Hier, 20 mars 2012 : une journée glorieuse au cours de laquelle la Tunisie a célébré le 56e anniversaire de sa libération du joug de la colonisation. Et cela pour la deuxième fois depuis la chute de la dictature qui a duré 23 ans. En cette étape transitoire de l'histoire post-révolutionnaire, toute la nation devait se recueillir à la mémoire des martyrs vaillants qui sont tombés au champ d'honneur, en signe de loyauté et de fidélité à la mère patrie. Dans le prolongement de la lutte menée par nos aînés pour la liberté et la dignité, la révolution populaire du 14 janvier s'est donné pour objectif de préserver les acquis de l'indépendance et d'instaurer les fondements de l'Etat démocratique. C'est pour s'en rappeler encore que le palais de Carthage s'est réveillé, hier matin, dans une ambiance festive toute particulière... Solennellement accueilli, lors d'une cérémonie officielle à laquelle ont été conviés le chef du gouvernement, le président de la Constituante, les membres du gouvernement et certains représentants des partis politiques, Moncef Marzouki, président de la République provisoire, s'est levé pour saluer le drapeau du pays, au son de l'hymne national. Instant grave. Devant le parterre des invités, il s'est ensuite adressé au peuple tunisien à travers un court discours qu'il a voulu symbolique et rassembleur. Peut-être ne s'agissait-il pas de celui que l'on attendait, notamment en ces circonstances marquées par des actes de profanation du sacré qui visent à attiser les antagonismes. Mais, quoi qu'il en soit, Marzouki a prononcé son allocution dans un état d'émotion, profondément touché par ce qui se déroule sur la scène. Tantôt ébranlé, tantôt rassurant, le message qu'il a voulu véhiculer a puisé dans le thème de la réconciliation et de la cohésion sociale autour d'une même Tunisie solide et unifiée. Il en profite pour revisiter l'histoire des conflits Bourguiba-Ben Youssef, appelant à dépasser les maux des temps révolus et panser les plaies du passé, aux fins de repartir du bon pied et d'établir de nouvelles relations pour la gloire du pays et le grand bonheur de son peuple. Un moment d'autant plus fort de son discours qu'il était prononcé en présence de la veuve de Salah Ben Youssef, Soufia, ainsi que de la fille adoptive de Bourguiba, Hager. Un geste de pardon réunira d'ailleurs les deux familles, par-delà les blessures et les vicissitudes de l'histoire... Cette célébration, poursuit le discours présidentiel, intervient au moment où l'on doit entamer une nouvelle étape fondée sur le pluralisme et la cohabitation dans la différence et le respect mutuel. Car «la nation ne saurait se construire d'une seule couleur ni d'une seule matière, elle est diverse et plurielle par essence», a-t-il fait souligner. Il a appelé les Tunisiens à faire preuve de vigilance et de fermeté pour prévenir le pays contre les menaces de l'extrémisme. Abordant les affres de l'histoire et le fardeau de l'injustice et de la dictature dont ont été victimes de nombreux innocents, Moncef Marzouki a tenu à s'excuser au nom de l'Etat tunisien auprès de tous ceux qui ont été privés de leur dignité ainsi que de tous ceux qui ont lutté vaillamment pour la liberté et l'indépendance, mais dont le salaire est d'avoir subi l'oppression et les accusations de trahison. A toutes ces victimes de l'histoire, Marzouki a adressé une demande de pardon... Mais il a également rappelé qu'il n'y aura pas de véritable indépendance tant qu'il y aura dépendance sur le plan technologique, scientifique et économique: «L'indépendance relève d'un parcours de longue haleine...», a-t-il ajouté, en soulignant que seuls l'efficacité économique, l'esprit d'initiative et la concurrence pourront donner sens aux valeurs de l'indépendance. Autant d'ambitions dont la concrétisation ne peut se faire que dans le cadre d'une unité nationale. Laquelle unité, déplore-il, semble être ébranlée par des tentatives fomentées contre les symboles du pays et de sa souveraineté. Le retrait du drapeau du haut du bâtiment de la faculté des Lettres de La Manouba, la profanation du Saint Coran dans l'une des mosquées de Ben Guerdane et du trafic d'armes sur les frontières tuniso-libyennes, constituent des comportements attentatoires à l'unité du pays. «C'est là un crime odieux et méprisable», a-t-il encore dénoncé. Il a indiqué que ces tentatives portent clairement des intentions de dissension et de discorde, se félicitant de l'élan collectif des Tunisiens qui ont manifesté, à maintes reprises, leur attachement solidaire au sacré et à la souveraineté de la patrie. Au terme de son discours, le président de la République provisoire a rendu un vibrant hommage aux familles des martyrs yousséfistes en décorant la veuve de Salah Ben Youssef et son fils, ainsi que la famille du leader Bourguiba, à travers sa fille adoptive Hajer Bourguiba. Cette cérémonie de décoration a eu lieu en présence de MM. Hamadi Jebali et Mustapha Ben Jaâfar, respectivement chef du gouvernement et président de l'Assemblée constituante.