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A l'épreuve d'un Islam amputé de sa modernité...
Vient de paraître - De quoi demain sera-t-il fait ? de Latifa Lakhdhar
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 05 - 2013

Dans le brouhaha des surenchères verbales de nos concitoyens – surenchères plus ou moins attisées par une vie politique qui découvre, de son côté, les joies variées de la polémique –, certains poursuivent en silence un travail de réflexion... Que se passe-t-il ? Que signifie ce qui arrive ? Et, à partir de là, «De quoi demain sera-t-il fait ?».
Cette dernière question est celle que pose, dans son dernier livre, l'universitaire tunisienne Latifa Lakhdhar. Elle le fait en langue française alors que, dans le passé, ses publications étaient en langue arabe... Latifa Lakhdhar, qui a occupé par ailleurs le poste de vice-présidente de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, est notamment l'auteur d'un livre sur l'islam des confréries en Tunisie, dans lequel elle évoque les positions parfois troubles de cet islam-là dans le contexte de la lutte contre la colonisation.
Depuis la révolution, ou plus exactement depuis les élections auxquelles elle a donné lieu, la langue française a vu se renforcer son rôle de base arrière, de citadelle, face aux projets, plus ou moins avoués, ou plus ou moins avérés, d'une pensée traditionnaliste arabisante et culturellement revancharde. Tous ceux qui s'inquiètent de cette évolution ont tendance à se replier sur ce qui représente désormais la dimension francophone de notre culture tunisienne.
Est-ce pour cette raison que l'auteur a troqué l'arabe pour le français dans son travail d'écriture ? En tout cas, la lecture de son dernier livre nous entraîne sur le chemin, non pas certes d'une mise à l'écart de l'héritage musulman, mais d'une mise à l'épreuve de cet héritage à la pensée critique de l'époque moderne. Le mal, pour elle, n'est pas que l'islam soit ce qu'il est, mais qu'il se dérobe à la critique et qu'il se recroqueville dans une représentation de lui-même qui est entièrement révolue...
Ce qu'elle pointe du doigt, ce ne sont d'ailleurs pas seulement les savants théologiens de l'islam qui incarnent la crispation sur les positions passéistes, ce sont aussi les islamologues occidentaux qui entérinent un particularisme théologique, soit pour condamner l'islam dans une logique de choc des civilisations et d'hégémonie culturelle, soit pour faire valoir une science religieuse qui laisse consciencieusement de côté les «voies qui pourraient être celles de l'émancipation de cette religion». Sous des intentions parfois louables, l'islamologie continue de figer le visage de la religion musulmane : «La cause essentielle en est souvent qu'elle a traité l'islam en tant que représentant d'un phénomène à part, différent, dont le passage par les voies universelles d'évolution serait difficile, voire impossible, à cause d'une certaine essence qui se décline en spécificités culturelles et théologiques immuables».
Egalement mis à l'index, «l'emprunt idéologique» qui consiste à appliquer à l'islam une philosophie de la laïcité qui s'est développée en Europe depuis la Renaissance et la Réforme dans un contexte qui est celui du christianisme...
Le texte de Latifa Lakhdhar, qu'elle publie aux éditions Nirvana, exprime manifestement le souci d'une modernisation du message à partir d'une attention plus scrupuleuse à l'originalité de l'islam, à sa capacité interne à porter du changement et de la créativité. Evoquant la figure, minimisée à son avis par l'islamologie, d'Averroès, elle écrit : «Or, est-il besoin de rappeler qu'Averroès est un produit de l'Islam en tant que culture et civilisation, et que sa figure importe pour l'histoire en tant qu'il est représentatif des capacités et de l'aptitude de l'Islam à l'ouverture et à la créativité ?»
Sa dénonciation d'un certain «néo-occidento-centrisme» s'inscrit dans une démarche de rappel, ou de volonté de revivification d'une tradition musulmane qui est à sa façon tradition de Lumières : celle, dit-elle, d'un humanisme florissant qu'illustrent des figures comme Ibn El Moukaffaâ, El Maâri, Ettawhidi, Ibn Bajja, Ibn Sina, Ibn Rochd ou Ibn Toufeil.
On saluera donc cette position qui consiste, pour ainsi dire, à ne pas quitter le navire, à réinvestir au contraire la tradition musulmane en soulignant son potentiel de modernité, potentiel dont les noms cités ne sont que des illustrations... Mais on ne peut s'empêcher non plus de se demander si l'auteur n'a pas laissé aussi de côté une partie du débat auquel nous sommes confrontés aujourd'hui. Certes, derrière ce qu'elle appelle avec d'autres la «bédouinisation» de l'islam, il y a un refus de la modernité qui appartient au registre de l'impuissance. Mais on voit bien aussi qu'il existe en ce moment, et à l'échelle mondiale, une critique de la modernité qui déborde la pensée islamiste et à laquelle celle-ci prend simplement part. Le règne de la technique, dont nous parle Heidegger, et qui révèle en quelque sorte une dictature de la modernité, est en train de réveiller chez les traditions religieuses un écho qui ne se réduit ni à un conservatisme anachronique, ni à une reformulation de leur projet initial en termes d'humanisme moderne...
Savoir ce qui se passe chez nous actuellement, et qui répond en grande partie à la question «De quoi demain sera-t-il fait ?», passe en dernière analyse par l'écoute d'une voie qui n'entend plus se laisser dicter sa conduite par l'ordre rationaliste qu'impose la modernité. Et cela non pas parce que c'est la modernité, mais parce que l'humanisme moderne est en train de révéler son irréductible part d'ombre, son antihumanisme caché...
Cela étant précisé, répétons que Latifa Lakhdhar signe ici un texte éminemment utile, d'autant plus utile qu'il permet au lecteur, loin de la logique des partis pris idéologiques et de leur indigence, d'explorer une problématique de telle sorte que soit prise la mesure de sa véritable complexité.


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