Après une absence notable durant l'été, les composantes de la société civile reprennent le chemin de l'ANC pour protester et réclamer des rectifications dans certains projets de loi relatifs aux libertés et aux institutions supérieures judiciaire, électorale et médiatique A l'initiative d'un bon nombre de partis politiques, de réseaux sociaux et d'associations, plusieurs centaines de militants et activistes de la société civile ont organisé, hier, un rassemblement devant l'Assemblée nationale constituante, et ce, de 13h à 16h. Y ont participé notamment des adhérents et responsables du Parti socialiste de gauche, du Parti des ouvriers communistes de Tunisie, des Patriotes démocrtates unifiés, du Parti républicain, Albaâth, Almassar ou la Voie démocratique et sociale, du Parti du travail patriotique démocratique, ainsi que des membres de réseaux à l'instar de Mouwatana et Tawassol, Doustourna et Kollouna Tounès. Aussi, ont pris part à cette manifestation des chômeurs diplômés du supérieur. Les slogans concernaient, entre autres, les restrictions des libertés, la compensation aléatoire, la violence contre la femme, mais aussi la réclamation de l'indépendance de l'instance provisoire de l'ordre judiciaire ainsi que de l'instance supérieure indépendante pour les élections et le respect des acquis et des droits de la femme, l'équité entre la femme et l'homme, et en faveur du travail syndical. La foule a scandé : «L'équité dans les droits et la vie», «ô femme, fais la révolution et réclame tes droits dans la Constitution» et d'autres slogans dont ceux qui critiquent le travail du gouvernement et d'autres qui réclament que certains droits soient inscrits dans la Constitution. Sur des dizaines de pancartes, on lisait : « Le droit syndical est un droit constitutionnel, pas de place ni au doute ni à la discussion», «Parfaites, et non complémentaires!», «Ensemble pour l'égalité», «Non à la violence imposée à la femme», «ô gouvernement, c'est la honte, les prix flambent !», «Pas de compensations avant une réelle justice transitionnelle», «Les chômeurs sont prioritaires», etc. Equité et égalité «Cet appel au rassemblement a été lancé pour protester, d'une part, contre les événements survenus dernièrement à travers le pays et, d'autre part, pour dénoncer les tentatives de mainmise du parti Ennahdha sur les instances judiciaire, électorale, médiatique et autres, alors que nous sommes dans une étape de transition et de construction. Soit on construit sur des bases solides, soit tout devra être refait», a remarqué Lobna, maîtrisarde en langue arabe au chômage. Selon elle, les critères établis pour les derniers concours des instituteurs et professeurs du secondaire ne sont pas équitables et favorisent une vieille génération aux dépens des autres. De son côté, Fatiha Saïdi, membre des bureaux politique et exécutif de la Voie démocratique et sociale, a affirmé que ce rassemblement de protestation vient suite à plusieurs agressions contre les syndicalistes à Sfax, à Sidi Bouzid, au Kef et à Kairouan. «En même temps, il y a ce débat sur l'indépendance de l'instance supérieure pour les élections ainsi que l'article 28 portant sur les droits et libertés de la femme», a-t-elle indiqué. Et d'ajouter : «Ce dernier comprend une régression par rapport à ce que la femme avait réalisé auparavant. C'est qu'il consacre le rôle productif de la femme et lui élimine les rôles social et productif. C'est une aberration car il traite la femme comme une citoyenne de second degré. Nous appelons à ce que cette loi soit changée une fois pour toutes pour qu'il y ait une égalité et une équité entre la femme et l'homme». Selon Fathia, il faudra constitutionnaliser les droits de la femme pour qu'elle ait une citoyenneté entière. Une vigilance nécessaire Pour le doyen de la faculté des Sciences juridiques de l'Ariana, Fadhel Moussa, la présence des composantes de la société civile est un facteur de bonne santé. «Les manifestations sont importantes pour que l'Assemblée nationale constituante refasse ses calculs. La rue est un contrepoids et un relais pour l'opposition. Concernant la Constitution, une première lecture démontre que certaines libertés et certains droits ont été rédigés de manière à permettre une multitude d'interprétations. Il faudra la relire attentivement avant de la juger. La présence du tribunal constitutionnel reste une garantie contre tout genre de dépassement», a-t-il enchaîné. Sur l'eslanade de la place du Bardo Centre, vers 15h, nous avons aussi rencontré des constituants dont Iyed Dahmani. «Je suis sorti pour écouter les doléances des gens et transmettre leurs réclamations à l'ANC. C'est toute la frange démocrate qui est sortie rencontrer les manifestants. La société civile va jouer un rôle important dans la rédaction de la Constitution lors de la prochaine étape. Cette vigilance de la part de la société civile est décisive quant à la préservation des lignes rouges concernant les libertés et les droits, notamment à la lumière de ce qui se passe ces derniers jours dans diverses régions du pays dont Sidi Bouzid», a-t-il conclu.