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La littérature contre l'oubli
Günter Grass
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 01 - 2012

C'était en 1947. Les villes allemandes étaient en décombres. Les Allemands, dont le pays a été divisé, vivaient encore sous le choc de l'effondrement du nazisme. Dans les ruines de Cologne, ainsi que dans d'autres villes allemandes, de jeunes écrivains et poètes avaient décidé de se réunir chaque semaine pour discuter du futur de la culture allemande. La tâche était difficile et monumentale. Comment purifier la culture et la mémoire allemandes des maux du nazisme et de ses crimes contre leur peuple et contre l'humanité tout entière?! Mais ces jeunes, qui avaient choisi de s'appeler «Groupe 47» et dont la plupart avaient participé à la guerre comme Heinrich Böll, Alfred Andreseh, Martin Walser, Günter Grass avaient pris la responsabilité d'accomplir cette mission historique. Ils ne tarderont pas à briller sur la scène littéraire internationale. Leurs œuvres seront traduites dans toutes les langues. Heinrich Böll avait reçu le prix Nobel en 1972. En 1999, ce prestigieux prix a été décerné à Günter Grass, auteur du Tambour, l'un des plus célèbres romans de la deuxième moitié du XXe siècle.
Né en 1927 à Dantzig sur la frontière polonaise, d'un père allemand et d'une mère slave, Günter Grass a appartenu très jeune à l'organisation nazie, réservée aux enfants «Junvolk». En 1941, il devint membre de la Jeunesse hitlérienne. Vers la fin de la guerre, il est soldat et a participé aux combats sur le front est. Emprisonné par les Américains, il ne sera libéré qu'en 1946. En cette même année, il a retrouvé ses parents qui avaient fui Dantzig pour s'installer à Cologne. Pendant quelques années, il avait exercé divers métiers (ouvrier agricole, puis mineur), puis il a décidé de poursuivre ses études à l'Académie des Beaux-Arts à Düsseldorf. Pendant les vacances, il a voyagé en auto-stop en Italie, en France et en Suisse.
Après avoir publié un recueil de poèmes qui a été accueilli avec enthousiasme par les critiques littéraires, il s'est installé à Paris où sa femme suivait des cours de danse. C'était en 1956. Dans le petit appartement qu'il avait loué, il a commencé à écrire son chef-d'œuvre, Le tambour : «J'ai écrit ce livre à Paris, dans le 13e arrondissement, avenue d'Italie. Nous avons vécu très heureux à Paris, Anna ma première épouse, et moi-même, sans beaucoup de moyens, dans un petit appartement (...). Je ne m'inquiétais pas beaucoup pour mon livre (Le Tambour). Je savais que je tenais quelque chose, je le pressentais. C'était un thème que j'avais éludé pendant des années dans mon travail artistique et esthétique».
Les événements du «tambour» se déroulent dans la province de Dantzig. Les personnages parlent différents dialectes, racontant différentes histoires fantastiques sur la guerre et la misère humaine en général. Günter Grass ne pensait pas que son roman serait compris en dehors de son pays. Mais dès sa parution, le succès fut mondial. Les critiques ont salué le talent génial de son auteur et certains l'ont comparé à Cervantès et à Rabelais. Mais, lui, a déclaré que son maître était plutôt Alfred Döblin, auteur d'un chef-d'œuvre intitulé: Berlin, Alexandreplatz: «Oui, Döblin, avec l'ensemble de son concept narratif.. Vous savez, nous les jeunes auteurs dans l'Allemagne de l'après-guerre, nous étions portés par la curiosité, nous cherchions tous notre maître. Nous rattacher à Thomas Mann, ou à Brecht, avec leurs œuvres d'emblée attachées à un point de vue de classe, auraient conduit à des plagiats. Cela vaut aussi pour Kafka. Döblin, lui, est resté ouvert, on l'a tellement peu considéré comme un classique, il était resté tellement inconnu (avant, comme après Berlin, Alexanderplatz) que beaucoup d'auteurs, pas seulement moi, mais la demi-génération qui m'a précédé, nous avons tous appris chez Döblin. J'ai d'ailleurs écrit deux textes sur lui, dont l'un s'appelle Sur mon maître Döblin, dit-il
A son «Dantzig» natal, Günter Grass consacré deux autres romans: Le chat et la souris et Les années de chien qui avaient obtenu le même succès mondial que Le tambour.
Sur cette trilogie sur Dantzig, un critique français a écrit: «Günter Grass n'a jamsi oublié Dantzig. Il y est retourné à de nombreuses reprises, soit dans la réalité, pour participer à des congrès, des colloques, ou simplement pour rendre visite aux membres de sa famille qui habitent encore la ville et ses environs. Il mentionne constamment l'œuvre dans ses autres romans — il imagine même que ses murs pourront survivre à une guerre nucléaire. Comme le rappelle Hans Mayer. On a arraché Günter Grass à Dantzig. S'il n'éprouve aucune animosité envers ceux qui vivent aujourd'hui dans la ville, il n'a, en revanche, jamais pardonné à ceux qui l'en avaient extrait, les généraux de Hitler, ces «Moloch» qui chercheront à dévorer jusqu'aux derniers enfants du pays.
Devenu écrivain célèbre à partir des années soixante, Günter Grass n'a pas cessé, depuis, de multipler les déclarations fracassantes pour défendre les grandes causes politiques dans le monde entier. Ses critiques acerbes et violentes contre la politique américaine, ainsi que contre les partis de droite dans son pays, et dans les pays européens, produisaient l'effet d'une bombe dans les différents médias. En 1961, ainsi qu'en 1969, il a participé à la campagne électorale aux côtés de Willy Brandt et des socialistes. A plusieurs reprises, il a défendu les écrivains et les penseurs persécutés dans les pays communistes les appelant à «apprendre à résister».
Après la chute du mur de Berlin, et l'effondrement des régimes communistes, Günter Grass s'est opposé à la réunification allemande : «Pas de réunification, parce que cela éveillerait, aussitôt, des craintes, on y mettrait des choses fausses. Mais une Fédération des Etats allemands et des régions allemandes serait une possibilité satisfaisante pour les Allemands et ne pas provoquer de peur chez nos voisins», déclarait-il.
L'opposition de Günter Grass avait suscité de violentes polémiques au sein des milieux politiques et culturels. A ceux qui l'avaient attaqué à cause de son refus de la réunification, il a dit : «Je n'ai aucune leçon à recevoir en matière de démocratie, surtout lorsqu'elle m'est faite par d'anciens staliniens». Pour Günter Grass, la réunification de 1990 est assimilée à celle de 1871 qui fut porteuse de la Première Guerre mondiale et de toutes les tragédies qui s'ensuivirent. En 1999, Günter Grass a reçu le prix Nobel. En cette même année, il a publié un autre livre majeur intitulé : Mon siècle. A travers de brefs récits, il a relaté les grands et les petits événements que l'Allemagne a vécus au cours du XXe siècle. A propos de ce livre, un critique écrit : «Il s'agit de cent ans reconstitués par Grass et personne d'autre, dans la mesure où c'est lui, en tant qu'écrivain, qui se projette dans de multiples personnages. En outre, c'est lui qui privilégie le fond historique de chaque récit (…) En définitive, il entrelace sa mémoire personnelle dans d'autres mémoires, et sous une forme biaisée, il relate l'histoire «mentale» de l'Allemagne, des Allemandes et leurs traumatismes, en même temps que ses hantises et ses souvenirs à lui. En ce sens, Mon siècle est le livre d'un Allemand, et c'est un livre profondément allemand !».
Günter Grass aime être défini comme un écrivain «nomade». Tout au long de son itinéraire, il a été toujours curieux du monde. Il s'était constamment efforcé à l'explorer sans s'arrêter aux frontières des nations et des langues. Pour lui, la littérature est «un antipoison contre l'oubli», contre les crimes de l'histoire, contre la barbarie des hommes, contre les maux des dictatures, contre tout ce qui transgresse les valeurs humaines, et froisse la noblesse de l'être humain.
Le grand écrivain français, Michel Tournier, un jour a écrit : «La plume de Günter Grass est une massue redoutable !».


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