L'on s'attend à ce que la semaine en cours marque le démarrage du dialogue national. Certains signes montrent qu'Ennahdha acceptera de faire les concessions qui manquent encore La semaine qui s'ouvre aujourd'hui sera-t-elle celle de la délivrance et les Tunisiens assisteront-ils, enfin, au démarrage du dialogue national après un mois, jour pour jour, de ballet de tractations, de négociations et de concertations qui ont tenu l'opinion publique en haleine ? Cette question s'impose d'autant plus que les trois rencontres Abassi-Ghannouchi (consommant douze heures d'entretien, à raison de quatre heures à chaque rencontre) ont laissé entrevoir certaines prémices d'une sortie de crise qui serait acceptée par les uns et les autres. Les indiscrétions médiatiques, sûrement arrangées par les différents protagonistes de la crise, permettent également de penser qu'il existe un accord qui est en train d'être concocté. Seulement, la date de son dévoilement au public n'a pas encore sonné, mais elle ne saurait tarder. Sur un autre plan, les analyses de la situation économique et sociale faites par les spécialistes et même par le citoyen ordinaire, conjuguées aux leçons que nous livre quotidiennement l'exemple égyptien, plaident «pour une solution à tout prix, sauf si nos politiciens, dans l'opposition ou au pouvoir, ont décidé la fuite en avant». Le temps presse Pour Amna Mansour Karoui, présidente du Mouvement démocratique pour la réforme et l'édification, «la semaine en cours sera décisive dans la mesure où Ennahdha a fait montre de beaucoup de souplesse, malgré les tiraillements et les luttes qui le traversent. Et les déclarations de Ghannouchi à l'issue de ses entretiens avec Hassine Abassi montrent que le mouvement nahdhaoui est prêt à revoir ses positions initiales. Mon sentiment personnel est qu'Ennahdha finira par accepter la démission du gouvernement Laârayedh bien avant le démarrage du dialogue national. Je suis convaincue que Ghannouchi finira par faire prévaloir la voix de la raison et par placer l'intérêt national au-dessus de ceux de son parti». «En tout état de cause, la situation intérieure et les événements qui secouent notre environnement régional, plus particulièrement ce qui se passe en Egypte, sont de nature à pousser la Troïka à accepter les concessions que certains au sein de cette Troïka qualifient de douloureuses, mais qui sont salutaires pour l'avenir de notre pays», ajoute-t-elle. Amna Mansour Karoui fait aussi un clin d'œil à l'opposition qu'elle incite «à se montrer à la hauteur des défis que nous devons relever ensemble, dans la mesure où nous sommes condamnés à nous rassembler en cette période particulière que traverse notre pays. A l'heure des élections, chaque parti défendra ses couleurs et ses programmes et c'est au peuple d'accorder sa confiance à ceux qu'il considère comme les plus méritants». Ennahdha a fait ses comptes «Je pense qu'Ennahdha a, enfin, fait ses comptes et que Ghannouchi est en train de négocier une sortie honorable qui serait acceptée par les bases du parti», estime Naji Jalloul, universitaire et militant de la société civile. «Oui, ajoute-t-il, j'ai la conviction qu'il veut quitter le pouvoir honorablement et il faut que l'opposition l'aide à le faire en évitant ce discours d'éradication ou de menace inacceptable. Il ne faut pas oublier qu'Ennahdha est et restera toujours un acteur principal de la vie politique nationale». La semaine qui démarre aujourd'hui sera, de l'avis de notre interlocuteur, «réellement décisive. Ghannouchi est dans l'obligation de composer avec les nouvelles réalités, surtout que l'aile modérée au sein d'Ennahdha commence à faire entendre sa voix». Il pousse, encore, son analyse pour dire : «A la limite, Ennahdha pourrait opter pour un choix final : abandonner le pouvoir, aborder les prochaines élections en tant que parti qui s'est débarrassé des échecs endurés par les gouvernements Jebali et Laârayedh et faire endosser ces échecs au gouvernement de compétences nationales auquel l'opposition s'attache bec et ongles». Nous sommes dans l'illégalité parfaite Abdelmajid Ibdelli, enseignant universitaire de droit et l'un des spécialistes qui ont participé au toilettage du quatrième et dernier draft de la Constitution, préfère aborder la crise sous un angle purement juridique. «Nous sommes aujourd'hui dans l'illégalité parfaite. Tout le monde parle au nom du peuple, de la loi et de la légitimité, mais en réalité ce sont des actes néfastes pour la révolution. Nous sommes menacés de tomber dans la légitimité révolutionnaire qui ne reconnaît aucune loi. Le gouvernement Laârayedh devait démissionner le jour même de l'assassinat de Mohamed Brahmi et l'ANC devait prendre l'initiative de lui retirer sa confiance», martèle-t-il. «Aujourd'hui, continue à tempêter Ibdelli, nous sommes dans cette bipolarisation tant redoutée et décriée. Ennahdha et Nida Tounès s'arrogent le droit de représenter le peuple tunisien mais qui parle au nom de la majorité silencieuse. On nous propose un mirage: le gouvernement des compétences qui n'ont jamais fait de politique. Pour moi, c'est une supercherie évidente puisqu'une compétence apolitique ne vaut strictement rien. Quant à la dissolution de la Constituante, c'est une duperie flagrante. Personne n'a les compétences pour dissoudre l'ANC qui reste la seule à décider de son autodissolution ou à céder sa place au prochain parlement une fois que ses membres sont élus». Les tractations et les concertations qui agitent la scène politique nationale sont pour notre juriste «de la pure perte de temps. Les Tunisiens ne méritent pas de voir l'avenir de leur révolution suspendu aux désirs ou aux caprices de Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi ou à ceux du Front du salut national, lesquels, rappelons-le, n'ont participé ni de près ni de loin à la révolution de la liberté et de la dignité».