Chacun rejette la responsabilité sur l'autre Le ministre de l'Education : «Le triomphalisme du syndicat est mal placé» En principe, ce sont plus de 70.000 enseignants du 1er cycle de l'enseignement de base et secondaire, ainsi que plus de 2.500 professeurs d'éducation physique qui sont entrés en grève depuis hier. Cette grève de deux jours — 22 et 23 janvier — a été décrétée par le syndicat général de l'enseignement secondaire suite à ce qu'il considère comme un échec des négociations avec le ministère de l'Education et celui de la Jeunesse et des Sports. D'un autre côté, c'est 922.000 élèves qui sont obligés de rester chez eux. Le ministère a exprimé ses regrets quant à l'issue des négociations, et estime que la responsabilité de ce qui se passe ne doit pas être portée par une partie plus qu'une autre. La réussite de la grève «dépasse les espérances», selon les syndicats, et montre l'adhésion des enseignants aux thèses défendues par leurs structures syndicales. Les taux enregistrés dépasseraient ceux de la grève du 22 novembre dernier. Au cours de cette grève, faut-il le rappeler, on avait enregistré un taux supérieur à 90 %. La réussite d'une grève ne devrait pas être un motif de fierté ou de triomphalisme, selon le ministre de l'Education. Il y a, il est vrai, des enseignants qui ont tenu à assurer des cours dans certains établissements. Ce sont essentiellement des professeurs de classes terminales qui en ont informé leurs délégués syndicaux. Mais il s'agit d'un petit nombre sans signification. D'ailleurs, tous ces responsables tiennent à rassurer les parents quant à l'achèvement des programmes : des professeurs volontaires seraient prêts à donner des heures supplémentaires pour rattraper d'éventuels retards. La tension était visible, hier matin, au cours des discussions sur les moyens à utiliser en vue de poursuivre le mouvement de revendications dans la période à venir. A cet effet, des décisions déterminantes seraient prises au cours de la réunion de la commission administrative qui se tiendra dimanche prochain. Des mesures comme la grève administrative ne sont pas écartées. En clair, cela signifie la non remise des notes à l'administration, la non surveillance des examens, le boycott des réunions et des conseils, etc. Ce sont les deux ministères qui porteraient la responsabilité de cette impasse. Car, il aurait fallu que chacun de ces départements applique les accords conclus avec les parties syndicales pour que cette grève n'ait pas lieu. Or, aujourd'hui, les syndicalistes sentent qu'il y a une escalade, notamment avec l'absence de dialogue et l'annonce, par le ministre de l'Education, que la tutelle se verrait dans l'obligation d'opérer des retenues sur salaire pour les grévistes. Exactement le même scénario que pour les instituteurs grévistes en mai 2012. Dans ce cas, il y aurait prélèvement de trois jours car il ne faudrait pas oublier que le 24 janvier est un jour férié (Mouled) et qu'il serait comptabilisé. De plus, certains enseignants dont le 25 est un jour de repos se verraient privés du salaire d'une journée supplémentaire. Un autre fait divers risque d'aggraver encore plus la situation. Il s'agit de ce qui se serait passé dans le lycée sportif d'El Menzah, où un policier en civil se serait présenté et aurait exigé du directeur la liste des enseignants grévistes. Devant le refus, cet agent aurait lancé des menaces avant de quitter l'établissement. Son supérieur serait arrivé, plus tard, pour présenter des excuses. C'est ce qui aurait exaspéré les enseignants présents qui vont décider de la suite à donner à cet incident. Cela risque d'envenimer, davantage, le climat futur des prochaines négociations et ajouter un nouveau motif de colère. Cela renforcerait l'idée qui est devenue un leitmotiv dans la bouche des responsables syndicaux : la «clochardisation» — tachlik — du secteur. Il est nécessaire d'améliorer réellement la situation matérielle et morale de ce secteur. Et il serait illogique d'avancer l'argument selon lequel le nombre d'agents est un obstacle à l'augmentation des salaires parce qu'il coûterait cher à l'Etat. Selon le ministre, il y aurait 80.000 enseignants (il faut compter, en effet, les professeurs détachés dans les différentes administrations qui ne font pas grève mais qui bénéficieront des mêmes avantages que leurs collègues qui exercent sur le terrain). La détérioration de la situation de ce corps de métier serait inconcevable et les pertes à long terme sont certaines. C'est la formation des générations qui en souffrira. A un certain moment, les syndicats avaient appelé à une homologation avec les magistrats, mais aucun département n'avait suivi. Aujourd'hui, on se tourne vers une approche comme celle adoptée dans l'enseignement supérieur. Pour le moment, les problèmes qui restent en suspens sont un peu délicats. Ils demandent une attention particulière et un engagement sincère de toutes les parties. Il est impératif qu'il y ait de vraies négociations avec des partenaires qui prennent en compte certaines réalités. Cela demande beaucoup de souplesse et d'habileté. Les considérations personnelles ou partisanes doivent disparaître. Ce secteur a besoin obligatoirement d'un moment de réflexion et de révision des positions. Il ne serait pas mauvais de faire des concessions et d'arrondir les angles pour aboutir à des compromis. Ce malaise constaté au sein de la profession devrait perdurer tant qu'une solution radicale n'est pas trouvée. D'aucuns la voient dans l'élaboration d'un statut. Cette revendication a été jetée aux oubliettes depuis des décennies. Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a aucune véritable volonté politique ni syndicale pour faire avancer ce dossier.