Je ne connais pas, à travers le pourtour de la Méditerranée, un si haut lieu de partage, de savoirs et de convivialités comme le théâtre Toursky. Niché depuis des décennies dans le 3e arrondissement de Marseille (16, passage Léo Ferré — eh oui ! Il est passé par là qui fait la gloire des festivals de Tabarka et de Carthage et on lui doit presque tout !…) dans un quartier «toucouleur», censé être dur, c'est un espace «dont la force irrigue l'esprit qui fait reculer la violence de la société» phocéenne. Et, en ce sens, il a toujours défendu la culture populaire. Richard Martin, compagnon des bons et des mauvais jours de Léo, est le fondateur et directeur de ce théâtre, et il a pour principe essentiel que «l'art et la culture sont des armes citoyennes qui déplacent notre regard, déploient notre intelligence et libèrent nos possibilités de compréhension infinie du monde». Pour lui comme pour tous ses compagnons d'aujourd'hui, jeunes et moins jeunes, «la culture est une arme de la démocratie et chaque œuvre d'art est une proposition faite à chacun d'entre nous d'interpréter le monde» loin des préjugés, des stéréotypes, des fausses certitudes qui pullulent encore, dans notre pays, cette Tunisie révolutionnaire pourtant !… Et allez savoir pourquoi ? Et pour conclure sur cette digression sur cette appréciation, à l'endroit du Toursky, il faut savoir que sa finalité s'appuie sur les principes citoyens par excellence de Jean Jaurès, à savoir : que «la liberté est un droit ; l'égalité, un contrat ; la fraternité un devoir.» Retour, donc, à la réunion du réseau international du théâtre méditerranéen qui s'est tenue les 25 et 26 mai dernier, sur les terrasses du Toursky et dont les objectifs, comme nous le disions dans notre premier volet d'hier, sont : «la défense de la collaboration culturelle en tant qu'instrument d'entente entre les différents peuples et cultures de la Méditerranée». La Méditerranée et ses populations acculturées Nous avons, hier, abordé le thème des «enjeux de la culture, à l'heure des révolutions nouvelles», qu'il s'agisse de la rive sud où l'on parle, depuis la révolution du 14 janvier, d'un «Printemps arabe» (*), ou, même, de la rive est-ouest que l'on a tendance à oublier — les thèmes de l'indignité et de la pauvreté surgie en Espagne et au Portugal; ou bien de la Grèce, au bord du gouffre, sans compter le problème des Balkans. Le problème des Balkans où, selon Jordan Plevneb, ambassadeur de Macédoine à Paris et recteur de l'Université des Arts visuels, «la démocratie est confisquée par un groupe de criminels» car, comme sur la rive sud de la Méditerranée, il s'agit bien, là, d'un problème d'acculturation des populations ignorantes de leurs libertés plus que de leurs obligations face à une dictature outrancière. L'orateur cite en exemple le discours d'Albert Camus (déjà) «sur la faim» dans les Balkans. Le malaise dans cette région aussi méditerranéenne n'est plus au «temps des cerises» mais à celui des «noyaux» (du poème de Jacques Prévert) et même — c'est nous qui le disons — de «La Faim» de Knut Hamsun. Il évoque aussi, surtout, de nombreux témoignages réels et dont les instances européennes, peu soucieuses de leurs problématiques, oublient ou ignorent sciemment les appels, les SOS de ces populations (dont on dit qu'elles sont acculturées) mais, pourtant, fières de leurs cultures propres, cultures d'origine, de leurs us et coutumes dans l'espace Schengen, et qui furent, dans le passé, un réel témoignage de civilisation. Jordan Plevnes cite Yves Boisset, à travers les ciné- films que personne, en Europe occidentale, n'a jamais vus et qui sont autant de fenêtres ouvertes sur tous les pays balkaniques. Ce témoignage aura beaucoup touché les participants à cette XXIIe session, Rencontres internationales autour du théâtre méditerranéen et de sa prise de conscience, en ces lieux, et des propos concernant l'écriture dramatugique qu'il faudra préserver et vulgariser dans le futur. Marche poétique sur l'eau, en 2013 Nous terminerons, à travers ce second volet, de parler de l'Odyssée 2013 qui va donc poursuivre ce projet fédérateur qui rassemblera, sur un bateau de guerre roumain, plus un bateau tunisien «Le Carthage», s'inscrivant, comme «une flottille de la paix et une marche poétique sur l'eau» (en Méditerranée, au mois de mai, cette fois) en rappel de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture. Cette Odyssée permettra d'aider à retrouver le vrai sens des valeurs humaines que le monde des illusions a fait perdre en route. Ce sera, aussi, l'occasion de créer des passerelles entre les peuples pour la priorité de la reconnaissance humaine, à travers l'art et la culture. Demain, nous parlerons des interventions tunisiennes, à travers cette réunion formidable du Réseau international du théâtre méditerranéen. (A suivre)