Jeûner, c'est bon pour la santé. Verdict des nutritionnistes et des scientifiques. Ces derniers conseillent le jeûne même de manière intermittente tout au long de l'année pour prévenir diabètes et maladies cardiovasculaires. Mais à condition de respecter certaines règles et de bousculer les idées reçues et les mauvaises habitudes alimentaires. L'Institut national Zouhair Kallal de Nutrition et de Technologie alimentaire a récemment organisé une journée portes ouvertes pour le grand public sur le thème «Alimentation saine et équilibrée au mois de Ramadan». Une consultation diététique gratuite assurée par des médecins nutritionnistes à quelques semaines du mois saint qui se caractérise par un changement brutal des régimes alimentaires et des horaires des repas et par des problèmes sanitaires potentiels particulièrement chez les diabétiques et les malades chroniques. Le rendez-vous est traditionnel, mais cette année «nous l'avons voulu plus ludique avec des contacts directs entre médecins et patients ou même simples curieux», explique Pr Leïla Alouane, la chef du staff des médecins nutritionnistes et responsable du Service Formation – Information à l'Institut de nutrition. Les visiteurs ne se sont pas fait attendre, pile à l'heure. Les stations radios se sont relayé l'information dès le matin. Malades, bien portants, hommes, femmes, jeunes, âgés, en couple, solitaires, Ils sont venus nombreux assouvir leur curiosité, apaiser leurs craintes, rencontrer les médecins sans rendez-vous et dans une ambiance bon enfant. Répartis en plusieurs groupes, autour de tables installées dans un coin de jardin à l'intérieur de l'Institut, les visiteurs se sont donnés à cœur joie au jeu des questions-réponses, les nutritionnistes se sont fait un devoir de répondre à toutes les interrogations avec patience. «C'est une action d'information et de sensibilisation, supports didactiques et dépliants à l'appui, sur les secrets et les vertus d'une alimentation saine sans risques, sans complications, aussi bien pour les personnes malades que saines, et ceci est valable au mois de Ramadan et hors Ramadan», précise encore Pr Leïla Alouane. 15 heures de jeûne: les bons conseils pour un Ramadan sans tracas Les journées de jeûne seront longues, jusqu'à 15 heures d'abstention, et chaudes de surcroît. Mme Neïla Fendri, nutritionniste, conseille à tous les jeûneurs de prendre le repas de l'Iftar en deux temps. A la rupture du jeûne, se contenter d'un verre d'eau et quelques dattes, soupe et salade. Deux heures plus tard, consommer le plat de résistance à base de céréales, pâtes ou féculents et de viandes (rouges ou blanches) ou poissons. En cours de soirée, boire beaucoup d'eau et consommer à volonté fruits et jus de fruits frais. Les nutritionnistes conseillent, par ailleurs, de prohiber les boissons gazeuses et les sucreries tout comme l'excès d'excitants (thé et café). Pour le repas du «shour», qui doit être pris le plus tard possible, avantager le lait et ses dérivés, accompagnés de céréales (masfouf, sorgho, bsissa, pain) et de fruits. Préférer le lait demi-écrémé, le 0% étant conseillé pour les obèses et pour les régimes alimentaires. De manière générale, la nutritionniste déconseille aux personnes souffrant d'obésité ou en régime, toute sorte de fritures, gâteaux, beurre, crème fraîche. Au chapitre huile de friture, la nutritionniste met en garde contre les huiles végétales au maïs ou au tournesol qui produisent des substances toxiques sous l'action de la chaleur. «Préférer l'huile d'olive plus stable en fritures et plus bénéfique pour la santé», remarque-t-elle. Autrement dit, «la brique» de Ramadan est à consommer avec beaucoup de modération. Par ailleurs, il est conseillé aux diabétiques d'opter pour les sucres lents à la place des sucreries (digestion rapide) afin d'éviter les hypoglycémies brutales. Il y a une autre mauvaise habitude que les Tunisiens devraient oublier. Celle qui consiste à «manger beaucoup de pain et de mettre du sucre partout». S'agissant des personnes souffrant de maladies chroniques (diabète, hypertension, cholestérolémie, problèmes cardiovasculaires), c'est le médecin traitant qui jugera de l'utilité ou non d'observer le jeûne. «L'avis du médecin traitant est déterminant, le jeûne est bénéfique pour certains malades, pas pour d'autres», affirme Dr. Manoubia Lajmi Hmam, chef de service unité diététique à l'hôpital Des Forces de Sécurité Intérieure à La Marsa. Selon Dr Hmam, dans les rangs des agents des FSI, on compte beaucoup de cas de diabète, de varices et d'hypertension artérielle. «Des maladies conséquentes au stress, à la pression, à la station debout pendant de longues heures et à une alimentation rapide et déséquilibrée». Idées reçues et mauvaises habitudes Pour Dr. Rana Ghiloufi, spécialiste en qualité et sécurité alimentaires, l'hygiène et la sécurité alimentaires sont à la base d'une alimentation saine et d'une bonne santé. Pour le médecin nutritionniste, l'occasion est précieuse pour passer des messages importants et mettre en garde contre des pratiques commerciales courantes mais dangereuses. Eviter d'acheter les produits alimentaires vendus en vrac, non emballés comme le lait, le lait fermenté ou caillé, le beurre, le fromage, tout ce qu'on appelle «Arbi». «Les produits non pasteurisés contiennent des germes microbiologiques responsables entre autres de la tuberculose et de la brucellose (risque de stérilité masculine), 30% des cas de tuberculose en Tunisie sont d'origine alimentaire (90% viennent du lait non pasteurisé et de ses dérivés)». Idem pour les viandes rouges et blanches: les produits non emballés peuvent provenir de l'abattage sauvage non contrôlé. «Préférer les produits emballés portant étiquette avec traçabilité vendus dans les grandes surfaces», conseille la spécialiste, étant donné que l'abattage clandestin a augmenté ces derniers temps. Même conseil pour les céréales tel que le sorgho et la «bsissa» qui sont détériorés par l'humidité quand ils sont vendus en vrac. «L'humidité favorise l'apparition de mycotoxines responsables d'infections rénales». Parmi les produits alimentaires industriels, il y a aussi ceux qui sont à éviter et, dans le cas d'espèce, ce sont particulièrement les jus, les pâtisseries et certaines glaces. «Ils contiennent beaucoup d'additifs, de colorants et d'arômes, il faut privilégier les jus naturels et les glaces qui ne contiennent pas beaucoup de colorants». Au chapitre légumes, Dr Ghiloufi conseille de bien les laver, avec quelques gouttes de javel si nécessaire, afin d'éliminer les germes responsables de la toxoplasmose (laitue) ou les fameux kystes hydatiques responsables de l'apparition de kystes dans différents organes du corps (foie, cerveau...). Le lavage avec précaution des légumes et des fruits sert aussi à éliminer les résidus de pesticides qui, à long terme, risquent de provoquer des troubles endocriniens et des infections rénales. Une alimentation saine et responsable semble aisée et à la portée de tous, pourtant ce n'est pas le cas. «C'est une culture médicale que nous devons tous avoir; pour cela nous devons multiplier les campagnes de sensibilisation et d'information partout, même dans les écoles» pour apprendre aux enfants à adopter des comportements alimentaires sains et qui sont en mesure d'épargner à la communauté nationale des budgets de santé exorbitants et d'alléger les déficits chroniques des caisses d'assurance maladie.