Quelque 60 mosquées ne sont plus aux mains des salafistes. Cap maintenant sur le reste... Les incidents qui ont émaillé le prêche de vendredi dernier dans une mosquée de Kairouan constituent sans doute un message fort aux salafistes, à savoir que leur «cavalier seul» dans les mosquées du pays commence à faiblir considérablement, sous les coups de boutoir des forces de sécurité intérieure. Celles-ci, jusqu'ici sur la défensive sous la Troïka qui «refusait» bizarrement cette confrontation, ont été enfin sommées de réagir, quitte à user de la force, dans le cadre d'une stratégie fraîchement élaborée, et visant la désalafisation des mosquées. Stratégie loin d'être improvisée et qui a été rendue inévitable par les dangers sans cesse croissants menaçant ces lieux de prière qu' Ansar Echaria a transformés, la passivité politique aidant, en chasse gardée où tout est permis : avalanche d'attaques acerbes contre les laïcs, dénigrement des agents de l'ordre, incitation à la haine, recrutement des partisans, organisation de convois de jihadistes à destination de la Syrie et de la Libye et... stockage d'armes, soit dans la pure tradition des terroristes et conformément à leur imagination cynique. Soulagement Aujourd'hui, heureusement, le laxisme (du pouvoir) l'a cédé à une superbe prise de conscience. Certes, celle-ci est venue tardivement, c'est-à-dire après trois ans d'impuissance frisant la complaisance. Toujours est-il que mieux vaut tard que jamais. En effet, depuis l'avènement du gouvernement Mehdi Jomâa, c'est à un bras de fer «prometteur» que nous assistons, puisque, mine de rien, et selon des sources policières bien informées, quelque 60 mosquées ne sont plus aux mains des salafistes. Ceux-ci en ont été délogés, soit dans les règles de l'art et avec le consentement de leurs occupants, soit par la force. Toujours selon les mêmes sources, nos policiers, dans ce jeu du chat et de la souris, n'ont eu recours aux bombes lacrymogènes qu'en de rares occasions. Sinon, le ministère des Affaires religieuses a réussi, sans fracas, à «imposer» ses imams, en remplacement des imams salafistes qui faisaient bruyamment campagne pour l'islam radical. Cette opération coup de poing, d'une ampleur sans précédent dans l'histoire de nos mosquées, a été d'autant plus salutaire qu'elle a suscité un profond soupir de soulagement auprès de la population pratiquante. «Dieu merci, les mosquées retrouvent enfin leur quiétude», jubile A.M., 52 ans, non sans regretter d'avoir été poussé depuis deux ans à faire ses prières à domicile, «de crainte de subir le cynisme des salafistes qui régnaient en maîtres absolus sur la mosquée du quartier». Pour S.M., 48 ans, «si j'avais boudé les prières à la mosquée, c'est tout simplement parce que je cherchais à sauver ma peau face à ces terroristes qui nous ont rendu la vie dure, soit parce qu'on n'a ni leur barbe, ni leur tenue afghane, soit parce qu'on n'assistait pas à leurs violents cours du soir. Bref, c'était la terreur au temps de leur règne. Pourvu qu'ils ne reviennent pas un jour». Au suivant Non, ils ne reviendront pas, oserions-nous répondre, non par euphorie, mais bel et bien en connaissance de cause. En effet, il est réconfortant de constater que la population, visiblement galvanisée par les derniers coups de filet policiers, ne tolère plus de présence de salafistes dans les mosquées. «Quitte à leur empoisonner l'existence», jure un anti-Abou Iyadh, sous le couvert de l'anonymat. De surcroît, l'Etat semble fermement décidé à poursuivre, par tous les moyens, l'application de la stratégie de désalafisation des mosquées. Celle-ci, pilotée par les ministères de l'Intérieur, des Affaires religieuses et de la Justice et chapeautée par le chef du gouvernement en personne, tente maintenant de relever le défi, l'audacieux défi d'assainir le reste des mosquées encore sous domination salafiste et dont le nombre avoisine les 149, selon un dernier recensement officiel. Or, pour certaines sources sécuritaires, «ce chiffre est à réviser à la hausse, étant donné l'existence de centaines de mosquées non encore recensées et qui seraient des fiefs terroristes». De toute façon, loin des jeux arithmétiques, une chose est certaine : l'Etat est embarqué, à corps perdu, dans cette formidable campagne d'assainissement des mosquées qui, nous en sommes persuadés, continuera de faire mouche.