La situation géographique de la Tunisie est délicate. Sur le chemin de milliers de navires et de pétroliers qui sillonnent la Méditerranée à longueur d'année, les côtes tunisiennes sont exposées aux pollutions marines conséquentes aux accidents en mer et aux déversements des hydrocarbures. Cette réalité a poussé les autorités tunisiennes concernées à élaborer, dès 1996, un plan national d'intervention urgente (loi n°96-29 du 3 avril 1996) pour lutter contre les événements de pollution marine et leurs conséquences écologiques fâcheuses. Aujourd'hui dépassé à tout point de vue, ce plan a besoin d'être actualisé, revu, corrigé et surtout mis à niveau aux nouvelles normes internationales scientifiques et technologiques. Des experts européens, méditerranéens notamment, ont été conviés par des spécialistes tunisiens en charge du dossier, pour réfléchir ensemble sur les améliorations à apporter au plan pour le rendre plus efficace tant à l'échelle nationale que méditerranéenne. C'est au Centre régional méditerranéen pour l'intervention d'urgence contre la pollution marine accidentelle (Rempec), basé à Malte, et au Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), basé à Brest (France), deux institutions françaises de renom d'assistance technique et scientifique auxquelles le ministère de l'Environnement a fait appel pour assister les experts tunisiens de l'Agence nationale de protection de l'environnement dans la révision du plan de 1996. Rempec et Cedre à la rescousse L'Anpe assurant le secrétariat du plan national d'intervention et assumant la charge de gestion de la crise : opération de sauvetage, nettoyage en mer et sur les côtes, traitement des déchets hydrocarbures quand cela est possible. A ce titre, l'Anpe avait lancé, l'an dernier, une étude en trois phases sur l'actualisation du plan. La première s'est intéressée au diagnostic des textes réglementaires y compris les nouvelles conventions et autres protocoles d'accord ; la seconde a examiné l'état des lieux et la troisième a concerné la révision du manuel de procédure proprement dit en cas d'intervention. L'Anpe est, actuellement, à cette troisième étape, ce qui explique la tenue d'un atelier national de trois jours (8-10 mai 2012) consacré au problème de la gestion des déchets issus de pollution par les hydrocarbures avec la collaboration technique et scientifique du Rempec et du Cedre et le soutien du Pnue, de l'Organisation maritime internationale ainsi que du Groupement des industriels du pétrole méditerranéens. « Nous avons demandé l'assistance du Rempec car il a un rôle d'assistance pour les pays méditerranéens en cas de problème de pollution et/ou de préparation du plan d'intervention urgente », explique M. Samir Kaabi, chef du département contrôle et suivi de la pollution. L'expert contrôleur de l'Anpe ajoute que le Rempec examine la concordance de tous les plans de la région et assure leur coordination ; il dispose de toute la liste des équipements d'intervention existant dans les pays méditerranéens et assure le suivi de l'intervention en cas de pollution offrant son assistance efficace en cas de besoin pour faire appel à du renfort d'autres pays méditerranéens. C'est en quelque sorte le centre d'appel d'urgence de la Méditerranée. Ceci, outre la capacité du centre à assurer la formation et l'expertise quand elles sont sollicitées par les pays méditerranéens. « Aujourd'hui, nous sommes là, à titre gratuit, pour fournir les recommandations, les commentaires et les conseils nécessaires pour aider la Tunisie dans cette phase de révision de son plan d'urgence », affirme M. Gabino Gonzalez, expert de Rempec. Initiation au logiciel d'Otra La gestion de ce type de déchets est très compliquée nécessitant des techniques et une infrastructure (installations de traitement) adaptées. Cette complexité est accentuée en l'absence d'un plan d'intervention d'urgence qui prévoit et prépare cette phase de gestion des déchets des hydrocarbures. La rencontre technique par excellence a offert l'opportunité d'examiner les cinq étapes sur lesquels se base un plan de gestion des déchets issus d'une pollution par les hydrocarbures : rôles et responsabilités face à la gestion des déchets, le cadre juridique et les aspects d'indemnisation ; caractérisation et échantillonnage des déchets; transport des déchets en mer et à terre ; stockages intermédiaires et lourds, et traitement et élimination des déchets. «Cet atelier va nous permettre de répondre à diverses questions : comment récupérer les déchets ? Avec quels moyens ? Et comment traiter les déchets ? S'agissant des industriels du pétrole, cette réunion est une occasion pour avoir une idée sur leurs équipements et pour se mettre d'accord sur la procédure à respecter pour intervenir ensemble efficacement en cas de besoin», explique encore M. Samir Kaâbi. Trois jours de formation auxquels ont, en effet, participé des industriels du pétrole dont le rôle et la responsabilité sont déterminants en amont de l'accident (prévention) et en aval (gestion des déchets). Le moment fort de cette formation a été l'initiation à l'actualisation du plan tunisien par le biais d'un logiciel développé par Otra, un bureau d'étude français spécialisé dans la préparation de la lutte et dans la lutte elle-même contre les pollutions marines accidentelles. Ce logiciel est mis à la disposition des pays du bassin méditerranéen qui disposent d'un plan d'intervention d'urgence ou qui veulent en développer. Chaque pays méditerranéen devant y incorporer ses données nationales. L'expert et représentant de Otra, M. Christian Carrié, a eu donc la charge de présenter l'Outil méditerranéen d'aide à la décision pour la gestion des déchets issus de pollutions marines par les hydrocarbures, un logiciel qui facilite la tâche d'actualisation du plan national d'intervention par l'administrateur national de chaque pays, qui permet à tous les partenaires, les instances méditerranéennes de coordination notamment, de consulter sur Internet les plans d'intervention des différents pays et de coordonner ainsi sans difficulté les opérations d'intervention en mer en cas d'accidents. Opération blanche pour tester le nouveau plan A savoir que, dans le plan d'intervention, figurent toutes les données nationales nécessaires sur les institutions existantes, les moyens et équipements disponibles ainsi que les personnes à contacter en cas de besoin ou de renfort pour d'autres pays méditerranéens. « Nous sommes à présent appelés à incorporer nos données nationales dans ce logiciel qui doit à son tour figurer dans notre manuel de procédure », précise encore l'expert de l'ANPE. La révision du plan tunisien d'intervention urgente devrait être achevée d'ici la fin de l'année en cours, elle devrait être suivie d'une opération blanche pour tester l'efficacité du nouveau plan. Préalablement, le plan revu et corrigé sera examiné par le comité de pilotage du plan, soit les partenaires du ministère de l'Environnement dans toute intervention de ce type à savoir la marine marchande, les ministères de l'Equipement, de l'Industrie, du Transport, de la Santé, de l'Intérieur et de la Défense, aux côtés de l'Anpe. A noter que le plan national d'intervention urgente impose à tous les industriels du pétrole d'avoir leur propre plan d'intervention d'urgence qu'ils sont appelés à activer en cas d'incidents avant de faire appel à l'intervention de l'Etat. C'est aussi le cas des ports commerciaux dont le plan d'urgence doit être lui aussi approuvé par le ministère de l'Environnement. Des statistiques avancent que 30% du trafic du fret international et 28% du transport maritime d'hydrocarbures transitent par la Méditerranée qui abrite 305 ports et où l'on note la présence permanente de 2.000 navires de plus de 100 tonnes dont 300 navires citernes. Le dernier accident marin survenu dans les eaux tunisiennes date de 2010 et a eu lieu du côté des îles Kerkennah. Les opérations de dépollution ont duré un mois.