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L'Islam politique : soumission et non émancipation
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 12 - 2011


Par Maher Haffani
L'islam politique est un nom générique pour l'ensemble des courants idéologiques qui visent à l'établissement d'un Etat fondé sur les principes de l'Islam, que ce soit à l'échelle d'un pays ou, à terme, de la communauté musulmane (oumma) toute entière. En règle générale, il s'agit d'un synonyme d'islamisme, qui insiste plus sur la caractérisation politique de ces mouvements que sur leur aspect proprement religieux. Il n'en demeure pas moins qu'un grand homme a dit que tout ce qui se termine par «isme» est néfaste, comme l'intégrisme et l'islamisme. Les courants islamistes se sont battus bec et ongles pour détourner le monde du terme islamisme vers une terminologie plus gratifiante et qui paraît plus scientifique qu'est «l'Islam politique» : ils veulent imposer la politique de l'Islam tel qu'ils le conçoivent et non comme une science politique islamique. (Tariq Ramadan s'est efforcé d'imposer la terminologie « islam politique » à la place de « islamisme »).
Au plan politique, ce qu'ils entendent par Islam paraît n'être qu'une version conventionnelle et sociale de la religion, réduite au respect formel et intégral de la pratique rituelle. De ce point de vue, L'Islam définirait une «communauté» à laquelle on appartient par héritage et non une conviction personnelle intime et forte. Il s'agit seulement d'affirmer une «identité collective», rien de plus.
Récusant le concept de la modernité émancipatoire, l'Islam politique refuse le principe même de la démocratie et le droit pour la société de construire son avenir par la liberté qu'elle se donne de légiférer (en témoigne la proposition du parti Ennahdha pour les 2 commissions, celle de l'organisation provisoire des pouvoirs publics et celle du règlement intérieur de la Constituante). Le principe de la Choura selon laquelle l'Islam politique prétend être la forme islamique de la démocratie ne l'est pas, étant prisonnier de l'interdit de l'innovation (ibdâa), n'acceptant à la rigueur que celui de l'interprétation de la tradition (ijtihad). Bien sûr, l'interprétation a parfois été le véhicule de transformations réelles, imposées par des exigences nouvelles.
D'un point de vue sociopolitique, l'Islam proposé est l'adversaire de toute théologie de la libération (mouvement visant à rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus en les libérant d'intolérables conditions de vie). L'Islam politique appelle à la soumission et non pas à l'émancipation.
Les propagandistes de l'Islam politique se recrutent dans des couches «éduquées», ingénieurs, magistrats, avocats pharmaciens, médecins, etc.
Genèse de l'Islam politique
Outre le fait que la plupart des mouvements fondamentalistes dans les pays musulmans relèvent de l'Islam sunnite et peuvent difficilement, dans ce cas, s'inspirer théologiquement de l'Islam chiite iranien, la vague islamiste plonge ses racines plus loin dans l'histoire, et plus particulièrement dans l'échec du nationalisme arabe, qui a perdu un des arguments forts de sa légitimité historique, à savoir sa capacité de parachever la tâche de libération nationale. A cet égard, la défaite arabe de juin 1967 a pu être considérée, non sans raison, comme le véritable point de départ de la vague contemporaine de l'islamisme dans les pays arabes.
Deux phases importantes doivent être distinguées afin de saisir comment l'Islam politique est devenu une option de substitution aux régimes en place. C'est également là que l'on trouve la source de la phobie occidentale de l'Islam politique.
La première phase est la plus claire et, également, la plus radicale. Elle provient de deux soulèvements où la religion a joué un rôle de premier plan. Le premier est la révolution iranienne de 1979. L'Afghanistan, aux prises avec l'intervention soviétique (1979-1989), constitue le second soulèvement, signifiant qu'une révolution nationale islamique, sunnite cette fois, pouvait s'imposer (certes avec le soutien des Occidentaux, qui voyaient d'un mauvais œil la descente de l'Urss vers l'océan Indien, mais un soutien discret).
Ces deux soulèvements, de nature pourtant fort différente, dans leur réalisation opérationnelle comme dans la branche de l'Islam dont ils se revendiquaient, ont servi de terreau, dans la communauté musulmane (oumma), comme dans le reste du monde, à l'idée selon laquelle l'Islam peut constituer un vecteur de changements politiques majeurs.
La seconde phase de la construction d'un Islam politique de rupture est de nature plus évolutionniste que révolutionnaire. Elle se retrouve notamment lors des élections législatives algériennes de 1991 et la victoire écrasante du FIS.
La base idéologique était que les musulmans étaient des frères qui devaient être réunis sous un unique sultanat, dont on a néanmoins toujours omis de spécifier s'il serait d'obédience spécifiquement sunnite ou également chiite. L'intervention américaine de 2003 en Iraq allait, contre toute attente, porter un coup fatal à l'idée fantasmatique d'une oumma homogène. Car c'est bien sur le terrain irakien que se sont affrontés, de la pire des manières, les différents groupes confessionnels et politiques musulmans, que ce soit par les mots, les armes, ou les attentats. Ce qu'on nomme «la guerre civile irakienne» est essentiellement perçu par le monde musulman comme ayant été provoqué par les Américains. Il n'en demeure pas moins que les chaînes satellitaires arabes ont diffusé pendant plusieurs années les images d'une guerre fratricide entre les musulmans eux-mêmes : la fitna.
La justice, thème de prédilection de l'Islam politique
L'Islam politique prospère surtout sur le terrain balisé de valeurs simples. Ces valeurs sont la solidarité, l'entraide ou encore le développement mais avant tout, un thème central de la religion musulmane, la justice.
Si la notion de solidarité sociale est la plus visible dans les sociétés musulmanes, dont certaines ont encore une grande partie de leur population vivant sous le seuil de la pauvreté, l'idée de justice est probablement celle qui a le plus marqué les esprits dans des contextes politiques où l'autocratie n'a pu se maintenir aussi longuement qu'au travers de pyramides de pouvoir bureaucratique fondées sur une corruption généralisée.
La justice sociale est assurément la principale raison de l'émergence des révolutions arabes en Tunisie, puis en Egypte. C'est donc bien sur l'idée de justice, omniprésente dans l'Islam politique, que s'est progressivement édifiée, pendant les décennies d'autoritarisme de régimes despotiques corrompus, une exaspération sociale toujours grandissante, contenue jusqu'à la rupture de 2011. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que l'Islam lui-même, en tant que référence aux révolutions démocratiques arabes, est nécessairement interprété dans un sens moins essentialiste qu'existentialiste.
La notion de mektoub, destin connu et voulu par Dieu seul, traditionnellement porteuse de résilience dans la culture musulmane, est dès lors grandement relativisée puisque les mouvements de contestation sont bien une construction sociopolitique endogène à l'oumma et non un évènement extérieur. Les peuples musulmans révoltés au nom de la justice et de la démocratie ont décidé de prendre en main leur destin. Ils sont libres car ils construisent un devenir intentionnel.
Pourtant, malgré cette prise de liberté face au mektoub, les mouvements de contestation, de nature sociopolitique, restent profondément liés au religieux car, en plus d'être une source d'inspiration intellectuelle et morale, d'espoir et de construction sociale, l'Islam reste extrêmement présent dans l'interprétation des phénomènes politiques et militaires des révolutions arabes actuelles. La manifestation de Dieu est ainsi omniprésente pour les contestataires, ne serait-ce qu'au vu des incessants «Allahu akbar» répétés à l'envi lors des manifestations comme à l'issue de combats victorieux, évènements apparaissant donc à leurs acteurs, in fine, comme une réalisation de la volonté divine : ce qui constitue donc une interprétation clairement théophanique de la contestation.
D'un autre point de vue, L'Islam politique contemporain n'est pas le produit d'une réaction aux abus prétendus de la laïcité, comme on le dit malheureusement trop souvent. Car aucune société musulmane des temps modernes n'a jamais été véritablement laïque, encore moins frappée par les audaces d'un pouvoir «athée» agressif quelconque.
Nous sommes sur un réveil du monde arabo-musulman qui se veut à terme plus musulman qu'arabe en termes d'identité, avec en toile de fond une crise profonde du sunnisme et une affirmation du chiisme qui remet en cause toutes les idées reçues sur les équilibres politico-religieux notamment au Proche-Orient.
L'Islam politique pour quel projet socio-économique?
D'un point de vue culturel et idéologique, l'échec des régimes arabes et musulmans postcoloniaux ne pouvait qu'apparaître comme celui d'une tentative d'occidentalisation ou d'importation d'un schéma de développement étranger au mépris des valeurs morales et culturelles qui assuraient le lien social et ne pouvait, dans ces conditions, que favoriser l'éclosion de mouvements sociaux qui penchent pour des réactions de type fondamentaliste.
L'émergence de ces mouvements qui se réclament de l'Islam est en fait l'expression d'une révolte violente contre les effets destructeurs du capitalisme réellement existant, contre la modernité inachevée, tronquée et trompeuse qui l'accompagne.
L'Islam politique n'est, en définitive, rien de plus qu'une adaptation au statut subalterne du capitalisme sauvage. Sa forme prétendue «modérée» constitue de ce fait, probablement, le danger principal qui menace les peuples concernés, la violence des «radicaux» n'ayant d'autres fonctions que de déstabiliser l'Etat pour permettre l'installation du nouveau pouvoir supposé modéré. Il n'y a, de ce point de vue fondamental, guère de différence entre les courants dits «radicaux» de l'Islam politique et ceux qui voudraient se donner un visage «modéré». Le projet des uns et des autres est identique.
Les deux discours du capitalisme libéral mondialisé et de l'Islam politique ne sont pas conflictuels mais, au contraire, parfaitement complémentaires.
Les diplomaties des puissances du G7 et singulièrement celle des Etats Unis savent ce qu'elles font en choisissant de soutenir l'Islam politique. Elles l'ont fait en Afghanistan, qualifiant ses Islamistes de «combattants de la liberté» contre l'horrible dictature du communisme. Elles continuent de le faire de l'Egypte au Maroc. Elles savent que le pouvoir de l'Islam politique a la vertu, selon elles, de réduire à l'impuissance les peuples concernés et, par conséquent, de s'assurer sans difficulté de leur asservissement.
Avec le cynisme qui le caractérise, l'establishment américain sait tirer un second profit de l'Islam politique. La «sauvagerie» attribuée aux peuples qui sont les premières victimes de l'Islam politique permet d'alimenter «l'islamophobie». Cela fait accepter plus facilement la perspective d'un «apartheid à l'échelle mondiale» qui est l'aboutissement logique et nécessaire d'une expansion capitaliste toujours plus polarisante.
Le roi Mohammed VI, dans son discours à la nation le 9 mars 2011, ainsi que le roi Abdallah dans son dernier livre, ont bien expliqué la situation économique : il s'agit d'ouvrir l'accès à la richesse, qui est squattée par quelques élites, chefferies ou oligarchies, aux couches hautes des classes moyennes qui exigent désormais leur part, si ce n'est leur dû, face aux défis de la mondialisation qu'elles ont eu à assumer depuis 15 ans. Ne nous leurrons pas : il s'agit juste d'élargir le cercle des bénéficiaires et d'installer des modes de gouvernance qui garantissent cette captation de la richesse au profit d'une bourgeoisie émergente sans déstabiliser sur le fond les institutions de ces pays.
C'est l'actuel modèle turc d'Erdogan qui est en marche avec, en toile de fond, une islamisation de tous ces pays. Progressivement, l'ensemble du Maghreb va trouver une identité qui se situera dans une nouvelle relation entre la religion et la vie politique. Le véritable enjeu pour l'Europe c'est que, à terme, elle risque d'être, elle aussi, quelque part «islamisée» par ce mouvement de fond, qui n'a rien de démocratique.


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