C'est sur fond de tension sociale palpable ces derniers jours que l'Union des diplômés de l'enseignement supérieur chômeurs a organisé, hier, un mouvement contestataire dans un grand nombre de bureaux d'emploi à travers le pays. Plusieurs jeunes diplômés désapprouvent l'action gouvernementale du ministre de l'Emploi, Abdelawaheb Maâtar, qui n'a pas réussi à endiguer la hausse constante du chômage dans le pays, malgré quelques mesures conjoncturelles prises par le gouvernement à l'instar de la campagne organisée récemment afin d'associer les jeunes chômeurs à la cueillette d'olives pour leur permettre de gagner un peu d'argent. Poussés par le ras-le-bol, des jeunes se sont réunis devant le bureau d'emploi et du travail indépendant situé à la rue Hasdrubal avec pour seul mot d'ordre: la démission du ministre. D'ordinaire calme, le bureau a été assailli par des jeunes brandissant des pancartes et scandant des slogans hostiles au ministre : «Il faut créer des emplois ou dégager», «un ministre qui n'arrive pas à créer des postes d'emploi doit démissionner», crie, à tue-tête, une jeune manifestante au chômage. Adossée à une colonne, Emna Mrad, une jeune membre de l'UDC, écoute attentivement le discours du chef de file de l'association et approuve de la tête les propositions de l'organisation, à savoir l'appel à la démission du ministre de l'Emploi qui a échoué à trouver des solutions au problème du chômage, la création d'une allocation mensuelle pour les chômeurs et l'institution d'un comité national indépendant pour le contrôle des opérations de recrutement. «Ce ministre fait de la surenchère, a observé la jeune femme, diplômée de la faculté des Sciences juridiques et économiques de Tunis. Au lieu d'ouvrir la voie au dialogue et de trouver des solutions à moyen et à long terme pour résoudre le problème du chômage, il a préféré plutôt exercer un chantage sur les jeunes diplômés en leur proposant de participer à la cueillette des olives sans quoi ils n'obtiendraient pas d'emploi. Je trouve cela aberrant». Détenteur d'une maîtrise en philosophie, Ahmed Sassi, membre du bureau de l'Organisation, porte un jugement sans appel sur le rendement du ministère de l'Emploi qui n'a pas, selon lui, déployé suffisamment d'efforts pour trouver un traitement de fond au problème du chômage. Le jeune homme sans emploi depuis plus de deux ans s'interroge sur la gestion de l'argent, soit près de dix millions de dinars, qui ont été alloués par le ministère, selon l'UDC, à une association afin de mettre en place des programmes destinés à la création de postes pour les jeunes diplômés sans emploi. «Où est passé tout cet argent ? A quoi a servi cette somme ?C'est la question que se pose un grand nombre de diplômés au chômage. Nous reprochons au ministère d'avoir remis cette somme aux mains d'une association qui n'a pas su gérer efficacement ce fonds. Je n'ai entendu parler d'aucun programme financé par ce fonds pour aider à la création de postes d'emploi ou de projets pour les jeunes chômeurs comme moi. C'est pour cette raison que nous demandons qu'une enquête soit ouverte pour gaspillage et dilapidation des deniers publics car nous ne savons pas à quoi a servi cet argent». Participant au mouvement de contestation, Riadh, jeune chômeur originaire de Tozeur, reproche, par ailleurs, l'absence de transparence qui entache les opérations de recrutement et qui ont permis à des diplômés travaillant dans le secteur privé, d'être recrutés dans la Fonction publique. Des accusations qui ont été rejetées en bloc du côté du ministère de l'Emploi qui parle «d'affabulation et d'accusations graves et sans preuve». Chargé de mission auprès du ministère, M. Naoufel Jammali a tenu a apporter des précisions, à ce propos : «Les concours de recrutement sont organisés par l'ensemble des ministères publics. Or le ministère de l'Emploi n'a pas de droit de regard sur les concours qui se déroulent dans les autres administrations publiques. Nous n'avons aucune responsabilité dans les dépassements qui ont pu être observés lors du recrutement de diplômés de l'enseignement supérieur dans la fonction publique car nous n'avons rien à voir dans les opérations de recrutement qui se déroulent dans les autres ministères et administrations. Par ailleurs, nous avons mis à la disposition de tout le monde un site en ligne afin de recueillir les doléances de toute personne désirant nous informer sur les dépassements qui ont pu avoir lieu au cours des opérations de recrutement. En outre, l'Union des diplômés du supérieur au chômage nous reprochent d'avoir fermé la porte au dialogue. Au contraire, nous les avons invités à maintes reprises à engager un dialogue avec le ministère afin de trouver une solution à leurs problèmes mais ils ont refusé toute tentative de discussion. Enfin, il faut savoir que le ministère n'est pas habilité à donner de l'argent à des associations. On ne dispose pas comme on veut des deniers publics dont la gestion est soumise à un contrôle rigoureux».