Au-delà de l'écoulement des produits de base sur les marchés parallèles, c'est la spéculation qui a, aujourd'hui, contribué au déséquilibre de l'offre et de la demande, en stimulant, par ricochet, la hausse des prix Les œufs n'ont pas échappé à l'envolée spéculative. La polémique née, ces dernières semaines, sur le prix fixé à 660 millimes (les quatre unités d'œufs) par le ministère du Commerce a favorisé la spéculation autour de ce produit de base. En colère contre cette décision, producteurs, grossistes et petits commerçants ont mal accueilli cette décision, craignant que leur marge de bénéfice en soit sérieusement affectée. Mécontents de la nouvelle tarification fixée par le ministère, qui ne leur permet pas de couvrir leurs dépenses et encore moins de réaliser une marge bénéficiaire, certains producteurs avicoles ont refusé d'écouler les œufs sur le marché. La baisse de la quantité d'œufs sur le marché local a entraîné une hausse de la demande qui a permis aux grossistes et aux petits commerçants d'écouler leur produit à un prix supérieur à 700 millimes les quatre unités alors que le prix de gros à été fixé à 660 millimes. Les petits commerçants n'ont pas échappé non plus à la bulle spéculative emmagasinant de grandes quantités dans les arrière-boutiques pour les écouler au «compte-gouttes». D'autres ont, par contre, préféré boycotter ce produit de base pour éviter d'être pénalisés par les équipes de la brigade économique. «Le coût des œufs à été fixé à 660 millimes, souligne un épicier de la capitale. Le grossiste me les vend à un prix bien supérieur à ce coût. Je ne peux pas vendre à perte non plus. J'ai tout simplement décidé de ne plus vendre d'œufs pour l'instant en attendant que tous les intervenants du secteur se mettent d'accord sur leur prix ». Aujourd'hui, les divers intervenants du secteur avicole se jettent la balle. Le nombre des spéculateurs en hausse Mais, au-delà de l'écoulement des produits de base sur des marchés parallèles, c'est la spéculation qui a contribué, aujourd'hui, au déséquilibre de l'offre et de la demande et à la hausse des prix. Le nombre des spéculateurs est en hausse constante. Au chômage depuis de nombreuses années, des jeunes issus de milieux défavorisés voient dans la spéculation l'occasion rêvée de se faire de l'argent et de réaliser des profits en un temps record. Ces intrus sont présents dans tous les secteurs. C'est dans l'écoulement des produits de base sur des circuits parallèles qu'ils excellent le plus . L'approvisionnement en lait et en eau minérale, écoulés clandestinement, l'année dernière, vers la Libye et qui a généré un manque de ces produits de base sur le marché local illustre bien cet état de faits. Les petits spéculateurs en ont profité pour s'immiscer dans les circuits de distribution, et profiter pour écouler des packs d'eau auprès des petits commerçants et des épiciers au prix fort. «Le pack d'eau s'est vendu à trois dinars six cents millimes dans certaines épiceries, note M. Slim Saâdallah, premier vice-président de l'Organisation de défense du consommateur (ODC). «Quant au lait, le gouvernement a dû en importer des quantités importantes de l'étranger pour approvisionner le marché et répondre à la demande. Les spéculateurs sont à l'affût du moindre déséquilibre de l'offre et de la demande. Si un produit de base vient à manquer sur le marché, ils en profitent pour s ‘approvisionner auprès des grossistes et l'écouler au prix fort » a-t-il encore expliqué. Perturbation des circuits de distribution Moutons, légumes, produits de consommation de base....tous les moyens sont bons pour se faire un petit pécule. La ruse est le point fort de ces petits spéculateurs qui ne ratent aucune occasion. Quelques mois avant l'Aïd el Kébir, ils sillonnent la campagne pour conclure des marchés avec les petits éleveurs de moutons et acheter les agneaux à leur naissance, afin de les élever et de les nourrir pendant quelques mois pour les revendre, par la suite, six à sept fois leur prix à l'approche de la fête du sacrifice du mouton, observe le vice-président de l'organisation. Ces nouveaux spéculateurs ont également chambardé les circuits de distribution des légumes et des fruits traditionnellement bien organisés, en se rendant directement auprès des petits agriculteurs pour s'approvisionner en produits de saison. Ils font, ensuite, le tour des marchés pour écouler leurs produits auprès des vendeurs de légumes à un prix moins cher que le prix proposé au niveau du marché de gros. «Cela provoque forcément un déséquilibre de l'offre et de la demande, a souligné M. Saâdallah. La récupération de la distribution des fruits et légumes par ces intrus va perturber l'approvisionnement du marché de gros et avoir automatiquement un impact sur les prix de gros qui vont augmenter. C'est pour cette raison que les prix de certains légumes sont, parfois, en hausse car ils sont présents en petites quantités au marché de gros. La demande dépasse, alors, l'offre. De leur côté, les vendeurs de fruits et de légumes vont chercher à s'approvisionner auprès de ces spéculateurs pour obtenir des légumes et les fruits à un prix moins cher. Ils achèteront seulement de petites quantités au marché de gros. A titre d'exemple, ce sera du 60%, 30%. Ils revendront le tout au prix du marché de gros. Cela les arrange bien sûr ». La seule manière de freiner la spéculation qui gangrène, aujourd'hui, les circuits de distribution serait d'augmenter, d'une part, la production afin de maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande et de lutter, d'autre part, contre la contrebande et l'écoulement des produits de base sur les marchés parallèles, conclut le premier vice-Président de l'ODC.