Une bonne cinquantaine de Tunisiens sont disparus en mer, au large de Lampedusa, après le naufrage de leur embarcation. A son bord, il y avait 136 migrants clandestins (dont 6 enfants et 10 femmes) et on n'a pu sauver pour le moment que 56 personnes. Ils voulaient rejoindre l'Europe après avoir désespéré de trouver du travail dans cette Tunisie dirigée par « le meilleur gouvernement de l'Histoire ». Dans ce naufrage, on dénombre des dizaines de morts. Paix à leur âme et tout le courage à leurs familles endeuillées. Autres actualités brûlantes de la semaine, l'exclusion de la Tunisie du rapport du Forum de Davos. « En raison d'un changement structurel important dans les données, qui a rendu les comparaisons avec les années passées, difficiles », affirment les auteurs de la bible des économistes et investisseurs. Il y a cette augmentation des prix du carburant, après l'augmentation de ceux des cigarettes et en attendant ceux du lait et de quelques produits de première nécessité. Et puis il y a ces scoops dévoilés par une presse indépendante à propos des entreprises cachées de quelques uns de nos ministres. Les mêmes qui racontaient, il y a quelques mois, leurs années de braises et d'exil passées dans la souffrance et la peine. Ces actualités brûlantes viennent s'ajouter aux autres événements et constats, dont on ne parle plus assez, puisque faisant désormais partie de la vie ordinaire des Tunisiens : - La saleté de nos villes qui saute aux yeux de tout visiteur. - Le chômage qui empire. - L'insécurité qui gagne du terrain. - Les sit-in et préavis de grève. - Le bras de fer avec les médias… C'était là l'actualité de la Tunisie et des Tunisiens. Voyons maintenant, avec une légère pincée de mauvaise foi assumée, l'actualité du gouvernement. Hamadi Jebali a assisté samedi à un mariage collectif, organisé par une association proche de son parti. Une action de bienfaisance que tout chef de gouvernement soucieux de son image se doit d'assurer. C'était sa seconde de la semaine après celle du dimanche 1er septembre à Sousse où il a assisté à un dîner aux côtés de deux de ses prédécesseurs. Son ministre-conseiller Lotfi Zitoun a pris part, samedi également, à un meeting pré-électoral qui ne dit pas son nom, à Kalâa Kebira. Une action visant à redorer son blason auprès de ses troupes. C'était la troisième de la semaine après celles de Sfax et de Moknine. Moncef Ben Salem, ministre de l'Enseignement supérieur a enfin pris sa décision historique et révolutionnaire, après moult études, recherches et analyses : le niqab sera autorisé dans les facultés ! Vendredi, à la Kasbah, la jeunesse du parti au pouvoir a organisé sa deuxième manifestation « millionnaire » à laquelle ont pris part, cette fois, quelques milliers parmi lesquels le ministre-conseiller Zitoun et les députés d'Ennahdha à l'ANC. Parmi les slogans brandis durant cette manifestation, l'exclusion des RCDistes du paysage politique quitte à ce qu'il y ait un bain de sang dans le pays. A enregistrer aussi cette annonce de guerre contre les médias déclarée par Habib Ellouze, élu de l'ANC. Ainsi va le pays déclencheur du dénommé printemps arabe. Un pays où l'esprit des gouvernants est occupé par les mariages, le viagra et les règlements de compte. Quand on lit l'Histoire des mouvements islamistes dans le monde, et particulièrement celui des mouvements islamistes tunisiens, on constate qu'il est rempli d'erreurs tactiques et stratégiques. Des erreurs payées, souvent, très cher. Les fidèles d'Ennahdha espèrent pouvoir échapper, cette fois, à ces erreurs d'appréciation de leurs dirigeants. Or, rien qu'à lire l'actualité de cette semaine, il ne faut pas être une grande lumière en matière d'analyse politique pour constater que les dirigeants islamistes continuent à mal apprécier la délicatesse de la situation, l'urgence des dossiers à traiter et les priorités de l'heure. Idem pour les élus islamistes, plutôt préoccupés par la guerre contre les médias et Béji Caïed Essebsi que par la Constitution pour laquelle ils sont mandatés. Idem pour leurs bases, plutôt préoccupées par les RCDistes loyaux et le montant des indemnisations que par la précarité des conditions de vie de leurs concitoyens. Tous, dirigeants politiques, élus et bases préfèrent cacher leur tête dans le sable pour ne pas affronter les véritables problèmes dont souffrent les Tunisiens. Personne n'a réagi à l'exclusion du rapport de Davos, aucun ne s'est manifesté au naufrage de l'embarcation de Lampedusa, nul n'a apporté de solution concrète à la cause principale qui a déclenché la révolution aussi bien en Tunisie qu'en Egypte : la précarité. A elle seule, cette précarité est un adversaire de taille que le meilleur gouvernement au monde ne saurait lui trouver de solution immédiate. Mais comme si cet adversaire n'est pas suffisant à lui seul, les dirigeants, les élus et les militants d'Ennahdha en créent de nouveaux tous les jours. En jouant les divisions, en produisant de nouveaux problèmes, en agressant régulièrement l'opposition, les médias et les acteurs de la société civile, les Nahdhaouis (ou une part d'entre eux) se privent d'alliés et se créent, tous les jours, de nouveaux adversaires, voire de nouveaux ennemis. Les erreurs du passé ont été payées par les seuls islamistes. Les erreurs du présent vont être payées par l'ensemble des Tunisiens. Peut-être même qu'elles seront payées sur des générations.