Alors que fait son chemin l'idée d'accélérer la tenue d'un congrès national de Nida Tounès, qui précèderait donc les élections législatives et présidentielle, Tahar Ben Hassine prend l'initiative de lancer un courant autonome interne à ce parti. La Presse a voulu en savoir plus sur les objectifs et les présupposés de cette démarche. Après une démission dont personne n'a vraiment saisi la signification, vous lancez un courant au sein de votre parti. Quelles sont donc vos motivations ? J'ai démissionné du Bureau exécutif, pas du parti, parce que je refuse le principe des nominations. Tous les membres de la direction sont nommés. Deux ans après la fondation, cela ne se justifie plus. J'ai donc, il y a six mois déjà, proposé un congrès, et le président du parti était d'accord. Qu'il se trouve des membres du BE craignant de perdre leur positionnement, cela ne justifie pas le report du congrès. Vous êtes perçu comme un homme de défi qui ne craint pas la controverse. Ne craignez-vous pas cependant d'avoir, cette fois-ci, outrepassé l'entendement, en créant un courant organisé au sein d'un parti qui n'en prévoit pas. L'article 2 des statuts de Nida Tounès prévoit la liberté de fonder des courants, autant que celle de s'exprimer librement, tant que l'on ne met pas en cause les principes et les objectifs du parti. Ce n'est pas une action fractionniste ou dissidente mais une démarche visant à améliorer davantage l'attractivité de Nida Tounès. Tous les partis modernes prévoient des courants en leur sein. Il s'agit du «Courant de l'avenir», un courant social et démocrate. Au sein de Nida Tounès, il existe plusieurs sensibilités allant de la gauche au libéralisme total, certains militants seraient même opposés à l'existence des syndicats. C'est leur droit de penser ainsi et les statuts prévoient que toutes les sensibilités puissent s'exprimer librement, sachant qu'il reviendra aux adhérents et au peuple de choisir. «Social et démocrate», n'est-ce pas l'option de tout le parti ? Oui, dans un sens ce sont des options globales qui engagent l'ensemble du parti, mais il s'agit ici de mettre en exergue deux fondements autour desquels s'organisera notre courant au sein de Nida Tounès. Le social est un choix qui nous distinguera de ceux qui, au sein du parti, voient le salut du pays dans une option libérale débridée. C'est aussi un courant démocrate, parce qu'il prône le fonctionnement démocratique à tous les niveaux aussi bien du parti que du pays. Nous sommes ainsi favorables à l'élection des gouverneurs, qui seront ainsi les représentants des régions auprès de l'exécutif national et non le contraire. Votre initiative a-t-elle suscité des réactions au sein de la direction du parti ? Aucune réaction officielle mais quelques prises de position diverses. Je vous l'ai dit, notre démarche est conforme aux statuts et les courants sont un fait patent au sein de Nida Tounès, même s'ils ne s'organisent pas officiellement. Les avis des membres du Bureau exécutif sont partagés, certains pensent que l'expérience des courants ne doit intervenir qu'après le congrès du parti, mais cela n'aurait aucun sens. C'est grâce à un vrai débat démocratique porté par des courants, avec leurs propositions et leurs motions, que nous pourrons faire triompher la démocratie et adopter une motion de synthèse réellement représentative de toutes les énergies qui se reconnaissent en Nida Tounès. Quels autres courants pourraient être tentés de s'organiser comme vous comptez le faire ? Certains voudraient constituer un courant destourien. Destourien ou Rcdiste ? Les courants ne se basent pas sur l'appartenance passée mais sur le futur. Il y a incontestablement une sensibilité destourienne au sein de Nida Tounès et M. Béji Caïd Essebsi se trouve forcément à l'épicentre de ce courant destourien. Mais je vois par ailleurs un courant libéral ou conservateur et un autre de gauche... L'organisation en courants n'est pas une entreprise de division mais un facteur multiplicateur de rayonnement et d'attractivité. Elle établit la garantie d'un débat démocratique pluraliste et ne manquera pas d'attirer vers Nida Tounès plus de militants et d'adhérents. Avez-vous déjà des adeptes ? Beaucoup. Y compris deux ou trois députés, dont Slim Ben Abdessalem. Nous comptons recueillir l'appui d'un tiers des membres de Nida Tounès. Mais au-delà, ce n'est pas à ce niveau que se situent nos objectifs. Nous agissons pour la Tunisie et sommes convaincus de l'apport historique que représente Nida Tounès. Sachant que Béji Caïd Essebsi est incontestablement le ciment de Nida Tounès. Mais il faut également des pierres pour construire un édifice qui tienne. L'essentiel de notre démarche, ce sont les motivations. Et surtout deux principales : la première, c'est d'empêcher qu'il y ait une hémorragie au parti pour cause de manque de démocratie interne, et la seconde consiste en la nécessité de constituer un pôle d'attraction pour des gens qui se situent aujourd'hui à l'extérieur de Nida Tounès. Quand ils verront un courant s'exprimer de manière autonome, cela les attirera. À Monastir, suite à notre constitution en courant, toute une équipe qui était sur le point de quitter a choisi de rester à Nida Tounès.