Par Abdelhamid GMATI Depuis la Révolution, la politique s'immisce partout, se retrouve dans tous les domaines et s'exprime de différentes façons. N'importe quelle revendication sociale, salariale, syndicale, culturelle, sportive ou autre se trouve teintée de politique et se transforme en une sorte de spectacle relayé, entre autres, par les médias, tous les médias, y compris l'internet. On vient d'en vivre un épisode dramatique avec cette violence qui s'est abattue sur la ville de Bizerte : agressions de personnes, vols, pillages, destruction de lieux publics, routes et pont coupés, vandalisme et même attaques contre les forces de l'ordre. Est-ce le fait des seuls hooligans mécontents d'une décision défavorisant leur club ? Ce serait réducteur vu la violence exercée et certains actes disproportionnés comme celui de brûler le drapeau national. En définitive, ils semblent avoir obtenu satisfaction puisqu'un compromis a été trouvé satisfaisant toutes les parties. La manifestation qui aurait été pacifique et donc compréhensible, s'est transformée en une intimidation intolérable. Fallait-il en arriver là par ces moyens ? Visiblement oui, puisque dès l'annonce de la décision, des responsables du club bizertin se sont lancés dans des déclarations incendiaires, mettant le feu aux poudres, comme pour s'attirer la sympathie des supporters. La politique-spectacle était en place et quelques heures plus tard, les divers dirigeants se trouvaient sous le feu des projecteurs, dans les radios, les télévisions, la presse écrite, les réseaux sociaux et ont pu déblatérer à l'infini, étalant leurs idées sportives et autres, criant au scandale, à l'injustice et tirant à boulets rouges sur les autorités sportives et sur leurs adversaires. Il y a même eu des partis politiques pour exploiter ces incidents déplorables pour se mettre en évidence, en appelant à châtier les auteurs des violences (ce que la police a déjà entrepris sans attendre des appels inutiles) ou en voulant porter plainte contre un dirigeant du club qui se trouve être aussi député. Des avocats, probablement intéressés par les feux de la rampe, se mobilisent pour porter plainte contre des hommes politiques en vue, pour des motifs pour le moins farfelus. Cette politique-spectacle est souhaitée et revendiquée par différentes formations politiques. Ainsi, par exemple, le parti Al Aridha Chaâbia a multiplié les manifestations en fin de semaine : devant les locaux de la télévision nationale, protestant contre l'exclusion de ses représentants des débats télévisés, les privant ainsi d'un moyen de se faire valoir ; devant les locaux d'un institut de sondage, estimant que les résultats obtenus par cet institut ne reflètent pas la réalité et que leur parti est bien plus populaire que les autres et devant l'ANC dénonçant la marginalisation de ses élus. Le président de ce parti, M. Hachemi Hamdi, a même envisagé de porter plainte contre MM. Marzouki et Laârayedh «parce qu'ils utilisent Dar Dhiafa». D'autres formations émettent périodiquement des revendications pour pouvoir paraître dans les médias. A la Constituante, on a assisté à une belle démonstration de cette politique-spectacle. Alors qu'on examinait une question sérieuse, la première en Tunisie, à savoir la motion de censure contre la ministre Sihem Badi, on s'est lancé dans des diatribes et un flot d'accusations n'ayant aucun lien avec le sujet. Même la ministre, qui aurait dû s'en tenir à répondre aux griefs, motifs de la motion, a certes eu le courage de reconnaître son erreur dans le traitement de l'affaire de la petite fille violée, mais s'est surtout attachée à dénigrer les auteurs de la motion. On en a entendu de belles lors de cette session. Comme cette députée nahdhaouie, qui, voulant défendre la ministre, a affirmé (sans rougir) que «le viol est un droit mal interprété» et que cette affaire «a été amplifiée pour nuire à la ministre». Soulignons aussi qu'un certain nombre de députés qui avaient signé la motion ont voulu retirer leurs signatures du document, une fois celui-ci déposé. Probablement victimes de pressions ou voulant se mettre en évidence. Il est à espérer que les débats autour de la motion de censure déposée à l'encontre de M. Moncef Marzouki ne connaîtront pas le même déroulement. Mais à l'impossible nul n'est tenu. L'un des attributs de la politique-spectacle est que ses auteurs se laissent aller, ne se contrôlent pas toujours et nous révèlent des vérités cachées. Ainsi en est-il de M. Rached Ghannouchi, chef du mouvement Ennahdha. Il vient de déclarer à Tataouine devant ses partisans que «les ministres régaliens sont nos alliés et ils ont reçu l'aval du parti. Ennahdha n'a jamais renoncé, elle a conservé l'essentiel...et tous les leviers du pouvoir sont entre nos mains». On pourrait aussi citer l'inénarrable imam autoproclamé de la Zitouna, Hassine Laâbidi, qui, dans un prêche, a invité ses auditeurs à prendre du viagra «pour prévenir l'adultère et la trahison de la femme». Chacun appréciera.