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Ahmed Zelfani Une quête éternelle
L'entretien du lundi
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 05 - 2012

Ahmed Zelfani est ce qu'on appelle un autodidacte accompli. Ses premières amours furent avec le verbe. «J'ai divisé la lettre en deux et j'ai fait parler la moitié...», dit un de ses poèmes. Et l'image prend chez lui toutes sortes de concrétisations, se déployant sur les planches de théâtre qui donnent corps à ses textes, se reflétant à travers son appareil photo ou prenant forme sur la toile à travers une palette onirique à souhait... L'art n'a pas de frontière pour lui et sa seule demeure est l'émotion. Entretien.
L'écriture fut le début?
Oui et plus exactement la poésie. Quelques-uns de mes poèmes furent, d'ailleurs, publiés dans quelques journaux à l'instar d'El Mostakbal. Il y a eu aussi l'écriture théâtrale. J'ai ainsi écrit les textes de plusieurs pièces, la première, vers la fin des années 80, était une pièce pour enfant intitulée Boussaâdia aw lila thania baâd el alf produite par «Masrah el Aarayes». Il y a eu aussi, et entre autres, Bab el Aarch (masrah el halka) mise en scène de Yahia Yahia, Paradis sur terre, en 1990, d'après le texte de Tennessee Williams et l'année d'après Echec et mat (d'après synopsis), toutes deux pour le Théâtre National. Cette dernière pièce qui a réuni de talentueux comédiens était censée, à l'époque, ouvrir le festival de Hammamet. D'ailleurs ce fut son unique représentation car censurée par la commission. Toute l'équipe qui y a travaillé est sortie de cette expérience avec beaucoup d'amertume et de déception. Je regrette surtout l'excellent décor de Tarek Ben Aziza qui est une réelle performance et qu'on s'est empressé de détruire par la suite... Ce fut, presque, le dernier texte que je livrais au théâtre. Je m'en suis éloigné depuis pour me consacrer à la photographie (photo d'art, photographe de théâtre et de plateau cinéma...).
Tes textes ont-ils été édités?
J'aurai pu éditer des recueils de poésie et des pièces que j'ai écrites mais comme je n'ai pas les moyens et que je ne sais pas comment en chercher (sourire) ça ne s'est jamais fait. Mon truc à moi c'est la production, je crée mes textes pour les laisser s'épanouir et c'est aux autres de les récolter...
Et la peinture?
Il y a beaucoup d'images dans mon verbe et c'est ce qui a fait que je me suis tourné vers le théâtre (écriture, scénographie, lumière, affiches) où l'image est vivante et avec elle l'émotion. Avec la photo j'ai eu les mêmes soucis et avec elle l'entrée en jeu du consommateur qui donne naissance au verbe et de même pour la peinture.
A l'époque je me suis essayé à la photo-peinture, un genre complètement nouveau que j'ai développé à coups d'essai et d'expérimentations.
Je travaillais alors sur des petits formats de peintures et de fortuits essais m'ont amené à expérimenter le mariage de la peinture et de la photo (montage photo, peinture sur photo...) en récupérant, entre autres, des photos ratées. J'en ai fait toute une approche et c'était mon expérience photo-peinture. Ces travaux furent exposés la première fois, en 1992, à la galerie Mille feuilles lors d'une exposition personnelle. Certains peintres ont vu, à l'époque, que j'avais désacralisé la photo et les artistes-peintres de même pour la peinture. Je me suis attiré les critiques des deux (sourire). Il faut dire que c'était la première fois qu'on voyait cela en Tunisie...
J'aime expérimenter de nouvelles pistes, explorer des zones inconnues et quand je perds le goût du risque je passe à autre chose. Je n'aime pas quand cela relève du préfabriqué de la recette. D'ailleurs, certains disent que derrière mes peintures se cachent plusieurs peintres et c'est ce qui fait que mes travaux ne se ressemblent pas... Je suis un autodidacte par excellence et la diversité de mon œuvre s'explique aussi par cela.
Tu es donc dans l'expérimentation?
Oui on peut dire cela mais en respectant toujours des normes simples mais très importantes. La finalité étant toujours pour moi l'émotion, arriver à la dégager avec mes propres moyens. Une émotion distillée par l'acuité du geste et de la technique.
J'expérimente, certes, mais la technique prime chez moi et avec elle le sujet. Loin d'être pour un académisme cru, j'essaye plutôt de freiner un peu et prendre du recul pour ne pas tomber dans cette crise que connaît la pratique artistique depuis la Seconde Guerre mondiale. Je revendique un retour au savoir-faire et à la technicité, tout en empruntant des références et des outils actuels et contemporains. D'ailleurs, partout dans le monde, on commence à se réconcilier de plus en plus avec la notion du savoir-faire et la technicité est revendiquée même par les générations émergentes.
Qu'est-ce que l'art selon ta conception?
C'est une émotion sentie et pressentie par le créateur qui la concrétise pour la livrer au «consommateur» qui en fait à son tour une émotion. L'art pour moi est un langage fait d'émotions échangées qui doivent passer par la phase de concrétisation. L'œuvre doit provoquer quelque chose chez le spectateur, une pensée, une idée mais toujours enveloppée d'émotion. D'ailleurs, pour moi, l'art éphémère n'a plus de sens et ne rime plus à rien actuellement. Le temps de l'œuvre et l'œuvre du temps sont très importants dans la pratique artistique. L'œuvre se doit d'être vécue et l'art est viscéral ou ne l'est pas... C'est ce qui fait que, par exemple, l'œuvre de Shakespeare soit demeurée éternelle
Comment naît l'œuvre chez toi?
La naissance de l'œuvre est antérieure à sa réalisation, elle peut émaner d'un ancien poème ou d'une pensée jamais concrétisée. Mon travail est basé sur la continuité, il n'y a jamais eu de rupture chez moi entre la poésie, le théâtre, la photo et la peinture, d'ailleurs je ne datais pas mes œuvres avant (je le fais actuellement par souci d'archivage) car pour moi elles font partie d'une seule entité indissociable.
L'œuvre est une quête, une histoire d'amour, une concrétisation du désirable, du rêve... Ce rêve peut être là depuis mon enfance et je continue à le chercher; si je l'aurai trouvé j'aurai tout arrêté... L'œuvre, pour moi, n'a ni début ni fin, c'est une perpétuelle quête durant laquelle on ne cesse d'apprendre. Elle émane de ces plus belles rencontres qui se font hors des sentiers battus. D'ailleurs le thème de l'errance est présent dans ma peinture. Il est soit palpable sur la toile soit à travers les titres de mes tableaux.
Qu'est-ce que l'acte d'exposer pour toi?
Cela demande beaucoup de temps et l'œuvre doit prendre son temps pour germer et pour se concrétiser. C'est un plaisir collectif qui émane d'un acte intime et profond. Il y a le faire et le non-faire et parfois le non-faire est beaucoup plus difficile que le faire, dans le sens où on n'opte pas pour le spectaculaire, pour le prêt-à-porter, pour l'expéditif... toutes les œuvres ne sont pas «exposables» et moi-même j'ai plein d'œuvres que je refuse d'exposer. Malheureusement ce qui s'expose dans nos espaces contient beaucoup de «croûtes» artistiques qui ne sont que leurres et récurrences et ne participent en rien à l'évolution de la pratique artistique en Tunisie. Ce sont tout simplement des œuvres-accessoires faites pour être vendues...
Cela nous ramène à parler du marché de l'art en Tunisie?
Le moins que je puisse dire c'est que c'est la pagaille. Ce qui se fait appeler marché de l'art en Tunisie revêt deux facettes : l'apparent et ce qui se fait dans les coulisses (en dehors des galeries) et qui est beaucoup plus considérable. Ajouter à cela le marché parallèle et les faux qui ont été vendus sont plus importants sur le plan chiffre que les authentiques, et ce, dans l'apparent et les coulisses.
Il y aussi l'acheteur avec toutes ses catégories qui joue un rôle important. Les acheteurs «intelligents» sont malheureusement les moins aisés et c'est à cause des autres catégories (suivisme, tape à l'œil...) qu'il y a eu prolifération du marché du faux. Les collectionneurs qui misent sur les valeurs sûres existent en Tunisie mais certains d'entre eux puisent malheureusement dans le marché parallèle.
On ne peut pas vraiment parler d'un vrai marché de l'art sous nos cieux avec tout que cela impose comme composantes et normes. Si je veux résumer la situation , je dirai que le nôtre ressemble plus au souk de Moncef Bey avec une forme de pagaille atténuée par un soupçon d'organisation et de noblesse.
Qu'en est-il de la commission d'achat et du ministère de la Culture?
La commission au temps de Ben Ali a acheté, pour des sommes énormes, de faux tableaux pour le palais présidentiel en se servant directement du budget alloué aux achats des œuvres pour le futur musée qu'on n'a jamais vu... Loin d'être objective, la commission jongle avec les prix selon les affinités et quand cela l'arrange. La commission a toujours été à l'image du ministère et de la politique régnante. Après plus de 20 ans de désordre organisé nous ne pouvons revenir aussi facilement à l'ordre, d'ailleurs actuellement c'est tout bonnement la pagaille. La commission actuelle gagnerait à être enrichie par la présence de personnes qui ne sont pas protagonistes des arts plastiques qui auront le recul nécessaire et surtout plus d'objectivité.
Le ministère est appelé à être mieux informé. Il est censé avoir des photothèques, mieux archiver ce qui ce fait dans le domaine culturel mais cela ne se fait pas car les préoccupés politiques l'emportent toujours sur les questions essentielles ( sans compter le clientélisme et le copinage). Quand le ministère de l'Education met en doute l'enseignement de l'œuvre de Ali Douagi et que le ministère de la Culture ne réagit pas, c'est qu'il y a défaillance.
Pour revenir à la commission d'achat, j'appelle le ministère à exposer annuellement les acquisitions de la commission en mentionnant les prix et les sources avec un catalogue et un site réservé à cela. Il faut plus de transparence dans ces transactions et ces opérations comme cela se fait à l'étranger.
La condition de l'artiste tunisien?
Déjà il faut faire la différence entre le professionnel et l'amateur qui pratique à ses heures libres. Au niveau des institutions (galerie, ministère et autres structures), l'artiste s'est trouvé toujours dépendant de leur bon vouloir au point d'en perdre toute dignité... Cela dépend aussi de plusieurs réseaux (mondanité, business, politique,...) et moi je ne fais partie d'aucun réseau. Déjà au temps de Ben Ali je refusais de participer aux expositions de propagande et bien sûr j'ai payé ça au plus fort en me faisant, entre autres, bouder, pendant pas moins de 7 ans, par la commission d'achat. Et le pire c'est que cela ne s'est pas amélioré après le 14 janvier 2011 à cause, entre autres, de conflits personnels avec certains membres de la commission d'achat...
Ici vient le rôle du syndicat?
Je ne peux exclure l'importance d'un syndicat ou d'une structure qui gère les intérêts des artistes et garantit leurs droits. J'ai d'ailleurs soutenu la création du Syndicat des métiers des arts plastiques (SMAP). Parmi ses réalisations, il a pu diminuer le taux des retenues à la source pour arriver à 5% alors que c'était 15%. Le texte de loi stipule que ce taux est de 5% pour les professionnels et de 15% pour les amateurs. Donc ça reste toujours tordu, est-il difficile à ce point de suivre tout simplement le texte de loi?
Le syndicat revendique également que le budget (environ un milliard trois cents millions) de la commission ne soit plus géré par le ministère et qu'il soit géré plutôt par le musée inexistant et je trouve cela aberrant et absurde. Je reproche au syndicat de préférer l'aspect politique et de négliger l'essentiel qui est l'aspect social et humain (couverture sociale, assurance...). Car, oui, l'artiste plasticien tunisien dépend du bon vouloir des différentes institutions et il ne jouit d'aucune assurance sociale qui peut l'immuniser contre la précarité.
Et l'Union des artistes plasticiens tunisiens?
L'union traîne les séquelles et les résidus des années Ben Ali et gagnerait à jouer la carte de la transparence pour garantir sa crédibilité mais cela est lié à la transparence au sein du ministère et du gouvernement...
La création du musée ne fera que mettre à jour la résultante de toutes ces années de politique de corruption. Je défis le ministère d'exposer uniquement les acquisitions de la commission après le 14 janvier 2011 et j'exhorte les personnes concernées à se joindre à mon appel.
Quels sont tes projets futurs?
Plein de projets qui bouillonnent dans ma tête. J'ai cependant une petite nostalgie pour le théâtre. Il y a d'ailleurs la possibilité d'une future collaboration (scénographie, lumière) dans une pièce en attendant de pouvoir mettre en scène mes propres textes.


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