Un atelier de travail sur les pesticides a été organisé, récemment à Tunis, par l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap) et l'Institut national des grandes cultures (Ingc). L'événement, qui a réuni différents intervenants dans le secteur, a été l'occasion de discuter de certains dysfonctionnements, notamment l'absence de contrôle au niveau de la distribution des produits. La plupart des pesticides à usage agricole ne sont pas fabriqués en Tunisie. Les quantités importées varient chaque année entre 3.000 et 6.000 tonnes, les plus importantes d'entre elles étant celles des fongicides, selon Chaâbane Moussa, directeur à la direction générale de la protection végétale. Avant d'être distribués, les pesticides importés doivent être homologués. D'après certains intervenants, la procédure prend tellement de temps que des produits peuvent dépasser la date de péremption avant de pouvoir être vendus. D'autres intervenants ont dénoncé l'absence de contrôle dans les commerces qui laisse la voie libre aux dépassements en tous genres, tels que la mise en vente de pesticides périmés ou mélangés à d'autres substances. Quant à la prestation de service, «normalement, pour les points de vente, le cahier des charges stipule l'obligation de recrutement d'un ingénieur. Or, sur les 500 ou 600 qui existent, très peu respectent cette obligation», affirme Omar Béhi, trésorier à l'Utap et agriculteur à Béja. Faute de bénéficier de conseils de la part de spécialistes ou de trouver des documents techniques pouvant les aider, beaucoup d'agriculteurs choisissent mal les produits et ne les utilisent pas de façon appropriée. Phénomène de résistance et lutte intégrée Dans certains secteurs, notamment les grandes cultures, le recours aux pesticides serait relativement limité même quand il y a nécessité de le faire. «Pour acheter un pulvérisateur, il faut avoir au moins 40 ou 50 ha. La majorité n'ont pas cette superficie, la taille moyenne étant de 12 ha par agriculteur, une taille minime qui ne permet pas aux gens d'investir. Etant donné qu'il n'y a pas de société de service qui loue le matériel, à la fin il n'y a pas de traitement», explique Omar Béhi. « Il ne faut pas perdre de vue qu'un pesticide est un poison, et qu'on ne l'utilise que si on n'a pas d'autre choix », indique un des participants. Plusieurs études scientifiques ont prouvé que les pesticides peuvent avoir des effets néfastes sur la santé et l'environnement. L'utilisation abusive, engendre en plus le phénomène de résistance. En Tunisie, la résistance du ray-grass aux herbicides dans les cultures céréalières a été rapportée en 1996, et fait actuellement l'objet d'un projet à l'Institut agronomique de Tunisie (Inat), en collaboration avec l'Ingc et une société phytopharmaceutique privée, pour l'élaboration d'un programme de gestion. «Le projet a été développé parce qu'il y a eu beaucoup de réclamations de la part des agriculteurs», explique Thouraya Souissi, enseignante chercheur en malherbologie à l'Inat et présidente du Comité tunisien de gestion des adventices résistantes. D'après l'universitaire, d'autres résistances sont à craindre en Tunisie. A l'échelle globale, le phénomène est en pleine explosion. Près de 400 espèces de mauvaises herbes résistantes ont été identifiées à travers le monde. Malgré les impacts négatifs avérés et attendus, la réalité est que dans certains cas, on ne peut se passer des pesticides. Cependant, la réduction de la fréquence d'utilisation est possible à travers le recours à des méthodes alternatives, telles que la lutte intégrée. Cette dernière est définie par la FAO et l'OILB (Organisation internationale de lutte biologique) comme étant la «conception de la protection des cultures dont l'application fait intervenir un ensemble de méthodes satisfaisant les exigences à la fois écologiques, économiques et toxicologiques en réservant la priorité à la mise en œuvre délibérée des éléments naturels de limitation et en respectant les seuils de tolérance». Exemple de lutte intégrée en arboriculture fruitière ou maraîchère, l'utilisation de la coccinelle à sept points pour combattre les pucerons. Bien qu'elle présente plusieurs avantages, la méthode intégrée reste peu répandue en Tunisie et dans le monde. D'après Mehrez Chebil, président de l'Association tunisienne de la protection des plantes (Atpp) et docteur spécialisé en protection des plantes, elle ne représente que 20 % du marché mondial sanitaire. Les raisons seraient, selon lui, liées au coût, à la limitation au niveau des surfaces pouvant être traitées par cette méthode et le fait qu'elle ne présente pas de réponse à tous les ravageurs.