Par Khaled TEBOURBI Le «Livre noir» de M. Moncef Marzouki tiendra probablement encore «la vedette» cette semaine. Même si la reprise du «Dialogue national» est toujours annoncée imminente et risque de lui ravir la place. Les deux faits se recoupent, à vrai dire. Le «Dialogue» peut conduire à déposséder la Troïka gouvernante des «avantages» accumulés depuis les élections du 23 octobre 2011. En ressortant le dossier desdits «médias de la honte», M. Moncef Marzouki, qui craint pour son parti et pour son poste, peut «aider» à lui faire diversion, sinon à le torpiller. Et le «biais» emprunté est clair. Par leurs critiques constantes et l'impact qu'ils exercent sur l'opinion, les journalistes ont grandement contribué à pousser Ennahdha et ses alliés à signer la feuille de route des «quatre». Rappeler intempestivement (nominativement) à leurs «compromissions» passées, les couvrir d'opprobre, est une façon de leur «rendre la pareille», tout en jetant le discrédit sur l'ensemble de l'opération. Reste qu'au-delà de ses arrière-pensées qui ne trompent personne, la publication «commandée par notre président de la République provisoire ne brille ni par son timing» ni, éventuellement, par son argumentaire. Le procédé est franchement contestable. La liste noire des journalistes était gardée, mordicus, dans les archives de l'Etat. Tout le monde la réclamait après la révolution et, en premier, notre propre syndicat. Refus systématique à chaque fois. Sauf, en toute vraisemblance, pour les besoins «bien compris» du président. Pourquoi cette faveur spéciale ? Et en vertu de quel privilège particulier ? Il y a là un flagrant abus de position. Pourquoi, de plus, décider de ces «déballages» proprement maintenant? Ceux qui ont laissé faire M. Marzouki n'avaient-ils pas idée de ce que ce «timing» tardif signifiait en ce moment politique précis ? Et passe sur toutes ces irrégularités : que vaudraient vraiment, au fond, les révélations retentissantes auxquelles on nous convie ? Vaudraient-elles justice ? En aucun cas. La justice transitionnelle est encore suspendue, que l'on sache. Tant qu'elle ne sera pas actionnée, on se retrouvera, toujours, avec de simples dénonciations sur les bras, et avec tout ce que cela va entraîner comme recours, annulations, polémiques et démentis sans fin. Vaudraient-elles éthique ou moralité? Doute absolu. A commencer par «la compromission» elle-même. Que pèse-t-elle désormais? Plus grand-chose, il faut en convenir, après le net retour aux «affaires» des Rcdistes et autres destouriens. Aujourd'hui, d'anciens collaborateurs de Ben Ali sont clairement sollicités, en tant que conseillers, ou même au titre de responsables, par le gouvernement de la troïka, jusque par la présidence de la République. Mieux : on fait appel à eux dans nombre de médias. «L'effet d'opprobre» ne porte plus. A plus forte raison quand ceux là-mêmes qui entendent s'en servir en sont les premiers atteints. Notre président provisoire apparaît, en plus, très mal placé pour donner des leçons en la matière. On ne va pas (ré)énumérer ses «paradoxes» et ses «frasques» depuis qu'il s'est installé au palais de Carthage. On lui renverra seulement cette petite question : qui devrait-on condamner des journalistes qui se sont «mouillés» avec la dictature, ou d'ex-opposants démocrates et laïques, militants des droits de l'Homme, de surcroît, qui s'allient à des partis religieux, reçoivent des chefs de milice et des dirigeants jihadistes et prônent le recours aux potences? De quel côté est l'opprobre M. le président? Du côté des médias au parcours douteux, ou d'hommes politiques au pouvoir qui renient les principes et les valeurs qui les ont amenés là où ils sont? Notre petit doigt nous dit que les lecteurs de votre «Livre noir» sauront, d'emblée, trouver la bonne réponse. Accroche