Par Rejeb Haji «L'opinion publique est la clé. Avec l'opinion publique, rien ne peut faillir. Sans elle, rien ne peut réussir. Celui qui manipule les opinions est plus important que celui qui applique les lois». Abraham Lincoln Aux côtés de notre armée qui mérite respect et gratitude, notre tâche première est de susciter un sursaut patriotique pour balayer tous les intrus d'où qu'ils viennent. La troïka des martyrs de la Tunisie meurtrie, mais non effondrée, vient d'être rejointe par huit patriotes anonymes morts pour le drapeau. Ce nouvel acte de barbarie, commis par des escadrons de la mort qui ont piégé huit innocents, originaires de huit gouvernorats,ne restera pas sans réponse. Ces militaires étaient là, à jebel Chaâmbi, pour assurer notre protection et notre sécurité. Leur mort doit nous inciter à préparer la bataille décisive contre le terrorisme de tout genre. Des politicards, venus d'ailleurs et d'un modèle nouveau, cherchent à saborder notre révolution. Ils n'ont pas encore tiré les conséquences du défilement de cette marée humaine qui a accompagné chaque martyr à sa dernière demeure. C'est le signal réconfortant de la maturité de notre peuple qui a scandé d'une seule voie : A mort les traîtres ! Le concept de solidarité galvaudé ces derniers temps, pourtant entré dans nos mœurs, est à l'épreuve aujourd'hui. Tous ensemble comme un seul homme, il faut se dresser pour barrer la route aux imposteurs et abattre les derniers gîtes du terrorisme. Ouvrons les yeux, la révolution exemplaire pacifique et sereine qui a balayé le dictateur et ses acolytes est sur la voie de la déroute. Les objectifs scandés lors des différentes manifestations populaires qui se sont déroulées après notre printemps, déjà remis en cause, n'ont pas été atteints. Le gouvernement de la Troïka doit avoir le courage d'assumer cet échec patent sur tous les plans. Partout dans la République, tous les Tunisiens de tous âges, de toutes catégories sociales sans distinction de régions ni d'opinions, à qui appartient la révolution de janvier, sont unanimes : Ennahdha a échoué dans la gestion des affaires de l'Etat. Pour s'en convaincre, si besoin est, il suffit de passer en revue la situation politique, économique, financière et environnementale de cette gouvernance. Le rapport, cosigné par le gouverneur de la Banque centrale et le ministre des Finances puis remis au Fonds monétaire international est édifiant à ce sujet. Que les défenseurs de la réussite de ce gouvernement, et qui tournent à tour de rôle sur les plateaux des médias, commencent par le lire et le méditer. Ils n'avanceraient plus alors leurs argumentaires affligeants. Ils évitent à chaque fois le fond du problème et répètent, à qui veut les entendre,les mêmes réponses concoctées en commun avec leurs chefs : la légitimité des urnes,les contre-révolutionnaires qu'ils voient partout et le peu de temps pour appliquer leur politique. Comme s'ils avaient une politique ou une feuille de route ! A ce jour, ils n'avancent aucune date de la fin de ce transitoire qui s'éternise. Pour faire peur, ils vont jusqu'à miroiter le vide institutionnel oubliant que notre administration, malgré son infiltration,est toujours prête à relever les défis. A ces contradicteurs de service, faut-il leur rappeler que le partage du gâteau a duré des semaines pour s'entendre sur le gouvernement en place. Des ministres avec des responsabilités politiques dans leur parti et un réseau de cabinets composés de militants récompensés pour leur fidélité. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Quelle est leur aptitude à conduire une situation de transition ? Qu'en est-il des révélations sur le noyautage de l'Administration dans toutes ses composantes? Qu'en est-il des dossiers de corruption, de trafic de tous genes ? Qui sont encore les binationaux ? Qui est derrière cette économie parallèle qui fleurit à tout bout de champ ? Qu'en est-il de cette internationale des «Frères musulmans» et de son projet ? Ennahdha, composante essentielle de notre paysage politique, se décide-t-elle enfin à clarifier sa position sur ces sujets ? Son chef n'a-t-il pas assisté à la dernière réunion des dirigeants de cette nébuleuse? Le peuple a le droit de tout savoir sur les engagements de tous les partis, il y va de son indépendance et de sa souveraineté. On doit tout lui dire pour rétablir la confiance. Les insinuations ou les ballons d'essai, lancés sur des ondes ou dans des journaux contrôlés par un lobbying rappelant à maints égards ceux des prédateurs du fuyard et de ses acolytes, n'ont plus d'effet sur la population. Pour construire la République exemplaire dont rêvent les Tunisiens et pour laquelle le sang de tant d'innocents a coulé,le peuple exige la transparence et la probité. Qu'on fasse un bilan de l'expérience de ces derniers mois. Nous trouverons des responsables dont la qualité première est de manier l'amalgame et le double langage. Comme d'autres, dans cet espace de liberté «Opinions», nous leur avons conseillé de choisir entre leur responsabilité politique et le service d'autrui. Ils ont choisi le premier. Ils osent encore nous parler de légitimé alors qu'un Tunisien sur trois s'est rendu aux urnes, alors que quelques-uns sinon la plupart ont été choisis, sous l'influence de l'émotion, par quelques milliers de voix. Les chiffres publiés par l'Isie en témoignent. On ne peut gouverner en venant d'ailleurs nourri d'arrogance et d'incompétence. Un défi aux gouvernants de nous publier leur curriculum vitae, leur patrimoine et leur salaire actuel. Ce qu'ont fait certains lorsqu'ils assumaient des responsabilités. Le pays réel, faut-il le rappeler, souffre de l'incompétence de ses «nouveaux politiques» à résoudre ses problèmes et à répondre à ses besoins vitaux. Ma génération est celle qui a contribué le plus à la construction du pays et à défendre sa modernité, elle l'exige ! Nous l'avons fait avec conviction et nos traces existent là où le devoir nous a appelés à servir. Nous avons appartenu au Parti socialiste destourien de Bourguiba où nous avons assumé des responsabilités. Nous avons défendu ses choix à travers les organisations estudiantines dans le monde. Le président actuel de l'ANC était des nôtres. Originaire de Melloulèche, ma fierté était d'être son premier maire bénévole et d'être parmi ces volontaires venus libérer Bizerte. Si le devoir nous appelle, nous serons de nouveau les volontaires pour libérer jebel Chaâmbi. Les fils des nôtres, originaires de huit gouvernorats, viennent de payer de leur sang le tribut de leur engagement. Leurs familles malgré leur souffrance, partagée par tout un peuple, doivent en être fières. Elles ont su leur transmettre le flambeau de servir sans jamais se servir. Avec ces meurtres dont les commanditaires sont encore inconnus, une page de notre histoire est tournée. Ceux qui nous gouvernent n'ont pas de projets à nous soumettre. Ils occupent les commandes de l'Etat pour le noyauter. Certains des responsables de leurs partis instaurent par leur langage irresponsable un climat de haine et d'intolérance. Ils oublient qu'aux élections peu d'électeurs se sont inscrits. Pourtant, j'étais de ceux qui avaient appelé à aller voter (La Presse du 5/8/2011) et parmi ceux qui ont félicité Ennahdha après sa victoire « ... Nous souhaitons aux nouveaux élus bon vent ! ... On pourra encore gagner ou perdre beaucoup au cours de cette transition. C'est un intermède, stressant pour le pays entier, si on lui ajoute encore les tensions externes des rapports de force qui se manifestent à nos frontières. Il faut donc se tenir sur ses gardes pour sortir le pays de l'ornière où il risque de s'enfoncer!(La Presse du 2/11/2011). » Mais comme à leur habitude, ils gouvernent par partis interposés et ils sont sourds aux appels des citoyens. Une nouvelle page doit s'ouvrir pour répondre aux vœux exprimés par les manifestants. Que faire alors aujourd'hui ? Comment sortir de cette impasse ?Une équipe restreinte de quinze ministres, volontaires et non rémunérés, doit prendre en main la fin de cette transition. Sa première tâche est de veiller à la sécurité des citoyens en débusquant les collaborationnistes et les spoliateurs. Elle doit les traduire devant la justice pour leur œuvre d'appauvrissement et leur intention de semer l'anarchie. Il lui appartient d'insuffler du courage, de susciter la confiance et de remettre au plus vite le pays au travail. Ce comité de salut public dirigé par une personnalité historique connue pour son intégrité et les services rendus au pays aura six mois pour mettre fin à cette période de transition. Ils sont nombreux à répondre à l'appel du peuple et à l'urgence de rompre définitivement avec le chaos qui menace le pays. Dans le journal Essarih du 21/10/12, nous avons déjà proposé cette démarche en la développant. Quant à nos amis, les constituants, ils doivent se rendre à l'évidence que leur légitimité électorale n'est plus d'actualité. Elle est terminée depuis le 23 octobre 2012. Nous sommes,aujourd'hui, dans une phase d'un nouveau contrat consensuel, à durée déterminée. Il faut l'asseoir et le consolider. Une dernière alerte, notre pays en faillite vient encore de régresser dans l'indice mondial de l'innovation (classement 2013). Il perd 11 places en se classant à la soixante dixième place mondiale !Comment exprimer toute notre tristesse à voir cette impasse et ce dérapage. J'invite humblement tous les citoyens sincères à un sursaut patriotique pour mettre fin à cette gabégie qui menace notre unité, forgée dans la lutte pour notre indépendance. J'appelle tous ceux qui ont milité avec abnégation et dépassement de soi dans le parti de Bourguiba à faire front, en revenant à la politique défendre les fondamentaux pour lesquels ils ont consacré leur jeunesse. Avec intelligence et ouverture d'esprit, ils sont capables d'aider à remettre le pays en marche et de le lancer sur le chemin de la modernité pour qu'il ne rate pas son rendez-vous avec l'Histoire. En guise de conclusion, les mots diront à peine notre souffrance pour ces nouveaux martyrs de jebel Chaâmbi qui ont payé un lourd tribut. Que Dieu bénisse nos martyrs, leur accorde Son infinie Miséricorde et les accueille dans Son éternel Paradis. En tant qu'ancien auditeur de l'Institut national de défense, promotion 1987, toutes mes condoléances à l'armée et toute mon admiration à ses généraux. Quant à ceux d'ailleurs qui veulent nous prodiguer des conseils comme M. Vincent Geisserdans, sa « Lettre à mes amis(es) de l'opposition tunisienne », publiée par LQA ( Le Quotidien Algérien du 26/7/2013), nous éprouvons de la compassion quant à nous pour ce qui se passe dans son pays où les affaires pullulent et où la droite prend du poil de la bête. Nous lui confirmons que la stratégie du chaos n'est pas dans nos traditions. Après la colère, l'émotion et la tristesse, ayant tous dans nos gènes un peu de Bourguiba et de ses prédécesseurs,nous lui confirmons que la Tunisie unie, malgré les divergences du moment, plie mais ne rompt pas ! *(universitaire)