Les relations gouvernement-Ugtt qui viennent de connaître un début d'accalmie, le week-end précédent, risquent-elles de s'assombrir, de nouveau, à la suite de l'annonce des nouvelles mesures que comporte la loi de finances complémentaire 2012, plus particulièrement le prélèvement de quatre jours sur les salaires des travailleurs et l'augmentation des prix des hydrocarbures ? Comment les partis politiques ont-il réagi à ces mesures et considèrent-ils que les rapports gouvernement - Ugtt vont revenir à la case départ après que la centrale syndicale eut déclaré son opposition aux décisions gouvernementales arguant que les difficultés actuelles ne doivent pas être supportées uniquement par les salariés ? La Presse a posé ces deux questions à plusieurs acteurs du paysage politique national qui ont souligné leur refus «des décisions annoncées qui ont été prises sans aucune consultation préalable et qui ne constituent en aucune manière les solutions idoines que les Tunisiens attendent, en cette étape marquée, notamment, par la hausse vertigineuse des prix des produits alimentaires». Tout le monde doit mettre la main à la poche Sami Tahri, membre du bureau exécutif et porte-parole de l'Ugtt, va directement au fond des choses en rappelant que le Congrès de la centrale syndicale, tenu en décembre 2011, à Tabarka, a déjà exprimé «son refus catégorique de voir les salariés supporter les frais inhérents à la crise économique actuelle. Nous considérons que le gouvernement a le devoir de chercher d'autres ressources à même de financer le budget complémentaire. Une synthèse des mesures projetées nous est parvenue et nous avons fait parvenir au gouvernement notre réponse consistant à dire non à toute décision qui pourrait entamer le pouvoir d'achat des salariés». «Pour ce qui est de nos relations avec le gouvernement qui pourraient connaître une nouvelle tension, nous n'œuvrons pas au sein de l'Ugtt pour satisfaire une quelconque partie ou avoir ses faveurs. Notre mission est de défendre les intérêts des travailleurs, quitte à ce que le pouvoir considère nos positions contraires à sa politique», tient-il à préciser. De son côté, Nizar Ben Saâd, membre du bureau politique du Parti national tunisien (une coalition de 13 partis de mouvance destourienne), pense que «le prélèvement de quatre journées sur les salaires des travailleurs pourrait être un acte d'une authentique solidarité afin que chaque citoyen puisse apporter sa pierre à l'édifice national. C'est un acte de citoyenneté responsable et vigilante. Il demeure toujours que l'application de cette décision ne doit pas être brusque ou être opérée aux dépens de la bourse des salariés. Mais s'il s'avère que cette décision est bienfaitrice pour le bien commun, nous ne pouvons qu'applaudir une telle initiative, à condition que tout le monde y participe». Quant à l'assombrissement prévu des rapports entre l'Ugtt et le gouvernement, il estime que «les partis politiques souhaitent que la symbiose enregistrée, ces derniers jours, soit pérenne. Seulement, j'exprime une grande crainte que les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire ne minent cette belle symbiose». Des promesses irréalistes et irresponsables «L'apaisement entre l'Ugtt et le mouvement Ennahdha ainsi que le CPR risque d'être menacé par les mesures inscrites dans la loi de finances complémentaire pour 2012 qui a introduit deux éléments douloureux pour les travailleurs : le prélèvement de quatre jours sur les salaires et l'augmentation des prix des hydrocarbures», fait valoir Abdelwaheb Heni, président du parti Al Majd. «Certes, le gouvernement doit mobiliser les ressources nécessaires pour financer les projets qu'il doit lancer, notamment dans les régions défavorisées. Malheureusement, il n'a pas consulté, lors de l'élaboration du budget complémentaire, les partenaires sociaux et en premier lieu l'Ugtt. Ces mesures prévues dans la loi de finances complémentaire ont été déjà dénoncées par le gouvernement Jebali quand il a accédé à la direction du pays. Aujourd'hui, il cherche à faire passer la pilule après avoir constaté que le soutien fort attendu des pays du Golfe n'est pas finalement arrivé, comme l'attestent les déclarations faites, hier, par le ministre des Finances. Ennahdha et ses alliés se trouvent dans une impasse entre les promesses électorales irréalistes et irresponsables qu'ils ont faites lors de la campagne électorale et la réalité des comptes publics. Il aurait fallu procéder à un audit des comptes publics pour informer l'opinion de la réalité économique du pays et éviter les fantasmes», ajoute-t-il. Et pour conclure, Abdelwaheb Heni fait part de son impression que le gouvernement actuel «agit comme une équipe de précampagne en essayant de faire valoir un bilan électoraliste. Ce qui risque de conduire à des décisions populistes qui auront un effet catastrophique sur l'économie nationale». Le secrétaire général du Parti social libéral (PSL), Hosni Lahmar, relève que «la décision du prélèvement constitue une reconnaissance et un aveu de l'existence des difficultés économiques auxquelles il faut trouver une solution. Au PSL, nous aurions souhaité une large consultation nationale pour un diagnostic réel de la situation. Nous pensons que le prélèvement n'est pas une solution efficace parce que le déficit sera supporté exclusivement par les salariés alors qu'on sait très bien qu'il y a d'autres partenaires qui ont été favorisés dans le passé et qui peuvent être mis à contribution en particulier dans le secteur privé. Dans tous les cas, il s'agit de trouver le chemin de l'efficacité économique par un projet autre que celui qui paraît actuellement en vigueur. Pour ce qui est des rapports entre le gouvernement et l'Ugtt, nous avons déjà applaudi à l'apaisement des derniers jours et nous sommes convaincus que l'essentiel est de consacrer la paix civile, préalable nécessaire au pacte social. Ce dernier ne peut être instauré que par le dialogue continu entre les partenaires sociaux et nous ferons tout pour favoriser la poursuite du dialogue social quelles que soient les difficultés de la conjoncture».