La saison de la chasse au sanglier au nord du pays est ouverte jusqu'au 26 janvier. Traques avec des chasseurs français sur les flancs de Jebel Sayar (Thibar) Installés au bar alsacien de l'hôtel, à Aïn Draham, neuf chasseurs et deux accompagnateurs français font le bilan de leur journée dans une ambiance conviviale. La chasse dans la forêt de chênes-lièges a été fructueuse : 13 sangliers abattus, dont certains atteignant un poids de 80 à 100 kg. Il y a eu des ratés aussi : 12 sangliers ont été manqués. «La chasse, c'est beaucoup de bonheur, de convivialité, mais aussi de la déception qu'il faut gérer», confie Yves. Le chemin accidenté de la forêt est épuisant mais le lendemain, le groupe prend à nouveau la route des montagnes, cette fois à Béja. Les chasseurs ont prévu de passer neuf jours à sillonner le pays et à vivre leur passion. Il est 6h30 du matin quand le convoi de 4x4 quitte les hauteurs de Aïn Draham pour Jebel Sayar. Le soleil aura largement eu le temps de se lever avant que les voitures n'arrivent sur le territoire de chasse, où 20 rabatteurs de la région les attendent avec leurs chiens. Mongi, leur chef, connaît le groupe de Français depuis plusieurs années. En effet, certains d'entre eux viennent chasser tous les ans en Tunisie depuis près de 30 ans, par amour du pays et de ses habitants. Le tourisme de chasse en Khroumirie a été développé par Nabil Ben Abdallah (hôtelier) dans les années 70. Les chasseurs étrangers ont presque tous été accueillis au moins une fois par cet homme qui maîtrise parfaitement les règles de la chasse et les formalités administratives pour venir chasser en Tunisie. Le groupe de Français fait partie des touristes européens qui lui sont restés fidèles des décennies durant. Chasse en battue Après le briefing, les chasseurs dévalent la montagne pour se poster au bord du coupe-feu, distancés les uns des autres de 40 à 50 mètres. La traque peut alors commencer. Les chiens cherchent le sanglier, leurs maîtres les suivent de loin. Quelques minutes plus tard, le silence de la montagne est interrompu par les premiers aboiements. Les rabatteurs rappliquent et tirent des coups de bazooka, chargé de cartouches à blanc. Effrayées par les détonations, des grives musiciennes s'envolent en contrebas, vers la vallée de La Medjerda. Certains rabatteurs, les « gueulards», poussent des cris. « Bon sang, lui a-t-on arraché un bout de chair ? », plaisante un des accompagnateurs, restés près des 4x4. Le but de la bruyante manœuvre est de faire peur aux sangliers et de les pousser vers la « ligne de tir ». C'est ce qu'on appelle la chasse en battue. «C'est la méthode la plus courante. Mais on peut aussi chasser le sanglier à l'approche. On est alors seul, avec un guide», explique Jean Thorain, le doyen de l'équipe de chasseurs. Agé de 80 ans, Jean a beaucoup voyagé en Afrique et en Asie pour chasser. Les rabatteurs avancent dans la rocaille, où poussent pin d'Alep, thym et diss. L' « enceinte » se resserre de plus en plus. Pendant ce temps, les chasseurs attendent à leur poste sans bouger. Avec leur tenue de camouflage, on a du mal à les distinguer de loin. « Le chasseur est un solitaire. Il s'intègre dans la nature et se fait bête avec les bêtes », affirme Yahia, guide de chasse, qui observe les chasseurs de son poste en hauteur. A un certain moment, des coups de feu sont tirés, « ventre au bois », comme le veut l'usage. Les chasseurs sont en effet tous tournés dans la direction de la battue. Ainsi, les accidents dus aux ricochets sont évités. Deux sangliers sont abattus. A la fin de la traque, les gibiers sont mis à l'arrière des voitures et bagués au niveau de la patte. Deux autres traques ont été menées le matin et quatre l'après-midi à des endroits différents, toujours à Jebel Sayar. Une école de vie A midi, une table a été dressée dans la montagne, et les chasseurs ont partagé le riz et le poulet préparés par l'hôtel, ainsi que de la charcuterie ramenée dans les bagages. Sebastien a coupé une baguette en deux et étalé dessus du Munster (un fromage alsacien). La « tartine » a ensuite été mise sur le feu pour faire fondre le fromage. Le délicieux mets a ensuite été partagé entre les convives, pendant que le café chauffait dans des bouteilles de verre, léchées par les flammes. Les chasseurs français ont abattu 7 sangliers pendant leur journée à Jebel Sayar. Trois ont été manqués. Le sanglier de Khroumirie est réputé pour être difficile à tirer. «Le sanglier est une bête sauvage, son comportement est instinctif. En Tunisie, il est plus vif, plus rapide, plus adapté à son biotope. Il y a de très beaux sangliers ici», estime Serge. Pour lui, la chasse est une école de la vie, de la fraternité et de l'humilité. «On ne peut pas se permettre de tirer sans respecter ce que l'on chasse et les personnes avec lesquelles on est», explique-t-il. «La chasse permet de connaître un pays. Ça n'a rien à voir avec des vacances classiques au soleil. Nous, on rencontre vraiment les gens», conclut-il.