Quel filtre à eau choisir ? Guide pour comprendre, comparer et décider    Plan de développement 2026–2030 : l'intelligence artificielle utilisée pour définir les priorités stratégiques    Comptes inactifs : le CMF fixe la date et les règles du transfert vers l'Etat    L'ATB relance son offre «100 Jours SAKAN» pour faciliter l'accès à la propriété    Indonésie : séisme de magnitude 5,4 au large de Sumatra    Vague de chaleur en Grèce : fermetures, interdictions et alertes incendie    Séismes meurtriers au Guatemala : alerte maximale dans trois départements    Football / RDC : Saber Ben Jabria nommé entraîneur de l'AS Vita Club    Maroc : destination privilégiée des millionnaires en 2025, la Tunisie cherche sa place    Météo : Pluies éparses et baisse des températures…    Vents forts en Tunisie : la baignade déconseillée, avertit la protection civile    Nuisances sonores, étals anarchiques : la Manouba impose un nouveau règlement    Les vitamines : des alliées santé cachées dans vos fruits et légumes    La Tunisie accueillera son premier festival international de rap : les détails    59ème édition du festival de Carthage : Des couacs de communications inacceptables !    Condamnations dans l'affaire de complot : Ennahdha crie au procès politique    Mer agitée et vents puissants : l'INM met en garde les usagers de la mer    Festival de Carthage : entre accusations de sionisme et manque d'imagination    La Tunisie s'apprête à organiser son premier festival international de rap    Ghazi Moalla décrypte l'incident diplomatique entre l'Est libyen et l'UE    La BTE lance «NEO BTE», la 1ère plateforme bancaire en Tunisie 100% digitale au service d'une expérience client repensée    Hatem Ben Youssef : le prix d'un gramme d'or peut dépasser les 400 dinars dans certaines situations    Après TSI, la Siame devant la justice : grand endettement, un patron en fuite et des capitaux à l'étranger    Avec plus de deux milliards en jeu, la Sevad appelle à un encadrement du e-commerce    Trump face à la colère de figures "MAGA" sur l'affaire Epstein    Hausse des taxes américaines : Ridha Chkoundali alerte sur les risques pour l'économie tunisienne    Habib Touhami: François Perroux, l'homme et le penseur    Affaire du "Bureau d'ordre" : la Cour de cassation rejette le pourvoi d'Abir Moussi    Fadel Chaker au Festival de Carthage ? Une rumeur infondée déclenche la controverse    Djerba Music Land 2025 fait encore vibrer le tourisme sur l'île    La Tunisie battue par l'Egypte en finale du Championnat arabe féminin de basket-ball    Police espagnole : les causes de l'accident mortel de Diogo Jota révélées    Mongi Rahoui : il faut épurer l'administration    Mercato : Le Club Africain renforce sa défense avec Houssem Ben Ali    Nor.be et l'Orchestre de Barcelone font vibrer Dougga entre tradition et création    Rana Taha, nouvelle coordonnatrice-résidente des Nations unies en Tunisie    Activi Sifek avec Shahry, la nouvelle offre postpayée 5G d'Ooredoo, pleine d'avantages exclusifs    Grand Défilé ESMOD Tunisie 2025 : l'art sous toutes ses coutures, entre héritage et futur    Prolongation du droit de logement dans les foyers : ce qu'il faut savoir    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Le Président de la République s'entretient avec la cheffe du gouvernement et évoque les contestations dans certains secteurs : « Bal masqué, bal manqué »    Kaïs Saïed critique le système économique mondial et appelle à de nouvelles approches pour le développement    Importante conférence internationale dès ce jeudi à Tunis sur le rôle des forces armées dans la protection des civils lors des missions de maintien de la paix de l'ONU    Transport aérien et maritime : Le Président mise sur les talents tunisiens    Tunisie Telecom félicite Walid Boudhiaf pour son nouveau record national à -118 mètres    Alerte à l'intox : l'INM démonte les fausses rumeurs météo    Tunisie - Walid Boudhiaf établit un nouveau record national à -118 mètres    Diogo Jota est mort : choc dans le monde du football    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Questions autour de l'art d'aujourd'hui
Propos esthétiques
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 04 - 2014


Par Raouf SEDDIK
On a émis l'hypothèse, dans notre précédent article, d'une éclipse de l'art musulman. En évoquant sa transformation en technique d'ornementation. Une telle éclipse serait intervenue essentiellement en raison de la domination de l'élément théologique dans la culture musulmane... Même dans le meilleur des contextes, on ne voit pas que quelque chose comme une corporation des artistes ait pu se constituer qui aurait fait valoir la légitimité de son rôle et de ses approches face aux autres composantes de la société musulmane et de ses élites savantes et régnantes... Un tel état de choses, dans le passé musulman, a pu également être causé par le fait que les intellectuels, et en particulier les philosophes, ont eu tendance à s'aligner sur une position platonicienne, dont nous savons qu'elle entretient la suspicion à l'égard de l'artiste dans la cité. Il n'est que de voir quelle place occupe Platon dans la pensée politique d'un Farabi... Quant à Aristote, qui a eu sur l'activité artistique d'autres vues, ce n'est pas sur ce terrain qu'il était sollicité... C'est, chez lui, un côté « païen » qui semble avoir été laissé de côté par ses plus grands admirateurs, tel Averroès.
Mais la question de l'éclipse de l'art, qui renvoie sans doute à une des grandes catastrophes qui peut survenir dans la vie d'une civilisation, est une question qui se pose aussi dans le contexte occidental... Malgré, ou peut-être à cause de la grande profusion des genres artistiques auxquels nous assistons aujourd'hui, une telle question se pose. Sans chercher à comparer des situations très distinctes, il s'agit pourtant de ne pas être dupe de cette sorte de folie artistique, de cette explosion des techniques à laquelle donne lieu l'art dit « contemporain »...
Depuis près d'un siècle et demi, on a enregistré plusieurs révolutions artistiques en Occident. Dans le domaine de la peinture, à travers la succession des mouvements qui ont nom impressionnisme, fauvisme, cubisme, futurisme, expressionnisme, abstrait, dadaïsme, surréalisme, on a surtout assisté à une insurrection du sujet : l'objet, quand il ne s'efface pas, sert de simple support à un jeu de formes et de couleurs qui correspondent davantage à la projection sur la toile d'une «intériorité», selon l'expression utilisée par Kandinsky. Après la Seconde Guerre mondiale, on voit arriver le « pop art » et tout un ensemble d'approches qui ne se contentent plus de jouer sur la marginalisation de l'objet, mais qui entreprennent aussi de jouer sur le support, en rompant les usages habituels. On assiste à une certaine frénésie de l'innovation qui fait complètement exploser les repères du travail artistique. Il ne s'agit plus ici de peindre son intériorité, mais de changer le sens du mot peindre et de bouleverser les frontières entre les différents arts... L'artiste, qui a renoncé dans un premier temps à peindre l'objet, voilà qu'il fabrique l'objet : non pas tel objet qui existe déjà dans le monde, mais cet objet qui n'a d'autre fonction que de répercuter dans le monde un instant d'inspiration...
L'art contemporain, pris en ce sens, revêt une dimension de contestation : il s'insurge contre l'hégémonie de l'objet issu de l'industrie, qui induit chez l'homme un comportement déterminé, ou prédéterminé : celui du consommateur. Il est donc le lieu d'une liberté réaffirmée contre l'ordre de l'objet à consommer et de son hégémonie dans le quotidien de l'homme d'aujourd'hui.
Le savoir-faire artistique, non seulement n'est plus aussi essentiel ici, mais il est clairement contesté. C'est du moins la tendance affichée par le «ready made» qui, selon la définition qui en est donnée, consiste à promouvoir au rang d'objet d'art un objet usuel... Une des œuvres fétiches du fondateur de ce courant, Marcel Duchamp, est un urinoir en porcelaine... Une autre œuvre est une roue de bicyclette. Il s'agit dans tous les cas d'objets trouvés qui, dès lors qu'ils sont exposés, échappent à l'existence qui leur est assignée et se découvrent un nouveau visage. Leur changement de statut tient uniquement, en somme, à la décision souveraine de l'artiste : non pas à son travail, ni à l'autorité que confère un savoir-faire quelconque, mais à sa décision, à son pouvoir autoproclamé – et cependant reconnu– de changer l'identité des choses qui nous entourent. Pourquoi un tel pouvoir ? Parce que l'artiste se présente comme un libérateur : en dégageant l'objet de son asservissement à l'ordre de son utilité ou de sa banalité, en le projetant dans l'ordre de la présence au monde, de la simple mais pleine existence, il libère en même temps l'homme-spectateur de son aliénation à ce même ordre qui, tout en dégradant les choses, dégrade également l'homme.
On se souvient de ce mot d'Aimé Césaire : « La colonisation travaille à déciviliser le colonisateur... »
La question se pose cependant de savoir si, à mesure qu'il devient libérateur, l'artiste ne perd pas cette vocation millénaire qui fut la sienne, et qui consiste, comme nous l'avons dit, à faire jaillir la lumière dans l'obscurité de la matière, ou de l'obscurité de la matière. On se demande également dans quelle mesure cette libération ne donne pas lieu à une imposture : sorte de jeu de provocation qui relève d'une passion de la dérision ou d'une religion de la futilité... On ne tranchera pas ici, mais il est évident que la question se pose... S'impose même.
On ne tranchera pas parce que, tout compte fait, rien ne nous assure que, dans le lot de cette effervescence de l'art contemporain, il n'y a pas, malgré tout, un fil incandescent qui mène ou qui rêve d'un autre monde... D'un autre sujet, d'un autre objet et d'un autre lien entre les deux.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.