Le remaniement ministériel qu'on attendait pour aujourd'hui ou pour la fin de la semaine en cours, au plus tard, est-il renvoyé de nouveau aux calendes grecques? La question s'impose d'autant plus qu'avec les concertations tenues ces derniers jours entre le Congrès pour la République, Ettakatol et l'Alliance démocratique, il semble que l'on est revenu à la case départ puisque Ennahdha voit ses deux principaux alliés (le CPR et Ettakatol) agir, à part, en ouvrant des pourparlers avec un autre parti politique, à savoir l'Alliance démocratique, courtisé lui aussi par Ennahdha, laquelle Alliance donne l'impression de souffler le chaud et le froid et de changer ses positions au gré de l'avancement ou du piétinement des tractations en cours. Pour en savoir plus sur les objectifs et la stratégie de cette nouvelle Troïka dont personne ne s'attendait à l'émergence aussi rapidement, La Presse a donné la parole à des responsables au sein des trois partis en question. Positions coordonnées au sein de la Constituante «Contrairement à ce que beaucoup pensent, les concertations avec les dissidents d'Ettakatol et du CPR, les mécontents au sein de ces deux partis et avec ceux qui y maintiennent toujours leur présence ont démarré il y a plus de deux mois, dans l'objectif de créer un front politique aussi large que possible», précise Mahmoud Baroudi, constituant et membre du bureau politique de l'Alliance démocratique. «Pour ce qui est du remaniement ministériel, nous avons des positions et des revendications communes. Nous appelons à ce que les ministères de souveraineté soient confiés à des personnalités neutres. Nous voulons également qu'une commission soit formée afin de réviser, sur la base de la compétence, les désignations opérées par Ennhadha dans l'administration centrale et régionale. Mieux encore, nous sommes actuellement en train de coordonner nos positions au sein de l'ANC», poursuit-il. A quand l'annonce définitive du remaniement ajourné à plusieurs reprises ? Mahmoud Baroudi précise : «Bien que les pourparlers aient repris avec l'Alliance démocratique, nous campons toujours sur nos positions. Je ne pense pas que le dévoilement de la prochaine équipe gouvernementale est pour bientôt». Rien n'est encore clair De son côté, Hela Aloulou, membre du bureau politique d'Ettakatol, confirme le déroulement de consultations avec le CPR et l'Alliance démocratique. «Avant de parvenir à la création d'un front ou d'une nouvelle coalition, notre objectif principal est de convenir sur une position commune à propos du remaniement ministériel», relève-t-elle. Elle rappelle les revendications déjà exprimées par Ettakatol et partagées par le CPR et l'Alliance démocratique. «Il s'agit, fait-elle remarquer, de la neutralité des ministères de souveraineté, de l'ouverture sur le plus grand nombre de familles politiques possible et de la mise au point d'une nouvelle vision pour ce qui est des désignations, une démarche qui éviterait la domination d'un parti quelconque qui accapare les postes-clés. Nous voulons toujours un remaniement qui favorisera le consensus et qui enverra un message rassurant tant à nos alliés qu'aux partis de l'opposition». Vous attendez-vous à ce que le remaniement soit annoncé dans les heures qui viennent ou au plus tard à la fin de la semaine en cours ? Mme Aloulou confie : «Il n'y a aucune date arrêtée. L'annonce peut survenir dans les trois prochains jours ou dans une semaine. Pour le moment, rien n'est clair. Au parti Ettakatol, nous attendons toujours les nouvelles propositions du chef du gouvernement. A la base de ses réponses à nos doléances, nous déciderons de rester au sein de la Troïka ou de la quitter». Les pourparlers engagés avec le CPR et l'Alliance démocratique ne constituent-ils pas, comme beaucoup n'ont pas hésité à le déclarer, une forme déguisée de sortie de la Troïka? «Oui, il est permis de faire une telle lecture. Toutefois, notre ambition au sein d'Ettakatol est que l'Alliance soit aussi large que possible. Pourquoi pas un quatrième ou un cinquième parti qui se joindrait à la Troïka au pouvoir. Pour nous, autant l'alliance est ouverte, autant les chances d'arriver au consensus sont grandes», confie Mme Aloulou. Elargir la base du gouvernement Aziz Krichène, membre du bureau politique du CPR et conseiller auprès du Dr Moncef Marzouki, président provisoire de la République, nous révèle : «Au moment même où je réponds à vos questions, une réunion de concertation se déroule entre les représentants du CPR, d'Ettakatol et de l'Alliance démocratique. Nos consultations ne visent pas pour le moment qu'à la création d'un nouveau front. Nous nous concentrons actuellement sur la question du remaniement ministériel et à la réunion des conditions qui garantiront sa réussite». «Ces conditions, ajoute-t-il, ont pour noms : l'élargissement de la base du gouvernement au sein de l'ANC, la révision de la politique des nominations, la neutralité des ministères de souveraineté et un traitement responsable et courageux de la question de la sécurité qui est devenue un scandale absolu». Le conseiller du Dr Marzouki tient à préciser que « les positions du CPR sont pratiquement identiques à celles de l'Alliance démocratique et d'Ettakatol. D'autres dossiers sont à l'ordre du jour, à l'instar de la lutte contre la malversation et la corruption, la mise en place de la justice transitionnelle et la promotion du développement dans les régions défavorisées. Beaucoup de promesses sont faites par les uns et les autres, malheureusement, nous ne voyons rien de concret». «Et au-delà du remaniement ministériel dont l'annonce ne dépassera pas le début de la semaine prochaine, la grande problématique réside dans le fait que notre élite politique n'a pas compris qu'en période transitoire, elle doit se débarrasser de sa mentalité partisane et de la course aux positions, à des fins électorales. La Tunisie a, aujourd'hui, besoin de stabilité et de restauration de la confiance entre les différents acteurs présents sur la scène politique nationale. Nous devons saisir que la réussite de la phase transitoire est la responsabilité de tous, d'où la nécessité de mettre en place les mécanismes et les instances qui nous mèneront à bon port».