Après un an de réflexion, d'hésitation et de prospection, la rencontre a, enfin, eu lieu à Tunis, ce 24 novembre 2012: le 1er congrès du Centre maghrébin pour le développement, un forum d'hommes d'affaires, d'universitaires et d'intellectuels ressortissants des pays du Maghreb vivant pour la plupart en Europe et aux USA. Les instigateurs, un couple tuniso-libyen, Houda Zaatout, fille d'une famille libyenne réfugiée aux Etats-Unis d'Amérique depuis plusieurs décennies, biologiste de formation, diplômée de l'Université de Virginie, et Mabrouk Bou Daggua, avocat tunisien, conseiller juridique pour une université aux Emirats Arabes Unis, où il a rencontré et épousé Houda. Le noyau dur de cette initiative compte trois autres personnes: un anthropologue tunisien, M. Mohamed Jouili, un intellectuel algérien, travaillant à l'Institut du Monde Arabe à Paris, et le père de Houda, l'homme d'affaires Raja Mabrouk Salah Zaatout, le premier fondateur de ce Centre maghrébin pour le développement, dont le siège se trouve à Dallas (USA). Jadis riche homme d'affaires et investisseur en Libye, M. Zaatout a dû quitter son pays natal et s'enfuir vers les Etats-Unis d'Amérique quand Kaddafi eut confisqué tous ses biens. Après l'avènement du printemps arabe, il est retourné en Libye, a récupéré une partie de ses biens et créé un parti politique (parti de la nouvelle Libye). «Il a, également, pris la décision d'investir dans un projet qui favorise la création d'opportunités de développement dans les pays du Maghreb et contribue à l'enracinement des bases de l'intégration et de l'unité maghrébines», explique sa fille Houda. L'idée est partagée par ses cofondateurs et intéresse des intellectuels et des hommes d'affaires maghrébins, vivant en Europe et aux Etats-Unis, qui ont eu vent du projet. «Ils sont tous convaincus qu'il faut fructifier ces révolutions, qu'il est temps de construire un avenir, autre et meilleur, pour les peuples de la région où est né le printemps arabe et qu'il faut, pour cela, rassembler les compétences et les forces créatrices de richesses et de projets pour faire avancer le grand projet de l'UMA», indique M. Bou Daggua. L'intégration maghrébine par le bas Le Centre maghrébin pour le développement est né. Un think tank qui se propose de rassembler, dans un même espace, des compétences maghrébines, éparpillées entre les USA et les pays d'Europe, de leur donner l'occasion de créer des synergies entre elles et de constituer une force de propositions pour les décideurs politiques maghrébins. Car la conviction est là: l'Union du Maghreb Arabe est une force politique, économique et culturelle, en ce sens que dans l'union des compétences et des capacités des pays maghrébins se trouvent la force et l'immunité de leurs peuples. Pourront-ils réussir là où les politiques ont échoué ? «Pourquoi pas», avance Mabrouk Bou Daggua. «Nous sommes différents des responsables politiques parce que nous sommes apolitiques et nos actions n'obéissent pas aux lourdes procédures administratives. Notre objectif, dans le cadre du centre, consiste à encourager la réalisation de projets ciblés, bien ficelés et surtout réalisables, et à construire des amitiés et des ponts de communication entre les Maghrébins vivant à l'étranger et qui veulent faire bénéficier leurs compatriotes de leurs compétences et des moyens dont ils disposent», ajoute-t-il. La rencontre de Tunis a enregistré la participation de 250 investisseurs, hommes d'affaires et intellectuels des cinq pays maghrébins, faisant partie de la diaspora maghrébine à l'étranger. «Ils sont venus avec la volonté d'agir, ils ont présenté des idées de projets intéressants et réalisables et ont proposé leurs compétences, leurs savoir-faire et leurs expériences», précise à son tour Houda. Une volonté doublée d'une impatience de passer à l'acte et de concrétiser au plus vite les promesses. Les participants ne se sont pas contentés, en effet, d'un rendez-vous annuel dans le cadre des activités du Centre et ont opté pour une deuxième réunion en Libye, cette fois, au mois de février 2013. L'Union du Maghreb Arabe est en panne. Ni les nombreux accords d'échange et de coopération, ni les discours politiques prometteurs, prônant la régularisation des différends et le bannissement de toutes les formes de barrières, ni la mobilité populaire de plus en plus grande, n'ont pu à ce jour sortir cette vieille machine de sa léthargie. Pourtant, beaucoup y croient encore et espèrent que l'épave renaîtra de ses cendres et se remettra en marche. Ce sont les révolutions arabes qui ont fait naître l'espoir et libéré les énergies. Alors, qui sait ? Peut-être que l'intégration et l'unité maghrébines se feront par le bas. Et le politique suivra.