Au sein de la grande famille de la sphère judiciaire, certains évoquent les multiples défaillances qui existent dans le système judiciaire dans son état actuel. D'autres ont critiqué la volonté à limiter l'indépendance de ce système en faisant perdurer l'interférence des deux pouvoirs exécutif et législatif dans son travail. Les avis sont multiples et il y a ceux qui appellent à une révision de certains points importants tout en assurant l'indépendance de ce corps, alors que d'autres utilisent plutôt le terme neutralité au lieu d'indépendance. La peur de la politisation est bien ressentie notamment parmi les magistrats quant aux désignations et aux compositions, entre autres, de l'Instance indépendante de l'ordre judiciaire et le conseil de discipline. La consultation nationale sur la réforme du système judiciaire a démarré hier à Tunis avec une mobilisation importante des magistrats qui n'ont pas caché leur peur quant à leur indépendance, chose qu'ils n'arrêtent pas de réclamer depuis l'avènement de la révolution. Sous l'égide du ministère de la Justice et appuyée par le Programme de développement des Nations unies (Pnud) et le Bureau du haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH), cette consultation est constituée de plusieurs journées selon une répartition régionale. A l'instar de la première journée, celle d'hier, dédiée aux gouvernorats du Grand-Tunis, ainsi que Bizerte, Zaghouan et Nabeul, chaque journée parmi les cinq programmées verra la participation de tous les intervenants dans cette sphère : magistrats, avocats, huissiers de justice, huissiers- notaires, administrateurs, chercheurs, militants des droits de l'Homme et autres acteurs. Lancée officiellement le 3 avril, la consultation nationale, visant à rassembler les différents points de vue des parties prenantes et divers acteurs dans le système judiciaire, aboutira à des recommandations qui seront la base de l'élaboration d'une stratégie nationale pour la réforme de ce secteur vital dans le processus de transition démocratique. Consensus et priorités Abou Abass, représentant du HCDH, a insisté, lors de la cérémonie d'ouverture de la consultation, sur l'importance de l'apport des différents acteurs du système judiciaire dans le processus de réforme qui est engagé par l'Etat, mais autour duquel il doit avoir une concertation. «Nous pensons que l'indépendance de la justice est importante ainsi que la confiance dans la justice d'où l'intérêt d'avoir l'avis de toutes les parties prenantes et les acteurs concernés. Notre appui est plutôt technique et de facilitation. Nous venons accompagner et soutenir cette initiative et ce processus national tunisien», a-t-il ajouté. Pour le vieux de la vieille avec quelque 40 ans d'exercice en tant que magistrat et entre autres premier président de la Cour d'appel de Tunis et du tribunal administratif, Taieb Elloumi, ce n'est pas une question de changement de tout le système. «On parle d'une révolution dans tout le système judiciaire, mais est-ce tout le système avec toutes ses composantes va accepter cette révolution ?», s'est-il exclamé. D'après lui, on ne peut pas tout simplement dépasser deux décennies de législation pour changer. Ali Hammami, conseiller à la Cour de cassation, pense, quant à lui, qu'il faut fournir les garanties concernant l'indépendance des magistrats pour éviter les pressions mais aussi développer l'inspection générale pour qu'elle s'attribue d'autres tâches que celle de la réception des requêtes. Il a, de même, évoqué l'état délabré des bibliothèques des magistrats. L'interférence des pouvoirs exécutif et législatif dans la composition de l'Instance indépendante de l'ordre judiciaire a été relevée par Raoudha Zaâfrane, du syndicat national des magistrats, et Hédi Chehm, avocat, même si ce dernier préfère parler de neutralité que d'indépendance...