Pour célébrer le 13 août, une initiative collective d'une ampleur inédite s'est mise en place. La société civile accompagnée par quelques partis politiques relevant du bloc démocrate s'apprête à fêter cette «grande date» pour la femme tunisienne. Mobilisation générale. Tout au long de cette semaine, sont organisés des événements multiples dans le pays. Un meeting au Palais des congrès à Tunis clôturera, le lundi 13 août au soir, cet événement. Une marche sur l'avenue Habib-Bourguiba était prévue. Celle-ci devait canaliser le rassemblement et le guider vers le Palais des congrès. A l'heure ou nous mettions sous presse, le ministère de l'Intérieur n'avait pas accordé aux organisateurs l'autorisation de défiler sur l'Avenue. Des démarches sont prévues. Cette initiative voulue festive et mobilisatrice à la fois est organisée autour du slogan «La femme tunisienne symbole de la République» et se dégage de toute obédience partisane. A ce titre, Mme Salwa Guiga, présidente de la coalition pour les femmes de Tunisie, estime que le point de ralliement de cet événement est «un projet de société commun». L'Ugtt y contribue à travers sa commission femmes. La Ligue des droits de l'Homme et d'autres organisations comme Amnesty International prendront part à l'événement également. «Le CSP, c'est la réalisation de toutes les idées qui ont fermenté depuis le XIXe siècle et Kheireddine» Du 6 au 13 août, des événements sont prévus sur l'ensemble du territoire. A Béja, Sousse, Monastir, Sfax, Gabès et Zarzis, en plus des actions prévues sur le Grand-Tunis. Au programme, des conférences et débats, des soirées culturelles. Le chant, la poésie, le cinéma ne sont pas en reste. Le soir du 13 août, des festivités et une programmation diversifiée agrémenteront la soirée du Palais des congrès ; à l'instar des expo photo, des spectacles, des spots audiovisuels. Seront appelées à témoigner des femmes célèbres qui ont lutté pour le droit des femmes dans tous les domaines. La présidente pour la coalition, Mme Guiga, précise à La Presse que le réseau initiateur de l'événement compte une soixantaine d'associations parmi lesquelles Kolna Tounès, Doustourna, Atide. Des associations visibles sur la scène, précise-t-elle. Pour ajouter que le 13 août représente le moment le plus fort dans l'époque contemporaine, puisque c'est la date de la promulgation du Code du statut personnel. «Pour nous, le CSP c'est la réalisation de toutes les idées qui ont fermenté depuis le XIXe siècle et Kheireddine», estime-t-elle. «Femme, unificatrice des partis politiques éparpillés» Sawsen Bellaj, vice-présidente de cette coalition, représentante de l'association Tounès Amanati, considère que dans cette manifestation la femme a joué le rôle de rassembleur, d'unificateur des partis politiques éparpillés. «Nous invitons les partis politiques avec qui nous avons la même vision et non pas les autres. Nous ne sommes partisans d'aucun parti mais nous sommes avec le bloc démocratique». Il faut savoir à ce titre que Ennahdha et le CPR n'ont pas été invités. Quelques constituantes d'Ettakatol se sont impliquées à titre personnel. Il faut célébrer cette date symbolique, nous déclare-t-elle, et de rappeler que la femme tunisienne, depuis 50 ans, jouit d'un statut privilégié qui fait d'elle l'avant-garde de toutes les femmes du monde arabe. «Mais avec ce qui arrive, nous n'avons pas le cœur à la fête. Nous visons la sensibilisation de la femme beaucoup plus que la célébration», conclut-elle gravement. Mme Samia Abbou: «Les lois promulguées par Bourguiba, Allah yarhmou, sont irréversibles» Invitée à se prononcer sur l'événement, Samia Abbou avoue qu'elle n'a pas entendu parler de cet événement et explique sa position sur la situation de la femme à La Presse. «Sous Ben Ali, se souvient-elle, chaque 13 août, je faisais une grève de la faim d'un jour pour protester contre la situation de la femme tunisienne». Et pour cause, la constituante CPR considérait que la Tunisienne servait de prétexte pour vendre une image du pays, «alors qu'en réalité, elle était martyrisée par l'Etat, Radhia Nasraoui, Sihem Ben Sedrine, Om Zied et bien d'autres en sont des exemples», argumente-t-elle. «Les femmes étaient maltraitées de façon bien plus forte que l'homme». Sous Ben Ali, ajoute-t-elle, « la femme correspondait à un gros mensonge». Et rappelle que le voile était retiré de force. «Je ne suis pas voilée, mais je condamne ces pratiques». A présent, selon la constituante, la femme doit vivre sans subir aucune discrimination, la tête haute, respectée et productive. Elle a le droit d'exercer la politique, peut se présenter à la présidentielle, ou devenir chef de gouvernement. Mais c'est à la femme de s'imposer, nuance-t-elle. «Avant, les femmes étaient victimes de pratiques abusives lorsqu'elles agissaient, à présent, la femme doit s'imposer et se faire respecter en ne se limitant pas de crier des slogans». Mme Abbou considère que la Tunisienne a des droits qui préservent ses acquis et aucune discrimination n'est mise en pratique entre la femme et l'homme. «La polygamie est abolie, et le divorce passe par le tribunal». Qu'est-ce qui reste, demande-t-elle ? C'est l'exercice(Moumarassa) de ces droits. On prend pour exemple la violence pratiquée à l'encontre des femmes, elle est interdite par la loi, et pourtant les femmes subissent la violence. «Parce que je le veux» Au gré de l'entretien, Samia Abbou fait référence à son parcours propre. Celui d'une femme qui passe son Bac à 35 ans, avec trois enfants à charge, qui fait ses études universitaires de droit, passe son master et accède au barreau. Son mari, Mohamed Abbou, opposant à l'époque, avait été emprisonné. Elle est active dans des associations et fait de la politique. «J'ai fait tout ça, parce que je le veux», insiste-t-elle. Selon Maître Abbou, l'espace juridique permet à la femme tunisienne de se réaliser. Le problème, c'est la volonté de la femme de s'imposer sans attendre une reconnaissance de l'homme. «Mais si avec la pratique une loi s'oppose à sa progression, à ce moment-là il faut combattre cette loi ». Pour ce qui est de la commémoration de la date du 13 août, notre interlocutrice reconnaît explicitement l'héritage de Bourguiba : «Allah Yarhamou Bourguiba pour ce qu'il a fait, parce que sans ces lois, on ne peut rien». Quant à la polémique en cours concernant l'égalité homme /femme prônée par certains constituants et la complémentarité défendue par d'autres, elle précise que l'article ne dit pas que la femme est complémentaire de l'homme, mais leurs rôles sont complémentaires. Mais je tiens à dire, ajoute-t-elle, que la femme n'est pas l'accessoire de l'homme. Pour enchainer que tous les constituants, y compris le mouvement Ennahdha, sont en faveur de la préservation des acquis de la femme. Et «je rassure tout le monde, dit-elle, il n'y aura aucun retour en arrière. La femme dans la constitution sera privilégiée et ne sera pas touchée d'un pouce, au contraire», conclut-elle confiante. Des paroles rassurantes et positives de la part d'un témoin agissant de l'intérieur des partis au pouvoir. Beaucoup de Tunisiennes croiseront les doigts, espéreront en priant Dieu en ces jours de spiritualité intense pour que ce soit vrai, tout en continuant le combat ! Ennahdha affirme l'égalité citoyenne et l'égalité homme-femme Le parti Ennahdha vient de mettre en ligne sur son site un communiqué dans lequel son président Rached Ghannouchi souligne l'égalité citoyenne et l'égalité homme-femme. Dans le domaine de la famille, explique-t-il, ce principe d'égalité impose celui de complémentarité entre les deux sexes, plutôt qu'une opposition entre eux. Le chef d'Ennahdha répond ici aux critiques adressées à l'article 28 de la future constitution, voté en commission et qui mettait en avant la complémentarité plutôt que l'égalité. Selon les députés présents lors du vote et ceux qui ont pris part aux discussions, la suspicion est née non pas de la formulation, mais du débat qui s'en est suivi. Les députés Ennahdha refusant tout amendement supprimant le terme «complémentarité» et ajoutant le terme «égalité». H.H.