• La révision à la hausse continue des prix pratiqués et les taxations excessives dans les pays du nord de la Méditerranée offrent à la Tunisie une opportunité pour capter une part du marché mondial de la plaisance Si le port est parmi les projets peu rentables, on pourrait se demander tout bonnement pourquoi ils sont aussi répandus un peu partout dans la Méditerranée et ailleurs. Certes, ce point focal du tourisme de plaisance est un édifice de taille, très onéreux, mais qui a le mérite de développer autour de lui d'autres projets d'animation touristique, d'hôtellerie, d'artisanat, d'agences de voyage, mais aussi immobilier et de commerce, ou encore des projets culturels et autres. Donc, il s'agit d'un véritable trait d'union entre les attentes des touristes et les atouts des régions. Et c'est là où réside toute l'importance de ces projets d'envergure. Pour en savoir plus sur l'état des lieux et le potentiel de l'infrastructure portuaire de plaisance et des perspectives conséquentes du tourisme nautique, on a rencontré M Slaheddine Mzabi, ex-conseiller en tourisme nautique du ministre du Tourisme. Fort d'une longue expérience dans le secteur, il relève: «La plaisance constitue l'un des vecteurs de promotion et d'amélioration de la qualité de l'offre touristique de par le monde.». Pour ce qui est de la Tunisie, il rappelle que la position géographique, au cœur de la Méditerranée, et ses richesses naturelles et culturelles, trois fois millénaire, offrent à la Tunisie de larges potentialités dans le tourisme nautique. Parallèlement, la révision à la hausse continue des prix pratiqués et les taxations excessives dans les pays du nord de la Méditerranée, offrent à la Tunisie une opportunité pour capter une part du marché mondial de la plaisance. En effet, depuis les années 70, la Tunisie a enchaîné des plans et des programmes, à l'instar du port de Sidi Bou Saïd dans l'objectif de «développer une activité importante génératrice d'importantes recettes». D'ailleurs, «Le plaisancier dépense seize fois plus que le touriste ordinaire», martèle-t-il. C'est dans ce cadre qu'il a été décidé d'édifier le port d'El Kantaoui, de la Marina de Monastir ... Puis, des opérateurs privés ont manifesté leur intérêt pour d'autres projets, notamment la Marina de Yasmine Hammamet, Gammarth, Houmet Essouk, Bizerte... Mais ces quelques handicaps ont entravé le développement de l'infrastructure dans d'autres régions, notamment Tunis. «Le tirant d'air du pont de Radès- La Goulette est de seulement 20 mètres, ce qui ne permet pas aux grands voiliers de 30 mètres de haut d'accéder au port de Tunis», explique-t-il. Par ailleurs, chaque port nécessite une réserve foncière autour de lui pour permettre le développement d'activités annexes et rentabiliser le projet intégré. La difficulté d'octroi de ces terres est un handicap de taille qui dissuade tout investisseur. En Tunisie, les ports de plaisance offrent 2.100 anneaux dont les deux tiers sont occupés par des bateaux étrangers qui viennent hiverner en Tunisie. Connaisseur du dossier, il avance : «A l'heure actuelle, près de 2.250 anneaux sont en cours d'étude, et ce, par la création de nouveaux ports tels que Hoummet Essouk, Cap Gammarth, Bizerte (extension de 160 anneaux à 1.000,) Sfax (Chatt des Kerkeniens), etc. et la transformation dans un futur assez proche de certains ports de commerce en ports de plaisance tel que celui de Tunis ou celui de Sousse .» Ainsi, tout au long du littoral Tunisien, de 1.300 km, le plaisancier pourrait accoster aisément tous les 30 à 35 km. «Il aura le choix entre un port de pêche, ou un port de plaisance ou un port de commerce.», explique-t-il. En effet, les ports de pêche, plus nombreux, accueillent 2.300 bateaux de plaisance. Il convient de préciser, à cet effet, que le port de pêche de Beni Khiar accoste 200 bateaux de plaisance et seulement 65 bateaux de pêche. Ainsi, l'expert souligne qu'il est plus judicieux de reconvertir certains ports de pêche en port de plaisance que d'édifier de nouveaux. Ce qui permet de réduire les effets néfastes des ports sur l'écosystème. Même, si les édifices portuaires pourraient se construire sur les lagunes à côté des plages de façon à ne pas nuire aux courants marins naturels et garder ainsi l'équilibre de l'écosystème. La mise à niveau des ports de plaisance se fera aussi par l'intégration de ces ports dans le réseau Odyssea. «Ce qui leur permettrait de pouvoir être au diapason des autres ports méditerranéens.», souligne le conseiller. De nouveaux métiers et de nouvelles activités Les ports sont des projets générateurs d'activité. En effet, les propriétaires de voiliers et de yachts sont dotés d'un pouvoir d'achat étendu et d'où le port est un milieu propice au développement de toute activité touristique et commerciale. De l'avis du professionnel, un bateau fait appel à des voitures de location, à des excursions, à des milliers de dinars de ravitaillement, des milliers de litres de gasoil, d'entretien du bateau.... Sans oublier l'attraction créée par les ports pour les zones touristiques, les villes côtières et même les plus lointaines par le biais des excursions. Ce qui est de nature à promouvoir le tourisme culturel, santé, produits du terroir, agriculture, environnement,... Parallèlement, de nouvelles activités annexes à l'activité maritime se développeront autour des ports. Notamment les écoles de plongées sous-marines et de formation des skippers et des marins. Et, par leurs faibles coûts, ces activités sont largement compétitives. «L'heure de plongée sous-marine coûte dix fois moins cher qu'en France. En plus, les certificats délivrés sont reconnus», indique-t-il. En plus, d'après le professionnel, les plaisanciers venant du nord de la Méditerranée, trouvent des difficultés à traverser la mer. «Les plaisanciers européens ne sont pas en général des marins confirmés : certains dans le cadre des Régates font cette traversée», fait-il savoir. Pour bénéficier de cette tendance, d'après l'expert : «Les Tunisiens qui ont été toujours reconnus comme de grands marins, doivent renouer avec leur histoire». De même, toutes les activités d'entretien, de commercialisation et même de fabrication des composants des bateaux pourraient se développer avec sans se soucier de la concurrence des pays nordiques, relativement plus chers. Autre activité intéressante pour le site tunisien est la chartérisation des bateaux. D'ailleurs, des multinationales ont demandé d'abriter les bateaux des Caraïbes pendant la saison des ouragans dans les ports tunisiens. Le poids des formalités et des procédures Parmi les difficultés qui entravent le développement du secteur est que les ports évoluent sous les tutelles de trois ministères, à savoir le tourisme, le transport et l'agriculture. Ce qui se traduit pour les plaisanciers par une série interminable de documents et de questionnaires, parfois bidons, voire agassants. De même, une large assiette d'impôts, de droits de douanes, de consommation et de taxes excessifs, sont appliqués aux plaisanciers. «Pour l'acquisition d'un bateau de 10 mètres de long, on doit payer des impôts et des taxes qui s'élèvent à 276% de sa valeur», illustre-t-il. En plus, les formalités administratives et réglementaires sont aussi lourdes, longues et compliquées qu'elles ne rendent très difficiles l'entrée et la sortie des bateaux, ainsi que leur déplacement d'un port à l'autre à l'intérieur de la Tunisie... S'attardant sur la volonté politique il avance : «Le ministère du Tourisme a entamé la mise sur pied d'une réglementation spécifique pour le tourisme nautique, et ce, depuis 2003. Après avoir préparé, à l'image du code des ports de commerce et celui des ports de pêche, un code du tourisme nautique qui comprenait aussi bien la législation sur les ports de plaisance que celles qui concernaient les bases nautiques et les plages aménagées, le gouvernement avait décidé d'unifier les trois textes. En juillet 2009 est promulgué le code des ports maritimes. L'application de ce code pour les ports de plaisance a été effective en juillet 2011.».