Le Goethe institut et l'Institut français de Tunis confirment leur volonté de promouvoir le court métrage tunisien et les nouveaux talents. Un deuxième concours de courts métrages vient d'être lancé sur le thème du couple. Palais El Abdellia. La Marsa. Jeudi 27 mars 2014. Première séance d'accompagnement pour l'écriture du scénario. Nous débarquons pendant la pause café. Boissons et sucreries. Tout est là pour remettre les idées en place à ces jeunes étudiants qui ont eu la chance d'être sélectionnés pour le deuxième concours de courts métrages : un projet conçu et réalisé par le Goethe institut et l'Institut français de Tunis, soutenu par le Fonds culturel franco-allemand et le Centre national du cinéma et de l'image en Tunisie (CNCI). Les organisateurs, Cecilia Muriel (chef de projet), Christian Stehr (assistant culturel au Goethe institut) et Charlotte Desmares, de l'IFT, sont aux petits soins. Nous reconnaissons très vite la formatrice. C'est celle qui, pendant la pause, se retrouve harcelée de questions. On fait les présentations : Véro Cratzborn, consultante en réalisation, auteur de 9 courts métrages dont deux documentaires. Elle siège à la commission de sélection du centre de cinéma belge. Son parcours est assez riche en production et elle projette de réaliser un long métrage de fiction, actuellement en période de développement. A peine la formatrice a-t-elle commencé à siroter son café que les organisateurs annoncent le redémarrage de la séance matinale. Les 48 participants prennent place et continuent à « pitcher » leurs films. Chaque auteur, accompagné de son équipe, doit, en six minutes maximum, si possible quatre, et idéalement deux, raconter son histoire de la façon la plus alléchante possible. Il doit savoir dégager les grandes lignes de l'histoire — racontées en trois temps, pour marquer la séparation entre les actes —, évoquer trois scènes visuellement très marquantes, raconter le tout avec rythme et passion communicative, et être aussi sûr de lui qu'un présentateur télé improvisant un direct. Mais pitcher un film ou une histoire, ça aussi, c'est un apprentissage. Ceci étant dit, la formatrice n'a qu'une demi-heure à consacrer à chaque projet. Elle doit apprendre à ces cinéastes débutants à identifier leur personnage principal, à créer le conflit et à « comploter » pour alimenter les obstacles. « Surtout ne pas prendre trop de temps pour exposer les choses, et ne pas oublier qu'il s'agit de cinéma, et non d'un téléfilm ou d'un reportage», leur dit-elle. Dans une première étape, Véro Cratzborn dispose de trois jours uniquement pour suggérer à ses étudiants un traitement original et les aider à recadrer les personnages et les évènements. Lourde tâche. D'autant plus que ces coups d'essai sélectionnés dans un jury franco-allemand, parmi 58 projets, sont loin d'être des coups de maître. Plus inquiétante est la tendance à raconter des histoires banales et quelquefois un peu trop « intellectualisées ». Nous avons déjà remarqué que les institutions officiellement désignées pour former des cinéastes accordent une place relativement modeste à l'écriture de scénario. Mais le but de ce genre de projets complémentaires à la formation dans les écoles est justement d'apprendre aux futurs cinéastes à faire preuve de rigueur et à développer, ensemble, leurs représentations du monde, quelle que soit leur spécialité. Travailler le sens de leur histoire et la mise en image du sens, d'un point de vue précis et constructif, tel est le processus de ce projet franco-allemand. C'est pour cela que les auteurs de ces courts métrages se font coacher en compagnie de leurs équipes techniques. « Travailler en équipe, c'est la grande originalité du projet », précise Cécilia Muriel. Rappelons que le premier concours de courts métrages a été lancé en 2013 sur le thème de la « réconciliation ». La projection publique des 10 films produits a eu lieu au mois d'octobre dernier. D'après les organisateurs, le but du projet est de donner la chance à cette jeunesse, née à l'ère de l'image, de faire ses preuves. « On aimerait que le court métrage tunisien soit visible à l'étranger», ajoutent-ils. C'est pour cela qu'on a choisi de concevoir ce processus de formation à l'instar de toutes les formations internationales. « Les étudiants se retrouvent face à eux-mêmes, dans un dispositif de professionnalisation, complémentaire des écoles», confirme la formatrice. L'appel à candidature, pour cette nouvelle session sur le thème du couple, a été lancé au mois de janvier dernier, pour la population des écoles de cinéma de Tunis et à l'intérieur de la République, à travers des affiches et d'autres supports, tels que les pages web. Résultat obtenu : cinq projets proposés par des étudiants de l'Isam (Institut supérieur des arts multimédias de La Manouba), deux de l'Edac (Ecole des arts et du cinéma), deux de l'ESAC (Ecole supérieure de l'audiovisuel et du cinéma) et un projet de NET-INFO (Ecole d'image de synthèse 3D et des effets spéciaux). Les candidats devaient présenter eux-mêmes leurs dossiers. « Ainsi, ils apprennent à donner un sens aux procédures », commente Charlotte Desmares. A l'étape de la préparation du tournage, ils doivent gérer eux-mêmes leurs budgets. Car ce concours de courts métrages ne se limite pas à l'écriture du scénario. En fin de processus, les candidats auraient assimilé toutes les étapes de la fabrication d'un film, de l'écriture à la budgétisation, et du tournage à la postproduction, jusqu'à la confrontation avec le public dans la salle obscure. En attendant, une nouvelle rencontre sur le scénario aura lieu du 8 au 10 mai 2014. Au mois d'août, les équipes commenceront à tourner puis entameront la postproduction. Durant tout le planning, Véro Cratzborn serait présente, ainsi que d'autres experts qui viendraient d'Allemagne. « Nous avons tiré la leçon de l'année dernière pour que l'accompagnement soit optimal», confie la formatrice. Et d'ajouter : «Forts de l'expérience précédente, nous avons pensé le projet au plus près des besoins d'ici». Elle veut parler de ces besoins qui concernent la construction du personnage. Notamment le personnage principal, le sujet du film, celui qui mène l'action. N'a-t-on pas toujours dit que notre cinéma national est en crise de sujets ? Sinon, comment expliquer la diminution continue du nombre de spectateurs ? Bref, espérons que ces jeunes, qui font leurs premières armes, comprendront la leçon, avant de passer à l'acte.