Par Azza FILALI Au terrible matin du 6 février dernier, ont succédé cinq semaines de braise. Colère et désillusion courent à travers le pays. «Qui a tué Chokri Belaïd ?». La question est désormais de tous les rassemblements, résumant à elle seule le mal-être du peuple. Où finit la rumeur pour laisser place à la vérité ? Le tueur, arrêté par l'Algérie, aurait été remis à nos autorités qui nient l'avoir reçu. Le Front populaire et la famille du défunt affirment la véracité de la thèse. Si c'est le cas, dans quelle geôle le tueur est-il enfoui? Pourquoi ne pas l'avoir remis au juge d'instruction, chargé de l'affaire ? Est-ce parce que celui qui a appuyé sur la gâchette connait le (s) nom(s) de ses commanditaires, comme le prétend l'opinion publique ? Toutes ces tergiversations ont été recouvertes de silence, côté autorités... Depuis quand le silence balaie-t-il les questions sans réponse ? Des questions, tel l'assassinat de Chokri, essentielles pour tout un peuple ! Durant ces cinq semaines, les évènements politiques se sont précipités mais le pays a fait du surplace. Après la tentative avortée de former un gouvernement de technocrates, a succédé un cabinet «troikiste» aménagé, où on a clamé haut et fort que les ministères régaliens étaient dépourvus d'obédience politique. Mieux vaut attendre ces messieurs en actes, et non en déclarations. Accordons-leur le bénéfice du doute (gardons le doute, en leur laissant des bénéfices que de toute façon nous ne pouvons leur disputer...) La proposition de Jebali, au soir du 8 février, a-t-elle vraiment constitué un dérivatif permettant d'endiguer la colère qui grondait ? L'histoire le révèlera un jour, comme bien d'autres choses... Le second gouvernement, émanant des mêmes partis majoritaires à l'ANC, composé au tiers des mêmes têtes, risque de retomber dans les mêmes ornières. Il ne suffit pas de changer quelques noms pour réussir une transition démocratique dont le gouvernement précédent s'est montré incapable. Pendant cinq semaines, la Tunisie a vécu au rythme d'une violence inqualifiable : maisons saccagées, jeunes filles enlevées, (certaines violentées jusqu'à la mort), journalistes agressés (50 en février dernier), menaces de mort adressées à des hommes politiques, des journalistes, tentative d'assassinat (évitée de justesse) sur le représentant du Front populaire à Sousse, nouveau contingent de jeunes envoyés en Syrie, munis d'étranges passeports... La liste est longue, enfermant notre pays dans un cercle infernal où le malheur fait des petits ! Chokri Belaïd est mort et sa perte est irrémédiable... Au bout de 40 jours, la lumière n'a pas été faite sur les commanditaires du crime, l'exécutant « serait » en cavale, les politiques s'occupent des nominations, les émissions télévisées analysent le nouveau gouvernement... Il y avait pourtant, sur un des plateaux télé, la présence, forte, bouleversante de Besma Khalfaoui-Belaïd qui, en peu de mots, a lancé un «j'accuse» à la face des politiciens, ceux présents ce soir-là, et puis les autres, occupés à tirer les ficelles, à se faire nommer, ou à démissionner de leur poste, (le plus souvent par dépit). Ceux-là portent leur ego comme une fleur à la boutonnière. Mais l'ego n'a jamais sauvé un pays du naufrage. Jamais l'ego de quelques-uns n'a permis de combler le schisme qui déchire un pays et oppose les êtres. Décidément, il y a quelque chose de pourri dans l'ancien royaume de Kheireddine, Tahar Haddad, et Abdelaziz Thaâlbi !