Un film fort contre les agressions que subissent les femmes dans le transport public et ailleurs, en Egypte. Presque discrètement, le film Les femmes du bus 678 de l'Egyptien Mohamed Diab est sorti sur l'un des écrans de la ville, à l'ancien Ciné Jamil et actuel cinéma la Marquise à El Menzah 6. On a même été surpris que, parfois, des séances sont annulées par manque de spectateurs, une aubaine pour le préposé aux billets qui s'en donne à cœur joie en abandonnant le guichet et il faut alors aller le chercher ailleurs (au café ou à la salle des fêtes à côté) pour acheter un billet. Pourtant, nous sommes devant une œuvre qu'il faut absolument voir pour le problème qu'elle soulève en ces temps durs, où le corps des femmes est devenu un enjeu crucial entre les forces obscurantistes et celles qui veulent donner au printemps arabe des couleurs de vraie démocratie garantissant l'égalité des sexes.. Les Femmes du bus 678, sorti en 2011, met en scène trois jeunes habitantes du Caire (Fayza, Seba et Nelly), issues de milieux sociaux différents, régulièrement victimes de harcèlement sexuel, que ce soit dans le bus, le fameux 678, dans les rues du Caire ou au téléphone. Elles s'associent pour combattre ce qui, si l'on en croit les statistiques, constitue un fléau national. Face à leur détermination, un inspecteur anticonformiste mène l'enquête. Briser un tabou Le film a obtenu deux prix à la 34e édition du Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier (Cinémed), ceux du public et du jeune public, même si ce ne sont pas seulement les prix qui font un film. Si Les femmes du bus 678 a aiguisé la curiosité des spectateurs, et pas uniquement des cinéphiles, c'est parce qu'il traite d'un sujet encore tabou dans les sociétés arabes : le harcèlement sexuel. Aussi, a-t-il battu des records d'entrées, que ce soit en Europe ou en Egypte lors de sa sortie. Une affluence de public jamais vue, selon les spécialistes qui ont décrit la sortie du film dans les salles égyptiennes en 2011. Oui, en 2011 et juste quelques semaines avant la révolution qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir. Mais cela n'a pas empêché certaines parties «bien pensantes» d'attaquer le film en justice pour atteinte à l'image du pays. Plusieurs procès ont été intentés, mais tous ont été gagnés par le réalisateur Mohamed Diab qui est, d'ailleurs, parti d'une affaire en justice pour écrire son film. Agressée, en 2008, par un chauffeur de minibus, Noha Rochdy , 27 ans, a osé porter l'affaire devant les tribunaux. Malgré toutes les menaces qu'elle à subies et les rumeurs infâmes qui ont couru, elle a réussi à faire condamner l'agresseur à trois ans de prison. La mise en scène ou la narration de l'un des plus grands fléaux en Egypte (et dans le monde arabe, on imagine) a été conduite par le réalisateur sans fioritures et de manière plutôt attachante. C'est peut-être l'une des manières de montage et de traitement les plus promptes à toucher un grand public et à le sensibiliser à des questions aussi brûlantes. Une mise en scène intelligente et très digeste. Le cinéaste a, dans ce film, pris le modèle du réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu (Amours chiennes, 21 grammes, Babel) pour tisser le rapport entre ses trois héroïnes. L'exercice est,par ailleurs, très réussi parce que peu de cinéastes arabes ont pu gérer trois rôles principaux à la fois sans faire de bavures. Il faut dire, également, que les failles du film ont été sauvées par l'extraordinaire énergie des comédiennes Nelly Karim, Nahed el Sebii et Boushra. Les femmes du bus 678 met en scène cette violence masculine longtemps cachée et tue par les victimes, surtout avant la révolution égyptienne. Une violence à l'égard des femmes qui a fini par éclater au grand jour, à la place Tahrir, où les manifestantes croyaient être tranquilles et à l'abri de ce genre d'agression, dans l'attente du départ de Moubarak. Mais un jour, la place de la «libération» devenait un lieu où elles n'étaient plus harcelées, mais sujettes à des...viols à ciel ouvert. Mais là, c'est une autre histoire.