L'occasion de réunir les deux Comar d'or de la XIVe session de langues arabe et française nous a été offerte mardi dernier au siège social de la Comar, lors d'une rencontre avec les lauréats des différents prix. Voulez-vous vous présenter? Je suis professeur universitaire et docteur en sociologie. Je n'en suis pas à mon premier ouvrage ni à ma première consécration. En 2002, La Musette du mirage a remporté le Prix du jury du Comar. Ce livre a été traduit en français par les soins de Jean Fontaine. En 2005, j'ai publié El Mistelbès (Le Possédé). Pour l'instant, je viens de terminer la traduction en arabe de Discours sur les sciences et les arts, de Jean-Jacques Rousseau. J'ai déjà traduit, toujours du même auteur, Discours sur l'origine des inégalités qui a fait l'objet d'une deuxième édition chez le Gai savoir. J'ai également publié des articles scientifiques dans des publications tunisiennes et étrangères. Que pouvez-vous nous dire sur Détails minimes? J'ai dû attendre 28 ans pour publier ce livre chez Sud Edition, dans la collection Les Sources de la modernité. Si j'ai tardé à l'éditer, c'est uniquement parce que j'étais sous l'influence du grand écrivain saoudien Abderrahmane Menif. Il m'a fallu me libérer de l'emprise psychologique de cet écrivain de grande dimension et qu'à ce jour je suis incapable d'expliquer, pour me décider enfin de le publier. De quoi il est question dans ce livre? Il s'agit d'une fiction qui combine la sociologie et la narration en mettant en avant des fragments de vie de quatre personnages, reflets complexes d'une société moderne en mutation, tiraillés par des problèmes d'ordre métaphysique et existentiel. Il y a Nadhir, le médecin, qui pratique illégalement les IVG, interruptions volontaires de grossesse. Radié de l'Ordre des médecins, il épouse une riche héritière, change de métier et devient homme d'affaires. L'appât du gain facile l'incite à tremper dans de sales combines. Le deuxième personnage est son frère aîné, Sirhan. Tout à fait le contraire de Nadhir, Sirhan est un rêveur, un idéaliste qui est resté un grand enfant. Philosophe également, il est aussi un amateur d'art qui, dans sa jeunesse, a été séduit par les thèses gauchistes des soixante-huitards. Sirhan a perdu sa femme suite à un curetage qui a mal tourné exécuté par son frère. Très affecté par cette perte, Sirhan, préférant la solitude à la compagnie de ses semblables, se retire sur les hauteurs de la colline de Sidi Belhassen pour méditer à l'ombre de ce mystique sur la vacuité de la vie. C'est là-dessus qu'entre en scène Sedky, un personnage haut en couleur né dans une famille bourgeoise citadine. Son père, bijoutier, désire en faire un ingénieur. Il l'envoie à Paris poursuivre des études de génie civil. Mais Sedky dévie de la trajectoire dessinée et décidée par son géniteur, pour suivre une tout autre carrière, les beaux-arts. Il a attrapé le virus des couleurs alors que tout petit il passait de longues heures dans le bureau de son père, à admirer un tableau d'Alexandre Roubtzoff. De retour à Tunis, le conflit avec la famille éclate au grand jour. Pour se libérer des contraintes exercées par son père, il se réfugie sur la colline de Sidi Belhassen où, fatalement, il va croiser le chemin de Sirhan. Une amitié va se nouer entre les deux idéalistes qu'une génération en nombre d'années sépare. C'est ainsi qu'il va découvrir au contact de Sirhan une autre humanité, celle des quartiers populaires de la périphérie de la capitale. Un monde à part et dont il ne soupçonne pas l'existence. Sedky s'intéresse à cette faune et va même exécuter des portraits de ces spécimens d'hommes capables de susciter la compassion. Intervient le quatrième personnage : Fatiha, une victime de Nadhir, qu'un malheureux concours de circonstances a jeté sur le chemin des deux compères. Séduite et abandonnée par l'ancien médecin et homme d'affaires prospère, elle s'éprend de Sedky. De Charybde en Scylla, les évènements se précipitent. Les deux tourtereaux projettent le mariage, ce qui n'est pas du goût de la famille ni même de Nadhir qui, ayant eu vent du projet, décide de se venger précisément le jour où le couple célèbre ses fiançailles dans une galerie d'art où Sedky inaugure le vernissage de sa première exposition. C'est là succinctement les péripéties de Détails minimes. Un mot au sujet de la foire du livre… J'ai animé deux séances de dédicace dans les stands de Sahar pour le roman Au prix du strict minimum et l'autre à Sud Edition pour le livre qui vient de remporter le Comar d'or 2010. Vos auteurs préférés… Abderrahmane Menif, mon idole de toujours, le Palestinien Jabra Ibrahim Jabra et l'Egyptien Naguib Mahfoudh.