L'heure de l'annonce du gouvernement Ali Laârayedh a-t-elle sonné ? Les négociations entreprises depuis lundi dernier ont-elles abordé leur dernier virage ? Deux interrogations qui se sont posées, hier, avec autant d'insistance que plusieurs indiscrétions ont laissé entendre que l'annonce de la prochaine équipe gouvernementale est fixée pour aujourd'hui, samedi 2 mars. De plus, les déclarations de plusieurs dirigeants d'Ennahdha vont plus loin que l'acceptation des principales exigences des partis participant aux tractations, dont en premier lieu la neutralité des ministères régaliens et la révision des nominations dans les administrations centrale et régionale. Ils insistent, en effet, sur les noms des partis qui auraient accepté l'offre de figurer dans la prochaine équipe ministérielle et révèlent qu'outre le CPR et Ettakatol, le parti El Amen et le groupe parlementaire «Liberté et dignité», en attendant l'Alliance démocratique, seront de la partie. D'autres informations distillées, avec prudence et discrétion, vont jusqu'à affirmer qu'Al Joumhouri pourrait aussi rejoindre ceux qui ont déjà dit oui à Ali Laârayedh. Comment ces mêmes partis réagissent-ils à ces «rumeurs-informations officieuses» ? Quelles sont leurs ultimes positions ou exigences au moment où le pays est suspendu à ce que pourrait annoncer aujourd'hui le chef du gouvernement désigné ? Un soutien conditionné Tout en reconnaissant que «les contacts se poursuivent encore avec Néjib Chebbi», Néji Jalloul, membre du bureau politique d'Al Joumhouri, campe sur les positions déjà révélées par le parti. «Nous soutenons le prochain gouvernement sans en faire partie à condition que sa composition réponde à nos exigences et principalement le choix, sur la base du consensus, de personnalités réellement indépendantes. Pour le moment, Ennahdha fait circuler des noms que nous ne considérons pas comme réunissant les critères d'indépendance. D'autre part, nous sommes convaincus qu'il est impératif de faire associer Nida Tounès, le parti que les sondages présentent comme la première force politique du pays, à la formation du gouvernement attendu». Le membre du bureau politique d'Al Joumhouri sort un autre argument sur la non-participation, répétée à plusieurs reprises, de son parti au gouvernement Laârayedh. «Al Joumhouri fait partie de l'alliance de l'Union pour la Tunisie et nous sommes tenus d'honorer nos engagements avec nos partenaires». Y a-t-il un courant au sein d'Al Joumhouri enclin à accepter l'offre d'Ennahdha ? «Oui, il existe une aile très minoritaire favorable à une éventuelle participation au prochain gouvernement. Seulement au cas où l'un de ses membres donnerait suite aux offres d'Ennahdha, les structures du parti prendront contre lui les mesures prévues dans le règlement intérieur d'Al Joumhouri». L'attente durera encore Au sein du CPR, l'une des principales composantes de la Troïka défunte, les choses sont dans le flou total. Aziz Krichène, membre du bureau politique et négociateur n°1 au nom du parti avec Ennahdha, est bref, tranchant et d'une précision très rare en ces moments où les hommes politiques cultivent l'ambiguïté et les non-dits. «Non, il n'y aura pas aujourd'hui d'annonce par Ali Laârayedh de son équipe gouvernementale. Nous sommes toujours loin d'un accord sur les conditions que le CPR a posées en vue de se joindre à la prochaine alliance. Je ne crois pas que nous sommes prêts à nous entendre au stade actuel des pourparlers. Je crains fort que l'attente des Tunisiens se poursuive encore. Quant aux indiscrétions que les médias s'empressent de publier quotidiennement, elles constituent en fait des manœuvres cherchant à faire monter les enchères», souligne-t-il. Nous attendons toujours les propositions de Laârayedh Quant à Lazhar Baly, président du parti El Amen cité par les dirigeants nahdhaouis comme ayant accepté de faire partie du prochain gouvernement, il précise : «Au cours de la dernière réunion que nous avons tenue, lundi dernier, avec Ameur Laârayedh, Sahbi Attig et Rached Ghannouchi, il a été convenu que le chef du gouvernement désigné nous soumette sa feuille de route, qui sera présentée pour discussion et prise de décision par les structures de notre parti. Malheureusement, nous n'avons pas été rappelés jusqu'à aujourdhui, vendredi 1er mars. Et les déclarations sur la participation éventuelle de l'un de nos membres au prochain gouvernement n'engagent nullement le parti dans la mesure où nous en prenons connaissance dans les médias ou sur les plateauxc télévisés». Le président d'El Amen poursuit : «Nous avons le sentiment qu'Ennahdha se comporte avec El Amen comme s'il était sous sa coupe et qu'il constitue l'un de ses satellites. C'est un comportement que nous dénonçons fermement dans la mesure où il s'inscrit dans une stratégie intentionnelle visant à saper notre action et à faire douter les Tunisiens qui voudraient adhérer à El Amen. Bien que nous ayons demandé aux dirigeants nahdhaouis de changer d'attitude à notre égard, ils persistent toujours dans leur comportement. La même remarque s'applique également à Nida Tounès qui nous accuse injustement d'être des porte-voix d'Ennahdha». En tout état de cause, «El Amen, conclut-il, demande que les concertations sur le prochain gouvernement se déroulent dans un cadre institutionnel et non par l'entremise des plateaux TV ou des médias. Au final, ce sont les institutions du parti qui décideront de la position à prendre sur la base d'un document écrit que nous attendons toujours».