Retour sur deux semaines explosives. Le 29 avril, un groupe de terroristes est localisé à Jebel Chaâmbi. Des mines antipersonnel éclatent, depuis, à quatre reprises. Des agents des forces de l'ordre et des troupes sont blessés, grièvement dans la plupart des cas. L'escadron de la mort est à l'œuvre. Le terrorisme frappe à nos portes. Encore une fois. Même si l'on a donné l'impression d'en sous-estimer l'ampleur auparavant, à Rouhia, à Bir Ali Ben Khelifa, à Douar Hicher, à Bouchebka et ailleurs. A mauvais escient le plus souvent. Les régimes changent, les vieux réflexes demeurent. On ne veut guère aborder les sujets qui fâchent. Ni évoquer les interférences et interdépendances avec le terrorisme. On s'en tient au politiquement correct. Et au déni. Pourtant, le bilan s'impose. En premier lieu, il faut bien se fier à l'évidence : le terrorisme est devenu une réalité tangible dans notre vécu. Il a ses réseaux, ses chefs, ses plans, sa chair à canon. Ce qui a été mis au jour n'est que la partie visible de l'iceberg. On ne révèle pas tout, pour plusieurs considérations, le plus souvent fondées. Et le phénomène peut s'amplifier. Un faisceau d'indices milite en faveur de cette perspective sombre et effrayante. Et pas seulement l'augmentation navrante des jeunes embrigadés dans les groupuscules des mouvances religieuses extrémistes. Qui ne cachent pas leur fervent désir de passer à l'acte en Tunisie. Il y a aussi les milliers de jeunes et moins jeunes tunisiens enrôlés dans le conflit syrien. Des filières de cooptation, d'entraînement et d'acheminement vers la Syrie existent. Certaines ont été démantelées, d'autres perdurent, en toute impunité. Deuxièmement, il faut bien reconnaître que notre classe politique se caractérise par son laxisme dans le traitement du phénomène terroriste. D'aucuns manifestent de la gêne à dénoncer énergiquement le terrorisme et les terroristes. D'autres traînent le pied, ou se contentent de dénoncer du bout des lèvres. Le président de la République ne s'est rendu aux abords de Jebel Chaâmbi que neuf jours après l'explosion de la première mine. Le président du principal parti au pouvoir ne s'est prononcé sur la question que douze jours après la première détonation. D'autres partis de la coalition gouvernementale demeurent silencieux, étrangement. Par ailleurs, il faut bien reconnaître les sérieuses difficultés rencontrées lors des confrontations avec les terroristes. L'impréparation matérielle et fonctionnelle saute aux yeux. Les protocoles et automatismes de la riposte semblent fragiles. Idem du déploiement antiterroriste préventif. Des zones d'ombres demeurent quant à la non-sécurisation de terreaux de choix des groupuscules terroristes. Et l'on apprend même que des mises en garde sérieuses avaient été superbement ignorées. Et ce n'est qu'un début. Il n'est guère exclu que le terrorisme revête d'autres formes et investisse d'autres lieux d'implantation sous nos cieux. Souscrire à cette éventualité n'est point l'apanage des seuls spécialistes. Ces derniers se comptent d'ailleurs sur les doigts de la main. Les leçons des confrontations de Jebel Chaâmbi sont multiples. On n'est pas prêt de les épuiser de sitôt. Encore faut-il être assez serein pour ausculter la réalité sans les prismes déformants de l'idéologie, des partis pris tranchés ou des chapelles politiques et partisanes. Les lacunes constatées çà et là gagneraient à être comblées, au plus pressé. Trois questions méritent l'examen exhaustif et incontournable : en premier lieu, quelles sont les attitudes des politiques vis-à-vis du terrorisme? Pourquoi ne s'empressent-ils pas de proclamer l'union sacrée ? Et les silences et laxismes des politiques ne sont-ils pas à quantifier, désigner clairement et éradiquer ? En deuxième lieu, n'y a-t-il pas lieu de remettre en cause énergiquement et d'incriminer les discours incitant à la haine et au terrorisme ? Troisièmement, il y a lieu de développer une nouvelle culture citoyenne vis-à-vis du terrorisme et des terroristes. Rien ne saurait justifier les manipulations, les complicités malintentionnées et les faux-fuyants discursifs à ce propos. Une stratégie appropriée gagnerait à être mise sur pied à ce niveau. Ce qui présuppose une éthique de la vigilance sans sommeil.