Il fallait bien deux rêveurs pour concevoir et réaliser un projet aussi fou que «Dream City». Il fallait aussi de l'endurance et une longue haleine pour croire en une entreprise peu évidente que celle d'occuper, par le biais du ludique et de l'artistique, l'espace public à deux reprises sous l'ancien régime. Salma et Sofiène Ouissi ont des rêves plein la tête. Des rêves qu'ils poursuivent sans lâcher prise. Ils ont appris à affronter les difficultés et à toujours placer la barre plus haut. Et voilà que « Dream City » souffle déjà sa troisième bougie, cette biennale des expressions artistiques les plus folles aura lieu cette année du 26 au 30 septembre dans la Médina de Tunis et du 5 au 7 octobre dans celle de Sfax. En quoi consiste concrètement Dream City ? C'est une question que ceux qui n'ont pas assisté aux éditons précédentes devraient certainement se poser. Au fait, Dream City est un évènement qui convoque toutes les formes d'art, une quarantaine de propositions artistiques contemporaines sont appelées à envahir les espaces publics de Tunis et de Sfax : arts vivants, arts visuels, littérature, musique, arts numériques, performances... De fastes journées d'animation urbaine avec 25 projets tunisiens et 15 projets étrangers. Durant ces huit jours, le public est invité à explorer les quatre parcours de Dream City qui conduisent les visiteurs d'un lieu à un autre, d'une œuvre à une autre, au fil du cœur labyrinthique de la ville. Des points d'information et de vente sont proposés à plusieurs endroits-clés de la médina. C'est là que les visiteurs viennent acheter les bracelets correspondant aux divers parcours. Libre à chacun de déambuler à son rythme, de visiter dans tel ou tel ordre, les performances se rejouant à intervalles réguliers sur toute la durée de la manifestation. Le show a déjà commencé depuis la conférence de presse qui s'est tenue avant-hier à Dar Bach Hamba dans la Médina, sous une forme insolite. L'équipe de Dream City a choisi de faire déambuler les journalistes présents à travers la Médina, dans des tricycles jaunes portant la marque des « rêveurs ». Ils ont déambulé dans les ruelles sur le rythme d'une fanfare... Dream City est déjà en route et les artistes s'apprêtent à occuper la ville ancienne. Mais derrière cette manifestation qui pourrait être qualifiée d'animation culturelle, il y a toute une réflexion derrière qui habite Salma et Sofiène et qui motive leur action. Comment amener la ville de Tunis en perpétuelle transformation à devenir un espace ouvert à des expérimentations artistiques et culturelles ? Comment susciter le développement de nouvelles formes de citoyenneté et de réappropriation de l'espace public dans notre pays en (re)construction ? Comment sensibiliser le politique, l'Etat, à la présence de la communauté culturelle et quelles formes d'échanges dynamiques sont à inventer entre ces deux mondes ? C'est à ces questionnements que Dream City, itinéraires d'art contemporain en espace public, tente de répondre et c'est le combat qu'ils mènent depuis 2007 pour rêver et se réapproprier la médina de Tunis. « L'artiste face aux libertés » est le thème de cette troisième édition, ouverte également à des créateurs d'Afrique et d'Asie centrale. Après Tunis, Dream City 2012 vous transportera à Sfax, au cœur d'une ville industrielle à l'âme singulière. Nous donnons rendez-vous à tous les curieux d'ici ou d'ailleurs, à tous ceux qui inventent de nouvelles manières de vivre en commun. Soyons certains que l'action conjuguée des artistes et des citoyens saura révéler autrement notre nouvelle condition politique, en faire surgir les potentialités enfouies, d'étranges poésies et de nouveaux possibles. S'active alors le désir de voir toute la ville ensemencée de propositions artistiques loin des espaces d'art conventionnés et conventionnels pour donner à vivre l'art contemporain à tous. Un lieu, de par sa richesse patrimoniale, sa structure architecturale et son histoire porteuse de mémoire collective, est choisi : la médina de Tunis. S'impose ensuite le désir profond de l'autre, du collectif et du partage afin que cette manifestation ne soit pas le reflet d'un seul point de vue. Les artistes tunisiens esseulés et épuisés ont trouvé en cette proposition un souffle, une respiration pour activer d'autres territoires artistiques et enrichir leurs pratiques», expliquent Sofiène et Salma. Pour cette troisième édition de « Dream City », il y a du nouveau. Outre la grande exposition photographique à ciel ouvert qui jalonne déjà les rues des deux villes sur le thème «Libres corps en espace public», une invitation spéciale à 4 photographes venus de Tunisie, de Chine, d'Iran et de République Démocratique du Congo, un espace de débat sera mis en place : Le Dream Café animé par Fatma Zaïri et Pascal Le Brun-Cordier. il s'agit de rencontres informelles dans un lieu convivial où le public est invité à venir débattre des œuvres vues et vécues, à faire part de ses impressions, critiques et coups de cœur. Autre nouveauté : Le Ciné Dream qui est une carte blanche à Tahar Chikhaoui — critique de cinéma —qui a choisi de mettre à l'honneur le jeune cinéma tunisien avec ses nouvelles formes et ses nouvelles expressions. La troisième nouveauté est « Change ta classe » qui est un projet de transformation d'une salle de classe dans deux écoles de quartiers populaires. Des salles de classe qu'on transformera en espaces collectifs consacrés aux arts et aux expressions artistiques. Autour de Dream City, plusieurs artistes tunisiens s'activent, créent et produisent, laissent libre cours à leur créativité et se libèrent des espaces privés. Ils se réinventent par rapport à un espace, à un contexte socioculturel, et envahissent l'espace public à la rencontre des gens, des badauds, des curieux et des amateurs et des hostiles, affirmant leur condition d'artistes et leur statut de créateurs. Donc, préparez-vous, la ville se livre aux artistes et ceux qui les aiment.