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Quand la haine tourne la raison en dérision
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 02 - 2012


Par Chokri ASLOUJE *
Je dois avouer que j'ai hésité et résisté avant de céder à la tentation d'exercer mon droit de réponse à l'article intitulé «A Tunisie unique, racines multiples», signé par M.Z. (Citoyenne libre) et paru sur les colonnes de La Presse, le 1er février 2012, comme réaction à mon article «La deuxième République, une nouvelle Tour de Babel ?» du 23 et 25 janvier 2012. En effet, je considère qu'il y a mieux à faire en ces temps difficiles, que d'attiser davantage les guéguerres élitaires et la polémique stérile qui font rage au sein de notre société et de jouer ainsi les fauteurs de troubles intellectuels par médias interposés. L'article en question comprend, de mon point de vue, une pléiade de demi-vérités, de confusions, d'amalgames, d'insinuations et même de provocations, qui illustrent ce que j'ai convenu d'appeler, myopie intellectuelle et lecture biaisée de l'histoire et qui ne me laissent aucune possibilité de jouer l'indifférent.
J'aurais fort apprécié que notre chère concitoyenne libre révèle sa vraie identité, car lorsqu'on cache son identité derrière un pseudonyme ou son visage derrière un masque, cela se passe en général pour deux raisons plausibles : on a peur parce qu'on redoute des représailles ou bien on évite d'être reconnu car on n'est pas fier de ce qu'on est ou de ce qu'on fait. Chère concitoyenne libre, dans notre Tunisie nouvelle qu'on adore tous, mais chacun à sa manière, il n'y a aucune raison pour avoir peur ou honte pour ses opinions, tant que les règles déontologiques de respect d'autrui ne sont pas bafouées, sous quelque prétexte que ce soit.
Votre article Mme la citoyenne libre, se lit comme un acte d'accusation à mon adresse. En effet sa structure me rappelle étrangement celle du fameux article d'Emile Zola sur l'affaire Dreyfus. Dans le vôtre, chaque paragraphe commence par mon propre nom, dans le deuxième, chaque paragraphe débute par le mot «j'accuse». J'espère que la similitude n'est que le fruit du hasard. De mon point de vue, vous avez malheureusement raté une bonne occasion pour faire preuve, outre de vos qualités rédactionnelles certes assez honorables, mais aussi de grandeur d'esprit et de retenue en vous exprimant librement et en critiquant les idées que vous opposez sans accuser ni chahuter ou dénigrer intellectuellement la partie que vous considérez adverse. Vous aurez ainsi contribué d'une manière louable à rehausser le niveau du discours politico-culturel et asseoir plus de tolérance dans notre pays.
Mon article qui a suscité cette réaction violente, était justement une tentative pour analyser la source des disparités intellectuelles, culturelles et idéologiques qui secouent de nos jours les fondements de notre société et qui mettent sa cohésion en péril. En analysant ce qui se passe inconsciemment dans nos cœurs et dans nos esprits, j'aurai espéré contribuer à désamorcer le potentiel explosif de ces conflits et aider à surmonter les clivages intellectuels, de mon point de vue artificiels, car empruntés arbitrairement de la culture et de l'histoire de l'ex-puissance coloniale. Je constate, non sans amertume, que le dialogue de sourds que j'ai décrié dans le même article, persiste et empêche tout échange serein, constructif et ouvert à l'autre sans a priori ni préjugés.
Je rappelle que mon article comprend en particulier trois messages-clé : on doit apprendre de l'Histoire (tour de Babel) pour ne pas refaire les mêmes bêtises, on doit aussi nous concilier avec notre passé et notre identité pour pouvoir construire notre avenir et enfin on doit cesser de jouer les pyromanes intellectuelles pour arriver à trouver des consensus et des solutions pour les vrais problèmes de notre patrie.
Lorsque vous écrivez «Il a donc été nourri, comme de nombreux Tunisiens, d'une double culture qui lui a permis non seulement de maîtriser une langue autre que sa langue maternelle, mais aussi de pouvoir raisonner et argumenter comme il le fait.», j'espère que vous êtes consciente de la portée réelle de ce que vous dites ! Voulez-vous vraiment convaincre les Tunisiens que leurs ancêtres, y compris des hommes de la trempe de Ibn Khaldoun, Kheireddine, Ibn Abi Dhiaf, etc., n'étaient que des indigènes primitifs, incultes et ignares, sans raison, ni conscience ni pensée et que seule la colonisation et la langue française nous ont permis de s'approprier les habilités qui sont propres aux humains !? Que ça soit clair, j'aime mon pays mais je ne hais pas pour autant le pays ni la langue de Molière, bien au contraire. La différence entre nous, Mme la citoyenne libre, c'est que je considère la langue française, comme d'ailleurs toutes les autres langues étrangères, comme des outils extraordinaires qui ouvrent des horizons nouveaux sur d'autres cultures et civilisations et qui nous procurent un enrichissement intellectuel inégalé mais qu'on ne devrait jamais confondre avec notre identité, qui reste arabo-musulmane.
Lorsque vous écrivez : «Il a hérité d'une religion qu'il n'a pas choisie mais qui lui a été imposée par les conquérants arabes», vous oubliez le nombre non négligeable de nos compatriotes qui ont, pour une raison ou une autre, tourné le dos aux nobles valeurs de l'Islam et que personne ne leur impose aujourd'hui de se repentir. Vous oubliez aussi les nombreux convertis à l'Islam, qui ont fait leur choix de leur propre chef et surtout contre les réticences islamophobes de leur environnement socioculturel occidental.
Le nec plus ultra était certainement le passage suivant : «Les Arabes, tout comme les Français, sont venus s'approprier ses terres ! Pourquoi se plaint-il donc de l'héritage culturel français alors qu'il ne songe pas à dénier l'héritage arabo-musulman ?». Je dois avouer que je n'ai jamais vu auparavant cette question sous cette lumière. Si on pousse ce raisonnement encore plus loin, nous les Tunisiens, serions investis, d'après Mme la citoyenne libre, du devoir national suprême de nous libérer de ces hordes de nomades arabes qui ont envahi, sous les ordres d'Okba Ibn Nafaâ, nos terres au VIIe siècle et qui nous ont imposé leur religion. A défaut de pouvoir les extrader et les renvoyer eux-mêmes aux confins du désert de la péninsule arabe, là d'où ils venaient, on devrait tenir leurs descendants responsables de leurs méfaits et leur faire subir ce que les conquérants arabes méritaient ! On aurait ainsi fini la lutte inachevée pour l'indépendance, menée par nos parents et nos grands-parents contre l'occupant français ! J'espère que notre chère citoyenne libre se déclarerait alors volontaire pour guider la lutte des Tunisiens pour cette deuxième indépendance en prenant comme exemple Jeanne d'Arc !
Vous écrivez aussi «qui donne à tous ces imams inspirés l'ordre d'endoctriner les fidèles à grand renfort de haut-parleurs et d'envoyer les salafistes agresser continuellement les défenseurs de la liberté». Je ne peux que vous conseiller d'assister personnellement aux prêches du vendredi pour vous rendre compte vous même et avoir ainsi le cœur net de ce qui se dit réellement dans les mosquées et de ne pas rester sous l'emprise de la propagande tendancieuse, qui ne fait que fracasser notre société en lambeaux. Personne ne peut nier qu'il y a ici et là des excès et des dérapages verbaux, surtout lorsque les concernés tombent dans le piège des provocations incessantes. Si la preuve est faite que ces agissements ont réellement eu lieu, on doit les dénoncer tous ensemble car il ne faut pas oublier que l'incitation à la haine et à la violence est un acte répréhensible par la loi, y compris lorsqu'on s'attaque au sacré et donc à la dignité des Tunisiens sous la couverture de la liberté d'expression et de la création.
Notre citoyenne libre n'a rien contre la reconduction de l'article premier de la Constitution de 1959 dans la nouvelle Constitution en gestation, qui précise que la Tunisie est une République, dont la religion est l'Islam et la langue est l'Arabe, à condition je cite : «que celui-ci reste à la place qui lui est dévolue, c'est-à-dire au fond du cœur de chacun». Madame oublie que la Constitution n'est pas un roman où l'on raconte les affaires du cœur mais plutôt le document qui est à la fois l'acte politique, qui définit les valeurs d'une société et la loi fondamentale qui unit et régit de manière organisée et hiérarchisée l'ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés au sein de l'Etat, en tant qu'unité d'espace géographique et humain. Notre nouvelle Constitution n'aurait même pas la valeur du papier sur lequel elle serait écrite, si on s'amusait comme d'habitude à énoncer des articles pour la forme, qui ne seront pas appliqués par la suite.
Si j'ai un vœu que je souhaite voir exaucé, c'est qu'on retienne le dernier passage de mon article qui a tant dérangé Madame : «nous Tunisiens nous devons apprendre rapidement et malgré nos différences à vivre en frères/sœurs amis sinon on périra tous ensemble comme des imbéciles ennemis».
Enfin je citerais un célèbre astrophysicien auquel on a demandé il y a plus d'une dizaine d'années de justifier les sommes faramineuses que le contribuable américain dépensait sur ses projets de recherche astronomiques. Il a rétorqué avec une réponse qui sonne dans mes oreilles et qui chatouille mes neurones, aujourd'hui encore : «les peuples qui ne s'orientent pas vers l'extérieur, dégénèrent vers l'intérieur». Je lisais ces derniers jours, une dépêche qui citait un sénateur annonçant que les Etats Unis proclameraient prochainement un 51e état fédéral, tenez-vous bien..., sur la Lune ! A chacun de tirer les bonnes conclusions de cette histoire.
Chère citoyenne libre, pour être vraiment libre, libérez-vous de ces chimères qui nous poussent à toujours chercher nos ennemis parmi nous et à gâcher de la sorte les joies d'une liberté tant espérée.
* (Ingénieur)


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