Affaiblis sportivement, fragilisés mentalement, les «Sang et Or» pratiquent un football à l'envers. Si les défaillances n'ont pas impacté les résultats de l'équipe espérantiste dans le passé, elles agissent aujourd'hui avec un effet de retard et elles actionnent un signal d'alarme. Le constat est évident: l'EST ne fait plus peur. Elle n'a plus le niveau requis, collectivement et individuellement, pour la compétition africaine, du moins dans un stade aussi avancé de cette épreuve. Il faut reconnaître qu'on ne demande pas à une équipe plus qu'elle ne peut donner. Sa trajectoire déclinante ne paraissait pourtant soulever aucune réelle prise de conscience, ni entraîner une mobilisation de tous les instants. L'EST avançait insensiblement au-devant d'un échec que l'on croyait inimaginable. Après avoir pleinement vécu, joliment chanté, séduit et enflammé, elle pose un genou à terre et il lui faudra beaucoup de ressources pour éviter de mettre le second et de s'incliner... Elle est également victime de la montée en puissance de ses principaux adversaires africains. Elle n'a plus de marge de sécurité, on le voit bien. Elle nourrit plus de prétention qu'elle ne génère de moyens et de savoir-faire. Le rapport de force s'est sensiblement inversé. Absence de cadres, de joueurs percutants et décisifs, de fond de jeu, d'option et de stratégie tactiques. L'affaiblissement est considérable. Le temps où l'équipe avait réussi à bâtir un modèle de jeu basé sur une présence systématique en coupe d'Afrique est bien révolu. Même si son président a investi et surinvesti, l'EST a fini par laisser des plumes. C'est l'impression d'un divorce. Le constat de ravages par le développement d'un football ordinaire et mal inspiré. Pas étonnant qu'on en soit là. L'échec face à Orlondo Pirates, ne nous y trompons pas, c'est l'échec d'une certaine idée relative à la compétition de haut niveau. Virage dangereux Le génie espérantiste serait-il en voie de congélation? Reconnaissons que les prémices de cette dégénérescence s'étaient manifestées de manière assez nette depuis quelque temps en championnat national et que rien ne semblait réussir à l'endiguer. L'EST avait commencé à pâlir et personne n'avait voulu en convenir par peur, par aveuglement. Autant que cette perte sèche, c'est l'enclenchement pernicieux d'un mécanisme incontrôlable qui nous semble le plus inopportun: les faiblesses conjoncturelles s'ajoutent aux mauvais choix, les principes se diluent, la cohérence s'évanouit. Tout glisse. Nous déplorons qu'il n'y ait eu personne pour l'avertir avant et pour remettre chacun à sa place. La réaction des supporters face à la prestation des joueurs et à leur manque d'implication résume un sentiment partagé. Les choses ne devraient plus rester comme elles sont. On ne doit pas justement oublier que plus les minutes passaient et plus on se demandait si les joueurs espérantistes parlaient le même langage sur le terrain, s'ils pouvaient encore y parvenir, ou s'ils en manifestaient simplement une réelle envie. Sans le ballon, il leur arrivait des fois de ressembler à une équipe. Mais avec, on était loin du compte. L'équipe n'arrivait plus à retrouver une maîtrise technique acceptable et une solidité défensive correcte. Son animation collective, son efficacité offensive, au regard de sa possession de la balle, de ses atouts individuels, tout cela restait d'une étonnante médiocrité. L'image du jour, celle d'un ensemble dominé par son adversaire, ne laisse pas l'ombre d'un doute. En arrière-plan, les profils de joueurs dépassés et entraînés dans un déficit de jeu et de créativité. Beaucoup plus que les corps, ce sont les esprits qui ont marqué l'incroyable fiasco. Si les jambes traînent, c'est bien parce que les têtes sont brisées. Et les illusions de grandeur avec. Le football est une leçon permanente de vérité et, d'une certaine manière, d'une dureté absolue.