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L'article 1er de la prochaine Constitution tunisienne, entre promesse et malédiction
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 03 - 2012


Par Saïd ALOUI
Avant sa rédaction définitive, l'article 1er de la Constitution de 1959 a fait l'objet d'une grande palabre, et cela se comprenait. En effet, le Tunisien autochtone était doublement aliéné, de par sa qualité de sujet de Son Altesse le Bey et en tant qu'indigène vivant sous la coupe du consul général représentant la puissance coloniale. Il avait, par conséquent, souffert le martyre du joug colonial, qui a spolié ses droits, laminé et même parfois usurpé son identité en miroitant les bénéfices à tirer de la nationalité coloniale. D'où, après l'indépendance, une vision bien particulière de l'Etat, plus tard de la République, et une interprétation passionnée de la règle juridique. A cet égard, le changement de nationalité a été vécu comme étant une forme d'apostasie, cause d'indignité, interdisant même l'inhumation dans un cimetière musulman.
La réalité et les aspirations politiques du moment, les revendications sociales ayant guidé la Révolution du 14 janvier 2011, sont autres, d'où la question : le maintien de cet article dans la prochaine Constitution se justifie-t-il ? Avant même de chercher à renforcer le rôle de la religion en élevant la chariaâ au statut de source principale du droit ?
Le contexte dans lequel la Révolution tunisienne a vu le jour est autre. Les premiers slogans révolutionnaires réclamaient massivement la dignité pour tous, l'épuration du système et la mise en examen de ses hommes, ainsi que l'institution d'un régime parlementaire, seul régime politique considéré comme étant capable d'éviter les dérives totalitaires.
Aucun slogan nationaliste ou à connotation religieuse n'a émergé. La religion et l'identité n'étaient pas présentes. En effet, les tortionnaires étaient bel et bien tunisiens. Le soulèvement ne s'est pas fait contre un envahisseur venu de l'extérieur, mais contre un esprit d'Etat versé dans la prévarication, et une conduite immorale des affaires, qui a soulevé l'indignation de l'ensemble de la population, qui s'est liguée pour la première fois depuis l'indépendance contre le régime en place comme elle ne l'avait jamais fait auparavant, même pas pour soutenir les nahdhaouis du temps où ils étaient persécutés par Ben Ali ou bien lors du bras de fer opposant l'Ugtt au régime de Bourguiba durant les incidents ayant émaillé le 26 janvier 1978.
A nouveaux besoins, nouveaux moyens, à nouveau contexte nouvelles aspirations. Notre identité n'a jamais été mise en cause durant ces 50 dernières années pour l'afficher de nouveau comme un défi. Finalement pour défier qui ? De cette façon, on ne fait qu'ignorer l'action du temps.
Symbiose avec les autres religions
Pour sa part, l'Islam se vit naturellement en symbiose avec les autres religions, qu'il domine largement de par la structure de la société tunisienne. Ne faudrait-il pas, tout en le maintenant au rang de religion d'Etat comme l'admet la majorité des juristes et des intellectuels tunisiens, tempérer l'impression de domination par rapport aux minorités et de là, d'inégalité que dégage ce principe, par une référence aux principes partagés par la communauté internationale afin d'éviter les éventuels risques de dérive et possible exploitation pour saborder les fondements de l'Etat démocratique en devenir, au lieu de chercher à renforcer, comme annoncé, le rôle de la chariaâ.
En fait, le concept de religion d'Etat, exposé par John Locke depuis le XVIIe siècle, n'est pas nécessairement contraire à la démocratie et aux libertés et il n'est pas question qu'il soit par lui-même motif de frayeur et de lamentation.
Néanmoins, aussi bien l'identité que la religion d'Etat, sans être antinomiques avec le concept d'Etat démocratique, contiennent les ingrédients explosifs et détonants de l'Etat national, qui, de par l'enseignement de l'histoire, a souvent pour aboutissement la dictature d'un régime nationaliste ou d'un régime autocratique, exacerbant l'une ou souvent les deux fibres à la fois, multipliant les zones interdites à une information libre et les tabous intellectuels, pour aboutir à la confiscation des libertés publiques et individuelles.
La mise en exergue de l'identité et de la religion ne tend-elle pas consciemment ou non à exclure et cloisonner au lieu de rassembler et avancer ? Afin d'éviter de ramer à contre-courant, dans un monde qui tend vers l'universalité où le meilleur citoyen est celui qui rend de bons et loyaux services à la communauté qu'il soit résident ou non, autochtone ou étranger, musulman ou bouddhiste, homme ou femme.
Récemment, le débat sur l'identité en France n'a-t-il pas tourné au fiasco, car il a glissé et a fait ressurgir les relents de la xénophobie et de l'exclusion.
D'autre part, rien n'est venu perturber ou mettre en danger notre identité. Pourquoi ne pas aller de l'avant et éviter toute impression d'avoir mal digéré les douleurs passées ? Cela rappelle, dans un autre contexte, la réflexion de Wole Soyinka qui, réagissant au concept de négritude verbeuse clamé par Léopold Sedar Senghor face à l'Occident colonialiste, disait : «Le tigre n'affirme pas sa tigritude, il bondit sur sa proie». Notre identité ne peut être statique, elle est guidée par le dynamisme de l'entendement qui se nourrit des valeurs universelles de tolérance, toujours en perpétuel devenir, où le respect de l'individu et des groupes doit guider nos approches. Elle devrait avancer sans ruminer le passé.
La Tunisie, que l'on voudrait voir renouer avec plus d'insistance avec sa tradition ancestrale de terre d'accueil, d'asile et d'hospitalité, doit plutôt donner la vision plaisante d'un refuge et non d'un sanctuaire. Le message pour la postérité que devrait véhiculer la Constitution tunisienne pour l'ensemble des Tunisiens, et aussi des autres peuples, est celui de l'espoir; espoir à la mesure de celui suscité à travers le monde suite à l'avènement de la révolution.
Dignité humaine et liberté
Bien avant nous, la révolution de velours qu'a connue la Tchèquie donne la parfaite illustration de cette vision, à travers le préambule de la Constitution de 1992 qui en est issue, stipulant que la rénovation de l'Etat se construit «dans l'esprit des valeurs inviolables de la dignité humaine et de la liberté, comme la patrie de citoyens libres et égaux en droits qui ont conscience de leurs obligations envers les autres et de leur responsabilité envers tous, comme un Etat libre et démocratique, fondé sur le respect des droits de l'Homme et sur les principes de la société civique».
L'article premier de la même Constitution proclame que «la République Tchèque est un Etat de droit souverain, unitaire et démocratique fondé sur le respect des droits de l'Homme et du citoyen».
Son premier président, l'illustre homme de culture et dramaturge, feu Vaclav Havel, disait à ce sujet que «la sauvegarde de notre monde humain n'est nulle part ailleurs que dans le cœur humain, la pensée humaine, la responsabilité humaine».
Aussi, l'exemple du melting-pot américain est à méditer, car il est issu d'un climat de tolérance et d'instruments juridiques appropriés aidant à l'intégration, contrairement à certains pays où les règles iniques d'exclusion produisent d'autres cercles d'exclusions et d'inégalités et sont générateurs de malaise social et de fragilité politique. Car l'émigré reste toujours flanqué de l'étiquette d'étranger, garde une valise dans la tête… au cas où… et ne cherche pas à s'investir durablement dans le pays d'accueil, ni défendre ses valeurs, faute d'assimilation. Il devient, par conséquent, source d'inquiétude, sur le plan social et de surenchère politique.
Ethique universelle
Quant à l'Islam présenté comme religion d'Etat, ne devrait-on pas l'enrichir en se référant aussi à l'éthique universelle afin de l'inscrire dans la modernité et lui éviter une forte exposition politique pouvant miner les fondements d'un régime démocratique ? Ne l'oublions pas, l'Etat est un concept, et fonde sa légitimité à travers sa neutralité en n'instaurant aucune inégalité entre les citoyens.
Paradoxalement à ce que pourrait laisser deviner la précédente réflexion, l'ambiance de religiosité qui anime la majorité gouvernementale actuelle conforte dans l'absolu et consolide l'Etat tunisien par rapport à sa déliquescence passée du fait de l'immoralité qui a gangréné le comportement et l'action passés de plusieurs de ses institutions.
La forme infinie de la subjectivité fonde le fonctionnement de l'Etat comme l'affirmait Hegel. Il est utile de l'accepter et de l'assumer, mais sans verser dans l'ambiguïté d'un Etat religieux, entraînant nécessairement la confiscation de la liberté de penser.
La Constitution et la législation doivent se fonder principalement sur l'éthique. La spiritualité ne doit pas remplacer mais compléter la vie éthique, car à l'origine, la notion de citoyenneté, pierre angulaire de l'Etat moderne, ne peut supporter une quelconque discrimination ou hiérarchie.
D'ailleurs, par un retournement extraordinaire de situation que réserve parfois l'histoire des peuples, on constate que face à la pesanteur traditionnaliste de l'arrière-garde de l'époque, Habib Bourguiba a fait plusieurs concessions à ses visées modernistes, et justement à travers la rédaction de l'article premier de la Constitution de 1959.
La majorité actuelle devrait en faire de même, mais face à une intelligentsia diamétralement opposée, car profondément ancrée dans la modernité. Cette démarche permettrait de nous prémunir d'une éventuelle fracture sociale.


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