l'ultimatum, Trump déploie ses sous-marins et envoie son émissaire à Moscou    Ahmed Jaouadi champion du monde à nouveau à Singapour dans la catégorie 1500 m NL (vidéo)    La Nuit des Chefs au Festival Carthage 2025 : la magie de la musique classique a fait vibrer les cœurs    Robyn Bennett enflamme Hammamet dans une soirée entre jazz, soul et humanité    Moez Echargui remporte le tournoi de Porto    Fierté tunisienne : Jaouadi champion du monde !    Au Tribunal administratif de Tunis    Najet Brahmi - La loi n°2025/14 portant réforme de quelques articles du code pénal: Jeu et enjeux?    Ces réfugiés espagnols en Tunisie très peu connus    « Transculturalisme et francophonie » de Hédi Bouraoui : la quintessence d'une vie    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    Mohammed VI appelle à un dialogue franc avec l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Abou Dharr, ou la persévérance de la foi
Figures et concepts
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 09 - 2011

Il est l'un des tout premiers convertis à l'islam. De ceux qui ont rejoint les rangs du Prophète alors que la nouvelle religion était à peine une rumeur parmi les tribus arabes de la péninsule… S'y rallier à cette époque, c'était nécessairement ne pas craindre pour sa personne. Et, de ce point de vue, Abou Dharr est l'exemple de ces jeunes âmes pour qui les déboires personnels ne comptaient pas à côté de la flamme qui brûlait en eux. Il est de ceux qui se sont épargné le moins les insultes et les coups portés au visage et sur tout le corps par les défenseurs de l'ancien culte, lorsqu'il entamera son séjour mecquois. Tous ces coups ne valaient pas ou ne couvraient pas le coup de foudre qu'il venait d'avoir pour cette religion à laquelle appelait un homme, lui-même persécuté par les siens mais dont la parole inspirée lui faisait aussi braver tous les dangers.
Abou Dharr fut l'un des premiers convertis, et il fut aussi l'un des plus proches du Prophète : de ces soutiens indéfectibles qui apportent leur lot de confiance en soi et d'audace à la cause, en ces moments où le doute et le découragement guettent à tout instant. Et, jusqu'à son dernier souffle, il restera fidèle à sa première flamme : rien ne saura l'en détourner, ni la puissance, ni l'argent, ni la renommée… Toutes ces choses, qui tenteront tant de musulmans quand les vents de la «fortune» auront tourné en leur faveur, il les repoussera de devant lui comme des mets fades : nouvelles idoles ayant remplacé les anciennes !
Abou Dharr est connu de tous les croyants musulmans qui ont pris soin de se doter d'une culture et de connaissances sur la première période de l'islam. Toux ceux qui se piquent d'en savoir un bout sur le who's who du monde des sahabas, des compagnons du Prophète, ne sauraient ignorer l'existence du personnage. Mais ce qu'on sait de lui ne semble pas rendre justice à la place réelle qu'il a occupée dans la naissance ou l'essor du premier islam. Omission? Négligence? On a des raisons sérieuses d'en douter. Et ces raisons sont au nombre de deux, au moins.
Première raison : Abou Dharr fut après la mort du Prophète un proche de Ali Ibn Abi Taleb, en qui il voyait les qualités du «commandeur» sachant conduire la communauté des croyants dans la fidélité à l'esprit et à l'enthousiasme de l'islam premier. Il fut aussi un contempteur des pratiques qui ont été surtout reprochées au calife Othman : pratiques liées aux récompenses pécuniaires par lesquelles il est d'usage de consolider ses alliances dans la sphère politique. A ce double titre, il figure en bonne place sur la liste restreinte des compagnons qui ont toute l'estime et la vénération des shiites, et ce, aux côtés de Miqdad Ibn al'Aswad Al-Kindi, Salmân el-Farisi et Ammar Ibn Yassir. Or être à ce point dans les bonnes grâces des shiites n'est pas un avantage dès lors que l'on se transporte dans le monde sunnite.
Deuxième raison : Abou Dharr ne se contentait pas d'exprimer ses réserves ou sa désapprobation de façon discrète et timorée. A l'égard des puissants qui prenaient leurs aises avec l'idéal, sa voix se faisait assez sonore pour que la seule solution qu'on ait trouvée avec lui fût de l'exiler dans quelque village du désert. Par conséquent, nombreux sont les dirigeants en terre d'islam qui ne tenaient pas à ce que son exemple fasse école et ils n'ont sans doute pas manqué de faire passer le message à leurs théologiens attitrés. D'où un discours certes positif dans la littérature religieuse édifiante, mais un discours qui se garde de s'attarder… Quelques phrases et puis s'en vont !
Aujourd'hui, il a été plus ou moins exhumé par tout un courant islamiste contestataire et radical. Des prédicateurs modernes invoquent son exemple et les prêches enflammés qui parlent de lui se retrouvent sur Internet. Mais cette façon de le mettre en avant n'est pas sans contrepartie négative, pas sans occultation incidente et insidieuse. Plus qu'une omission, il y a un mensonge à son sujet lorsqu'on sous-entend qu'il était musulman au sens où beaucoup l'entendent aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il était un homme de la sujétion à un livre achevé et à des rites constitués. Habité par le Message et porté par son langage, il n'y avait pas chez lui ce que d'aucuns ont appelé le fétichisme du livre et le mimétisme du rite : ce qui est précisément l'attitude que beaucoup de courants islamistes cherchent à susciter aujourd'hui chez les gens.
Il y a un fossé psychologique, un abîme plutôt, entre le style religieux de Abou Dharr et cette morale de troupeau qui tend vers l'uniformisation des esprits et qui travaille à l'érosion des différences, y compris et en particulier au sein de courants qui se disent révolutionnaires. La force de l'islam premier d'Abou Dharr et de tous ceux qui, avec lui, ont prêté leur corps et leur vie pour donner un écho vivant au Message avant même qu'il n'y ait ni livre constitué ni culte établi, cette force demeure hors d'atteinte de tous ces courants plus ou moins «salafistes» qui prétendent pourtant ramener le croyant à l'exemple des premiers musulmans, mais qui demeurent prisonniers d'une logique de la reproduction et de la représentation, d'une logique de la copie et du jeu de simulacre !
D'Abou Dharr on rapporte que le Prophète disait souvent cette parole étrange : «Abou Dharr voyage seul, il mourra seul et il se lèvera seul au jour de la résurrection». C'est en tout cas en référence à cette solitude que les soufis en feront un précurseur. En dehors de son pouvoir à se passer des divertissements de ce monde et à soutenir la simplicité d'une vie quotidienne sans rumeurs ni fureurs, il a cette audace spirituelle qui rend le ciel proche et grâce à quoi le cœur peut s'écrier à chaque instant : tout est accompli ! Mais à la différence des soufis, son silence n'est pas seulement celui de la retraite : il est aussi celui du reproche. C'est un silence qui gronde, qui dit non aux cupidités, à l'injustice faite au faible, à la trahison de la vérité vivante et enthousiasmante qui a uni aux premières heures les cœurs et les hommes et, enfin, un silence qui dit non à la démission par rapport à cette tradition communautaire frémissante qui s'est construite sur ce socle de vérité-là et seulement sur ce socle… Un silence politiquement insoumis, qui ne s'accommode pas, qui ne se résigne pas et en quoi résonne aujourd'hui encore une parole où il est toujours possible de retrouver le sens pour l'homme de l'être ensemble et de l'agir ensemble dans l'exaltation de la présence de Celui par qui advient la paix dans les cœurs et dans le monde, loin des compromissions et de tous les avilissements de l'âme.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.