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Main de fer, gant de velours
L'entretien du lundi : Feryel Lakhdar (plasticienne)
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 04 - 2012

Née à Tunis en 1965, Feryel Lakhdar peint, depuis sa première exposition en 1986, des portraits de femmes «énigmatiques », «ironiques», «monumentales», «maternelles», « porteuses d'une grande énergie et de liberté »..., selon les critiques. Certains croient voir, à travers les toiles, des femmes «minérales», « mythologiques », «sociales » et «mondaines». Feryel a choisi très tôt sa tendance. Elle varie les techniques, utilisant la gouache, l'aquarelle, l'acrylique, l'huile, avec des explorations de techniques mixtes, des recherches de textures renouvelées. Elle participe régulièrement à de nombreuses expositions en Tunisie et à l'étranger (France, Allemagne, Espagne, Italie, Egypte, Liban, USA, Canada...). C'est elle notre invitée de ce lundi.
Peut-on vous surnommer l'artiste des femmes?
Oui, volontiers. Les femmes débordent de mon pinceau d'une manière quasi spontanée, alignant une certaine résonance. Nul ne peut nier la place singulière qu'occupe la femme dans notre société, dont elle est le pilier. Elle est le vrai chef de la famille, celle qui s'occupe de tout, souvent au détriment de ses besoins et de ses plaisirs... Pour moi, la femme est une clé, mais aussi un nœud. De mon pinceau, les rêves surgissent. Je la peins dans différents états et postures, joyeuse et triste. Je la surprends dans son intimité, pour mieux happer ses émotions...
Et les hommes, alors ?
Par leur absence, les hommes sont là. Ce n'est pas anodin (rires).
Est-ce seulement à travers les femmes que vous vous êtes introduite dans le milieu artistique ?
Je faisais des études d'architecture en France, mais je ne pensais qu'à la palette et au pinceau. La peinture me donne le vertige. Je m'y abandonne complètement. Ma formation d'architecte m'a apporté de l'équilibre et de la structure. Elle était comme le plomb qui me permettait de garder les pieds sur terre. J'ai fait ma première exposition au musée de Sidi Bou Saïd, le 26 décembre 1986. Apparemment, c'était une belle réussite (sourire). J'avais eu une bonne critique. Je peignais des personnages abstraits où l'on devine les silhouettes à travers des blocs de pierre... Il y avait aussi des paysages. Les femmes rondes sont venues après. Depuis, elles ne m'ont plus quittée.
En vous consacrant ainsi à un seul sujet, ne risquez-vous pas de l'user?
Les femmes que je peins évoluent avec moi. Elles grandissent et mûrissent à mon image. Je ne cesse de poser la question du rôle et de l'image des femmes dans notre monde actuel. Je réfléchis et je peins, tout en m'évadant dans les pensées. Mes femmes sont libres et pleines d'énergie... Parfois, je me dis qu'elles ont gagné très tôt leur liberté pour savoir, aujourd'hui, quoi en faire... Elles se dispersent et se perdent, croyant pourtant se retrouver...
Est-ce de la femme de l'après-révolution que vous parlez ?
Par la révolution, j'étais impressionnée et tellement bouleversée que j'ai commencé à peindre d'une manière différente. Des gamins, baignant dans un espace de brutalité, ont surgi de mon pinceau. Plusieurs personnages ont pris possession de mes toiles... J'ai commencé à peindre la foule et les anges... Cela ne me ressemble pas. Mais il fallait que ça sorte. Je n'aime pas l'art de la propagande, même si c'est pour la bonne cause. Après la révolution, il y a eu une pénurie de la couleur rouge sur le marché, couleur du sang et du drapeau tunisien. Il faut se méfier. Ce n'est plus de l'art. Le rôle de l'artiste est de projeter, selon sa vision, le sens du monde qui l'entoure.. Et il y a beaucoup de choses à peindre. Il ne faut pas s'engouffrer dans le piège. Nous autres artistes (excepté quelques-uns), nous n'avons pas fait cette révolution. Ce sont d'autres qui ont pris les devants et qui ont payé le tribut de notre liberté. Je crois qu'il faut l'admettre et ne pas nous attribuer des choses que nous n'avons pas faites.
Croyez-vous que la peinture soit aujourd'hui en danger, comme certains l'avancent ?
Il ne faut pas baisser les bras. Il y a du pain sur la planche. Il faut vraiment réformer le secteur pour le sauver. Tout est à revoir. La culture doit faire sa révolution. Nous sommes surtout appelés à dynamiser le marché de l'art, à créer des salles de vente et à coter les artistes...
Peut-on parler d'un marché de l'art en Tunisie ?
Evidement, le marché existe, mais il n'est pas régulier. L'œuvre ne peut acquérir de la valeur que si elle est revendue. Il est important de laisser l'artiste voler de ses propres ailes et de lui donner la possibilité de conquérir les marchés internationaux... Si on ne vaut rien à l'étranger, comment peut-on se confirmer dans notre cour fermée, où nos œuvres ne peuvent être que des mort-nés. On ne pourra jamais évoluer dans ces conditions.
Vous avez pourtant participé aux foires internationales d'art contemporain à Dubaï, Abu Dhabi, Marrakech, Paris et Miami ?
Oui. Je n'ai pu monter mes expositions que grâce aux galeries avec lesquelles je collabore, à savoir celles de Ammar Farhat et de la Marsa. Aïcha Gorgi et Moncef Msekni ont cru en moi et m'ont ouvert la porte de l'étranger. Ce que je déplore ce sont les formalités très complexes que l'Etat impose aux artistes pour faire voyager leurs œuvres. On nous tient prisonnier dans un environnement hostile. L'œuvre, comme l'artiste, a besoin de liberté. Elle doit circuler à travers le monde, être vendue et revendue... C'est ainsi qu'elle prend de la valeur et rapporte des devises à la Tunisie. Il faut absolument alléger les contraintes pour aider l'artiste à survivre et à hausser sa cote.
Croyez-vous que l'artiste ait vraiment du mal à survivre ?
La vie de l'artiste dépend essentiellement du savoir-faire du galeriste. C'est un grand métier qu'on a tendance à négliger. C'est le galeriste qui doit miser sur les artistes, prendre des risques pour eux et croire en eux. C'est lui qui, normalement, se débrouille pour attirer les clients en jouant bien son rôle d'intermédiaire. La galerie doit, avant tout, mettre en valeur l'exposition, ressortir ses atouts et ses avantages... Elle n'est pas une boutique de tableaux, c'est un lieu d'art. Elle doit savoir se valoriser et gagner des fidèles et ne pas attendre la commission d'achat du ministère pour vendre ses œuvres.
Vous avez fait partie de cette commission pendant des années. Pensez-vous qu'il soit temps, aujourd'hui, de remettre en cause ses procédures ?
Il est, à mon avis, urgent de redéfinir son rôle. La commission est chargée de constituer un fonds pour le Musée national de l'art contemporain. Elle est aussi appelée à aider les galeristes et les artistes. Cela rend la sélection difficile. Il faut faire la part des choses. Cet amalgame ne peut créer que des malentendus et des crises.
Vous avez démissionné de cette commission. Pourquoi ?
Il faut savoir que faire partie de la commission d'achat pour un artiste qui vit de son art n'est pas du tout rentable, puisqu'on est privé de toute acquisition. Je participais à ces sorties par plaisir et, surtout, parce que je croyais que j'apportais, par ma voix, un plus à l'art en Tunisie. Je croyais que je participais à la constitution de ce musée d'art, tant souhaité. Je garde de très bons souvenirs de mes sorties avec Faouzia Sahli, qui a tenu la présidence de la commission pendant dix ans. L'équipe arrive toujours à se mettre d'accord pour les achats. Il n'y avait pas de censure pour l'art. On était libre. Avec Fatma Ben Bécheur , qui lui a succédé. L'ambiance était également acceptable, malgré quelques réticences d'ordre moral. Mais rien de grave.
Après la révolution, je croyais qu'on allait réaliser les meilleures acquisitions. Mon enthousiasme s'est transformé en une lourde déception. Première directive du ministre de l'après-révolution: on interdit les visites à une galerie sans en communiquer les raisons.
Vous avez réagi contre cette directive, sachant que la galerie dont il est question est celle dans laquelle vous exposez souvent?
Non, pas de tout. D'ailleurs, j'ai continué à apporter ma coopération, malgré ma déception. Le président Fethi Chebbi, homme correct et très gentil, m'a encouragée à ne pas abandonner. Le verre a débordé quand j'ai senti que certains membres de la commission profitaient de ce soi-disant «pouvoir» pour régler des comptes personnels. On ne choisissait plus les œuvres pour leur valeur artistique, mais pour gratifier ou punir les artistes. J'ai assisté à des scènes de colère qui ne sont pas dignes d'une commission d'art. C'est alors que j'ai décidé de partir.
Vous mettez en cause cette commission ?
Je dis qu'il faut faire attention, surtout pour les jeunes artistes qui sont fragiles et qui doivent être protégés contre ce genre de système qui est désormais désorienté. Je dénonce la dictature, là où elle se manifeste. J'appelle le ministère de la Culture à publier le plus tôt possible, un catalogue des œuvres acquises par l'Etat. Cela serait plus net pour tout le monde. Je propose également d'organiser une exposition annuelle des achats de l'année. Si on veut réellement avancer, nous avons besoin de transparence.
Croyez-vous que, malgré tout, la commission d'achat soit indispensable pour l'artiste ?
Je crois surtout qu'un artiste ne devrait pas dépendre de la commission d'achat. Il doit savoir vendre son produit artistique et surtout évoluer. C'est en s'aventurant dans divers projets qu'on peut s'épanouir réellement.
Quels sont vos projets actuels ?
Je prépare un livre sur la femme. Dans cet ouvrage, je lui pose quatre questions. Je n'en dirai pas plus pour le moment, sauf que j'y rends hommage à des femmes fortes, courageuses, capables d'aller de l'avant. Ces femmes luttent aujourd'hui plus que jamais, avec un humour et une liberté d'esprit qui garantissent la vraie démocratie.
Et concernant les expositions ?
Je réfléchis sur le thème de l'orientalisme. Ce dernier était un fantasme de l'Occident sur l'Orient. Les traits de la femme orientale sont complètement rêvés. On lui attribue une sensualité féminine onirique. Mais en réalité, qu'est-ce qu'une femme orientale, qu'est-ce que la liberté représente pour elle ? Se sent-elle obligée, aujourd'hui, de «disparaître» sous un voile pour retrouver son identité ? Tout cela ne serait-il pas qu'un grand malentendu, un retour de manivelle entre l'Orient et l'Occident ? Je ne fais que poser des questions auxquelles je compte consacrer ma prochaine exposition.


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