Chômeurs depuis des années, ils sont nombreux à avoir perdu tout espoir de trouver un jour un emploi. La désillusion est au rendez-vous pour ces jeunes au chômage qui n'attendent plus grand-chose des politiques et des programmes mis en place par le gouvernement pour promouvoir l'emploi des jeunes. La dernière mesure adoptée par le gouvernement, visant à associer des chômeurs à la cueillette d'olives, avait soulevé un tollé auprès de jeunes diplômés au chômage qui ont refusé clair et net cette alternative, envisagée comme une solution provisoire au problème du chômage. «Je n'ai pas fait des études supérieures de longue haleine pour finir par cueillir des olives», note Maroua, une jeune diplômée au chômage, détentrice d'une maîtrise en finances, obtenue en 2007 et rencontrée dans le bureau de l'emploi et du travail indépendant de Bab Bhar. Offres d'emploi en ligne Près de la porte, deux jeunes s'attardent devant les annonces de concours organisés par deux ministères pour recruter des diplômés à des postes de directeur des ressources humaines, gestionnaire, comptable..... Mais le nombre de places reste très limité et l'offre est bien inférieure à la demande, ce qui ôte tout espoir aux diplômés d'être recrutés. «Pour pourvoir aux postes vacants, les ministères recrutent un nombre très réduit de diplômés de l'enseignement supérieur. Ce nombre ne dépasse parfois pas une dizaine de personnes. Or, lorsque de tels concours sont organisés, des centaines, voire des milliers de diplômés, déposent leur dossier et passent le concours, ce qui réduit les chances de chacun d'être recruté. Il n'y a pratiquement aucun espoir d'être retenu», observe une jeune demandeuse d'emploi. D'autres annonces sont également placardées sur le mur. La plupart proviennent d'associations qui recherchent des jeunes s'intéressant à la vie associative, en échange d'un salaire modeste de deux cents dinars. Des cabinets médicaux, des cabinets d'avocats, des sociétés ont également recours à ce bureau d'emploi pour recruter secrétaires, réceptionnistes, ouvriers.... Comme cette annonce provenant d'une société d'entreprise générale qui cherche 150 ouvriers pour entreprendre des travaux de bâtiment. «J'ai déjà tenté ma chance avec ce type de société, raconte Houcem, un jeune ingénieur originaire de Béja au chômage. On perçoit un salaire de misère. Cela ne suffit même pas pour payer le loyer à la fin du mois. C'est juste une solution provisoire, mais cela ne résout pas le problème du chômage». Des jeunes fixent, éberlués, l'annonce d'une mesure ministérielle qui propose aux jeunes diplômés de renoncer à la fonction publique en contrepartie d'un montant de cinq mille dinars qui servirait à les aider à monter un projet. «Ils se moquent de nous», lance un jeune homme, le sourire narquois aux lèvres. Dans ce même bureau, Abdelssalem, un retraité d'une soixantaine d'années, consulte le site d'emploi en ligne de l'Aneti afin de repérer les offres qui pourraient intéresser sa fille au chômage depuis cinq ans. «Ma fille a renoncé à venir d'elle-même, car elle a perdu espoir de trouver un emploi qui lui permettrait de gagner sa vie décemment. Elle a déposé plusieurs demandes dans des sociétés pour le poste de secrétaire. Son dossier n'a pas été retenu. Je suis retraité, j'ai un salaire modeste et j'ai deux enfants, à charge, au chômage». Agé de 27 ans, diplômé d'une école hôtelière, Maher fait défiler machinalement les annonces, sans espoir de trouver un emploi qui correspond à ses compétences. Le jeune homme a frappé à toutes les portes. Mais, peine perdue. Il a fini par accumuler les petits boulots pour subvenir à ses besoins. «J'ai fait des études supérieures nourrissant l'espoir un jour de trouver un emploi grâce à mon diplôme. Cela fait cinq ans que je cherche un emploi. J'ai fini par déchanter et par comprendre qu'un diplôme ne me permettra jamais de trouver un travail. Actuellement, je travaille dans le secteur de la vente des voitures, comme intermédiaire. Je perçois une commission sur chaque voiture, vendue en attendant de monter un projet ou de trouver un emploi stable». Assise dans un coin, Sameh, technicienne supérieure en technique juridique, diplômée de l'Iset de Charguia a pris un numéro et attend son tour pour s'entretenir avec un des conseillers du bureau qui consultent les CV des demandeurs d'emploi et qui entreprennent eux-mêmes la recherche d'offres d'emploi afin de repérer celles qui seraient compatibles avec leur formation et leurs compétences. Filières et spécialités méconnues Chômeuse depuis 2005, cette jeune femme a frappé à toutes les portes, mais s'est heurtée à un obstacle sérieux : celui de la méconnaissance des diplômes et des spécialités par les sociétés auprès desquelles elle a déposé sa candidature et qui lui a valu d'être refusée après chaque entretien. «A chaque fois que je me présente à un entretien et que je leur parle de ma spécialité, on me regarde avec étonnement. Beaucoup de responsables et de chefs d'entreprise m'ont dit qu'ils n'en avaient jamais entendu parler. Nous sommes beaucoup à nous trouver dans la même situation». La recherche stérile d'emploi est en butte à un problème majeur qui puise ses racines dans les mauvais choix réalisés sous l'ancien régime . Afin de faire face à l'augmentation du nombre de diplômés du baccalauréat qui choisissent pour la majorité le cycle long, le ministère de l'Enseignement supérieur a créé plusieurs nouvelles filières sans réfléchir ni aux perspectives d'emploi qu'elles peuvent offrir ni à leur adaptation aux spécificités régionales. L'absence d'une synergie entre les deux ministères qui ne se sont pas concertés par le passé sur les alternatives à envisager pour favoriser l'insertion des jeunes sur le marché de l'emploi donne aujourd'hui à réfléchir. Plusieurs jeunes se sont orientés vers des spécialités créées juste pour absorber le plus grand nombre de diplômés de l'enseignement supérieur, alors qu'elles n'offrent aucun débouché. Après avoir obtenu leur diplôme, ils sont venus gonfler le cercle de ceux restés sans emploi pendant des années, conséquence d'une politique de l'enseignement supérieur défaillante. Nous avons contacté le ministère de l'Emploi afin de savoir quelles sont les possibilités qui pourraient être envisagées pour sortir ces jeunes de l'impasse. Nous n'avons obtenu aucune réponse.