Il n'est pas normal qu'en période de haute lactation, des quantités de lait soient déversées dans la rue sous prétexte que les centrales laitières n'ont pas voulu les accepter Des quantités de lait ont été déversées récemment dans la rue au grand dam de plusieurs personnes présentes. Ce n'est pas la première fois qu'une telle pratique est effectuée par les producteurs du lait qui ne trouvent aucun inconvénient à jeter les quantités de lait considérées comme surplus puisqu'elles n'ont été acceptées par aucune centrale laitière. Cela se passe habituellement lors des périodes de haute lactation au printemps quand la production atteint des taux élevés. Cette situation est néanmoins paradoxale car, à certaines périodes de l'année, quand la consommation augmente, cette denrée devient rare, voire inexistante. L'Etat est alors obligé, pour satisfaire la demande des consommateurs, de recourir à l'importation en dépensant une enveloppe conséquente en devises. Cet événement nous interpelle pour évoquer les problèmes dont souffre la filière dans son ensemble. Le problème ne se limite pas, en fait, à cette période de haute lactation mais se caractérise par sa dimension structurelle dans la mesure où les éleveurs et les industriels passent, chacun de son côté, par une situation peu reluisante en termes de bénéfices et de performances. Il s'agit donc de résoudre les problèmes en suspens dans les meilleurs délais pour que chacun puisse trouver son compte sans léser pour autant les consommateurs qui ont droit à un produit sain à un prix abordable. Diversification des produits laitiers Considéré comme produit de base, le prix du lait est homologué par l'Etat. Certains producteurs sont contre une telle mesure et préfèrent une libéralisation des prix pour stimuler la concurrence et permettre aussi bien aux éleveurs qu'aux industriels de faire des bénéfices plus importants. Il faut tenir compte, cependant, du pouvoir d'achat des citoyens. Toutes les parties prenantes dans le système de production doivent donc participer à la maîtrise des prix. Plusieurs centrales laitières ont opté d'ailleurs pour la diversification de leurs produits en fabriquant des yaourts de différents types en plus du fromage. Les consommateurs ont constaté lors des périodes de disette du lait, que le yaourt est disponible en grandes quantités, ce qui suscite l'étonnement. L'explication est pourtant simple : la fabrication du yaourt est plus rentable que celle du lait car les prix sont libérés à ce niveau. Même si les différentes marques de lait qui se trouvent sur le marché sont vendues au même prix, les consommateurs font leur choix en toute liberté en tenant compte de la qualité. Des normes de qualité sont mises en place pour s'assurer que les quantités présentées aux centrales laitières ne sont pas contaminées par certains pathogènes et peuvent être consommées sans causer des problèmes de santé. D'autant plus que le lait industriel pasteurisé est consommé par les enfants qui sont très vulnérables à l'insalubrité du lait. D'où les mesures rigoureuses prises au niveau de ces centrales au sujet de la qualité. Toutefois, nombre de collecteurs de lait considèrent que des centrales refusent leurs produits sous prétexte qu'ils ne répondent pas aux normes de qualité alors qu'en réalité, elles ont réalisé leur suffisance en la matière. Renforcer les unités de stockage Une relation de confiance devrait lier les éleveurs, les collecteurs et les industriels pour maintenir durablement la production à un niveau acceptable. Des contrats de production en bonne et due forme sont nécessaires dans ce sens. La production devrait se baser sur le contrat pré-établi qui spécifie les quantités, la qualité et même les prix. Des unités de stockage en nombre suffisant sont également nécessaires pour mettre de côté les quantités de lait en surplus qui peuvent être utilisées lors des périodes de grande consommation comme c'est habituellement le cas au cours du mois de Ramadan, de la rentrée scolaire, des fêtes de fin d'année...Mais le stockage a aussi un coût à supporter par toutes les parties prenantes et notamment l'administration et les professionnels en commun accord. Quand on évoque la filière laitière, il est nécessaire de s'attarder aussi sur les activités de l'élevage des vaches laitières qui souffre, lui aussi, de certaines difficultés structurelles. En effet, le coût de l'alimentation des vaches, dont une grande partie est importée, évolue à un rythme assez rapide. Les petits éleveurs se débrouillent comme ils peuvent — en recourant parfois au marché parallèle de l'alimentation pour bétail — afin de satisfaire leur demande et dégager un bénéfice dérisoire. Certains éleveurs ont été obligés d'abattre leur bétail pour payer leurs dettes et mettre fin à leurs activités. Ils acceptent volontiers de vendre leur bétail aux contrebandiers pour gagner de l'argent. L'objectif est donc de maintenir le cheptel pour pouvoir produire des quantités de lait répondant à la demande des consommateurs. Certains professionnels recommandent l'exportation légale pour absorber une partie des quantités de lait en surplus. C'est une bonne idée en somme, mais qui exige une identification des marchés qui seraient intéressés par le lait tunisien. Les pays voisins comme l'Algérie et la Libye peuvent constituer déjà des clients potentiels pour le lait pasteurisé.