Certains vont être choqués! Mais c'est un fait sans équivoque : le racisme existe bel et bien en Tunisie. D'ailleurs, une association du nom de «Adam» lutte contre cet état d'esprit. Toute jeune, cette association a vu le jour en mai 2012. Elle compte une centaine d'adhérents venus de tous bords et notamment du Sud tunisien où la discrimination sévit à outrance. Le président de «Adam» témoigne et éclaire notre lanterne sur ce sujet épineux et longtemps occulté par «la société tunisienne et même les médias». Selon M. Taoufik Chaïri, président de l'Association, «nous vivons au sein d'une société où le comportement anti race noire domine le pays, même après “le vieux décret beylical du 23 janvier 1846, qui interdit le commerce des esclaves"»... Très active, l'association «Adam» organise plusieurs séminaires, débats et rencontres autour du thème du racisme, en présence d'éminentes personnalités dont Chawki Tebib ou l'historien Abdelhamid Larguech... Le sujet abordé dans ces débats est la discrimination raciale... Analyse, constat et lutte contre ce fléau, dont a souffert la communauté noire tunisienne, depuis de longues années, «voire des décennies». Les 21 et 22 mars, à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination du racisme, «Adam» a organisé plusieurs conférences en présence de Rokhaya Dialo, chroniqueuse et militante des droits de l'Homme, et Salah Trabelsi, universitaire à la faculté de Lyon 2... L'apport d'organismes tunisiens a été d'un grand secours. Ainsi, l'action a été marquée par la présence de plusieurs associations de la société civile impliquées dans la défense des droits de l'Homme... On cite l'Association tunisienne des femmes démocrates, l'Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement. On remarque aussi la présence de M. Youssef Seddik ou encore de l'universitaire et enseignant du droit contitutionnel, Ghazi Ghraïri... Tous étaient unanimes sur le fait que le racisme existe sur différents plans, aussi bien culturel que social. A cette occasion, les participants et les adhérents ont assisté à la projection du film documentaire Abid Ghbonten, qui relate le vécu d'une population totalement marginalisée. Savez-vous qu'il y a une mosquée pour les blancs et une autre pour les noirs. Savez-vous qu'il y a des bus que pour les blancs, comme en témoignent les personnes interviewées dans le documentaire... Au-delà du racisme et de la discrimination, c'est un rejet total de la race noire vécu telle une humiliation par les personnes concernées... La solution existe, nous dit M. Chaïri... Elle a été d'ailleurs évoquée dans la conférence qui a eu lieu le 21 mars. «Pourquoi ne pas introduire le principe de lutte contre la discrimination au sein de la Constitution... Pourquoi ne pas pénaliser le comportement racial exercé et par les citoyens et par les administrations». Ainsi, ajoute le président de «Adam», le système judiciaire tunisien n'a jamais rendu justice à des plaignants noirs qui se sont soulevés contre des agressions gratuites, violentes et acerbes, puisque aucun texte n'existe pour protéger les citoyens tunisiens contre ces attitudes racistes... Savez-vous qu'aucun imam n'est noir et que sur le bulletin de naissance, les prénoms sont systématiquement suivis des mots Atig ou Chouchan, autrement dit esclave affranchi. Pire encore, on ne voit aucun noir au Parlement, dans le gouvernement, ni même dans des émissions télévisées. «Il s'agit là d'une marginalisation des 15% représentés par cette communauté», explique M. Taoufik Chaïri. La sonnerie d'alarme est enclenchée. Aucun de ces hommes et femmes ne veut plus être traité de «nègre». Pour cela, nous dit le président de «Adam», chercheurs, universitaires, mass média doivent prendre en considération cette souffrance vécue par ces personnes victimes d'injustice et d'ajouter que le travail doit commencer à partir de la petite enfance et dans les écoles... Il faut apprendre aux enfants à accepter les différences... Il faut qu'ils connaissent aussi l'histoire de ces hommes noirs. Et pour cela, le ministère de l'Education doit s'impliquer davantage... Il est grand temps d'accepter la différence sans préjugés... Il est grand temps d'œuvrer tous, main dans la main, sans prendre en considération la couleur de la peau... Sans classer certaines personnes dans une catégorie bien déterminée... comme il est grand temps de s'unir tous ensemble pour lutter contre toute sorte de discrimination raciale, ethnique, religieuse...