L'économie informelle est l'opposé de l'Etat de droit. Elle génère désordre et pauvreté, plutôt qu'ordre et richesses. La valeur totale des entreprises et biens immobiliers informels en Tunisie est d'environ 115 milliards de dollars, soit 11 fois la valeur du capital des sociétés cotées en Bourse de Tunis. 524.000 entreprises sur un total de 616.000 (85%) sont informelles, donc sans références documentées. L'économie parallèle est un phénomène planétaire et rares sont les pays qui y ont échappé. Dans les pays développés jouissant d'économies modernes et solides, le secteur parallèle ne dépasse pas le taux de 10 à 15%. En Tunisie, la situation est tout à fait différente. L'on parle, en effet, de 80% de l'économie nationale qui est dans la sphère de l'informel. Force est de constater que, depuis quelques années, ce phénomène a pris de l'ampleur. Sous l'ancien régime, le climat était propice à l'épanouissement de cette activité qui a envahi presque tous les secteurs de l'économie. Deux ans après la révolution, le phénomène persiste encore et endommage de plus en plus une économie en difficulté et menace la santé et la sécurité des citoyens, vu les effets désastreux des produits commercialisés clandestinement. Les premiers résultats d'une recherche traitant ce phénomène, menée conjointement par l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) et l'Institut pour la liberté et la démocratie (ILD), ont donné lieu à des réflexions intéressantes, ainsi qu'à une série de conclusions préliminaires pertinentes. Selon cette étude, l'économie informelle n'aide pas au développement —elle n'est qu'un palliatif au chômage—, elle constitue un problème grave pour, au moins, trois raisons. En premier lieu, n'étant pas documentée, elle est source d'ignorance et de confusion; tout le contraire d'une société documentée qui produit de la connaissance et les outils nécessaires pour comprendre et se renouveler. En deuxième lieu, comme dans tous les environnements opaques où les règles ne sont pas standardisées et les mécanismes pour s'associer ne sont pas accessibles, l'économie informelle encourage l'anonymat, entache la confiance, cache les coupables, masque les risques. Par conséquent, elle décourage les gros investissements et les combinaisons sur une grande échelle. En troisième lieu, ceux qui vivent au sein de l'économie informelle vont naturellement se comparer à ceux qui prospèrent dans un monde formel. Ceci génère un sentiment aigu de marginalisation: c'est un phénomène d'extrême aliénation. Les chiffres préliminaires confirment que 524.000 entreprises, sur un total de 616.000 (85%), sont informelles au sens précédemment défini : elles sont privées des connaissances documentées et des mécanismes d'assemblage pour réaliser des combinaison rentables. La valeur totale de toutes les entreprises et biens immobiliers informels en Tunisie est d'environ 115 milliards de dollars, soit 11 fois la valeur du capital des sociétés cotées en Bourse de Tunis en 2010. Pour faire face à ce phénomène dévastateur, l'Utica et l'ILD ont élaboré un plan visant à rassembler toutes les informations nécessaires, l'objectif étant que la légalité soit accessible aux extralégaux. La première tâche consiste à obtenir suffisamment d'informations relatives aux activités extralégales. Toujours est-il que la légalité nécessite l'adhésion des chefs d'entreprise et des dirigeants politiques, non seulement en vue de concevoir les réformes, mais également afin d'identifier les avantages spécifiques de la légalisation pour l'ensemble des parties prenantes (gouvernement, secteur privé, forces armées, commerce extérieur, sécurité). Un plan en quatre axes Premièrement, une stratégie du diagnostic qui consiste principalement à identifier, localiser et classifier les capitaux extralégaux (capital mort). Développer les caractéristiques locales de recrutement pour pénétrer le secteur extralégal. Localiser les secteurs économiques et les zones géographiques où les activités extralégales sont les plus répandues. Quantifier la valeur réelle et potentielle des capitaux extralégaux. Deuxièmement, une stratégie politique et juridique qui vise, notamment, à assurer que le plus haut niveau politique assume la responsabilité de la capitalisation. Mettre en service des agences qui permettront le changement rapide. Identifier et relier au procédé de capitalisation les différents établissements qui actuellement régissent des droits de propriété ou empiètent sur leur capacité de produire de la valeur ajoutée et éliminer les goulots d'étranglement administratifs et juridiques. Troisièmement, une stratégie opérationnelle dont l'objectif principal est de concevoir et de mettre en application la stratégie des opérations sur le terrain, les procédures, le personnel, l'équipement, les bureaux, la formation et les manuels qui permettent au gouvernement d'identifier et de traiter différents droits de propriété dans le secteur extralégal. Quatrièmement, une stratégie commerciale consistant à mettre en application les mécanismes d'information et d'application qui permettront la fourniture d'hypothèques, de crédits, de services collectifs, de systèmes de paiement bancaire (crédit, taux, impôts), d'assurances et de système d'identification nationale.